MIreille de Gounod, Chorégies d'Orange. C'est d'abord l'histoire d'un échec ou presque. Par Jacqueline Aimar

Venue tout droit de chez Mistral et célébrée par Gounod, telle est Mireille, ou Mireio, ce mélo de Provence chantant un monde qui se démode, de valeurs familiales et d'autorité paternelle, de soumission filiale et d'amours contrariées. Un monde qu'on se prend à détester lorsqu'on est une fille et qui fait paraître notre époque bien meilleure. Bien qu'elle ne le soit guère.


Mireille, de Gounod © Chorégies d'Orange 2010

Mireille d'abord un échec

Mireille c'est d'abord l'histoire d'un échec pour Gounod. Le texte de Mistral est trop marqué par le lieu, un sud encore lointain, trop provençal, trop rustique peut-être dans une France encore mal dégagée de sa campagne. Et pourtant le compositeur s'est rendu en Provence chez Frédéric Mistral, près de Maillane, où il a composé l'opéra en deux mois seulement et la source d'inspiration est bien réelle.
Mireille est créé à Orange en 1930 et repris en 1942, puis après la guerre, n'a pas été rejoué depuis 1970. Cette reprise redonne à l'œuvre un air neuf dans une France plus touristique, plus proche du retour au plaisir des champs surtout s'ils sont de Provence et de lavande.

La reprise de 2010, plait incontestablement : Nathalie Manfrino est une jolie Mireille à la voix pleine ; légère et grave, elle est un personnage romantique façon 1830 ; et son père, ici Nicolas Cavalier en Ramon, une homme sévère et dur ; mais les magnanarelles, ces femmes qui élèvent les vers à soie source de richesse pour Ramon, et ouvrent l'œuvre par un refrain très chantant et très connu, représentent la gaîté. Vincent, le jeune amoureux n'est que vannier, sans doute trop pauvre, mais la voix de Florian Laconi est belle et chaleureuse ; il évoque bien souvent par les attitudes et la silhouette un autre grand familier des chorégies, Roberto Alagna. Marie-Ange Todorovitch en Taven et Karen Vourc'h en Vincenette, forment avec Mireille un trio de voix sereines et plaisantes, placées sous la direction dynamique d'Alain Altinoglu, face aux Chœurs des Opéras d'Avignon, de Nice et de Marseille et à l'orchestre National de Bordeaux-Aquitaine.

Un grand rôle pour l'héroïne

Cela forme un ensemble équilibré qui ne manque pas d'unité et donne à cette œuvre champêtre un charme et un élan heureux. Bien sûr, le drame va s'assombrir jusqu'à la mort de Mireille, puisqu'il n'a pas été choisi de jouer la version moins dramatique, sans la mort de l'héroïne. Mais cette mort donne au compositeur et à l'interprète l'occasion d'une scène poignante dans un ton recueilli et religieux, une sorte d'élan spirituel et musical.
Quel rôle ! pour Nathalie Manfrino en Mireille ! L'un des "plus difficiles" de l'opéra français, du fait d'une présence sur scène quasiment ininterrompue pendant trois heures et de "sa dimension religieuse et mystique ".

Le metteur en scène Robert Fortune, avait déjà créé l'opéra il y a 18 ans à Avignon et il a tenu à "éviter de tomber dans le côté santon provençal, propret et guilleret".
Cependant costumes et les coiffures restent traditionnels et le décor s'enrichit de projections lumineuses géantes et riches en couleurs qui apportent à l'austérité de la pierre romaine toute la lumière solaire d'une région désormais trop familière, et enrichissent l'évocation, donnant un grand coup d'air et de paysage. La très belle vague mousseuse qui inonde la scène dans le final vient achever l'histoire et engloutir Mireille, son amour et son chant presque mystique.
Mistral a apporté, malgré l'aspect suranné de son drame, la lumière sur cette scène souvent sombre, la mise en scène et la fraîcheur des interprètes ont complété le charme de cette soirée avec Gounod..
Jacqueline Aimar

pierre aimar
Mis en ligne le Lundi 4 Octobre 2010 à 14:49 | Lu 1715 fois
pierre aimar
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