Marseille, La Criée : Personne ne voit la vidéo, de Martin Crimp. Critique de Philippe Oualid

"Malheureusement la médiocrité du sujet, de la langue et du style nous fait sans cesse côtoyer le vide et provoque chez le spectateur de théâtre quelque peu cultivé le refus d'entrer dans un univers aussi dépourvu de finesse"


Spectacle dépourvu d'intrigue et de dramaturgie

Ecrite en 2000 et antérieure à Face au mur (Fewer emergencies) qui date de 2005 (cf.notre compte-rendu dans RMT n°15,mars-avril 2006,p.18), Personne ne voit la vidéo,de l'auteur britannique Martin Crimp,est une pièce constituée de sketches aux dialogues truffés de poncifs dérisoires proférés par les employés d'un centre commercial sur les sujets les plus triviaux de la vie quotidienne.
Un enquêteur, une enquêteuse qui interrogent des gens ordinaires sur leurs habitudes de consommation alimentaire, avec ce leitmotiv risible : "Dites-le avec vos propres mots",voilà en quelque sorte ce qui donne un fil conducteur à ce spectacle dépourvu d'intrigue et de dramaturgie pour éviter sans doute l'assimilation au théâtre de boulevard dont l'auteur aurait pourtant intérêt à acquérir le savoir-faire...
L'humour se trouve parfois au rendez-vous de ces conversations idiotes où les personnages jouent le jeu des questions-réponses,sans malice,sur des sujets aussi rebattus que la pizza,les plats surgelés ou les emballages plastiques,mais l'ennui gagne aussi le spectateur à cause du caractère répétitif et gratuit des propos tenus.
Pour faire passer la rampe à ce texte qui ne sollicite pas de véritable écoute, Linda Blanchet a réalisé une astucieuse scénographie de cartons empilés qui nous plongent dans l'univers d'un entrepôt de supermarché avec, côté cour, une vitrine de magasin vivement éclairée où les personnages figurent le plus souvent en pantins, en mannequins,et même en automates (au cours des intermèdes musicaux), avant d'interpréter leur sketch sous l'oeil d'une caméra de vidéo-surveillance. Deux d'entre eux,par ailleurs, Michaël Allibert et Leila Aissaoui, interprètent plusieurs rôles sans changer de costume, ce qui sème une certaine confusion, tandis que les trois autres(Sarah Biasini, Maija Heiskanen et Boris Le Roy) adoptent un jeu naturaliste qui fait corps avec le texte et leur sied parfaitement.
Malheureusement la médiocrité du sujet, de la langue et du style nous fait sans cesse côtoyer le vide et provoque chez le spectateur de théâtre quelque peu cultivé le refus d'entrer dans un univers aussi dépourvu de finesse.
On nous présente aujourd'hui Martin Crimp comme le nouveau métaphysicien du théâtre qui aurait pris le relais d'un Samuel Beckett ou d'un Harold Pinter.Difficile d'y croire! "Je vous sens critique,vous n'êtes pas avec nous", déclare à un moment l'enquêteur de la pièce à sa cliente. La remarque s'adresse aussi au public qui se sent concerné mais aurait plutôt tendance à rester indifférent.
Philippe Oualid

PERSONNE NE VOIT LA VIDEO de Martin Crimp
Mise en scène de Linda Blanchet
La Criée,du 23 au 27 Septembre 2008

pierre aimar
Mis en ligne le Lundi 29 Septembre 2008 à 13:57 | Lu 585 fois
pierre aimar
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