Mouans-Sartoux, Espace de l’Art Concret : « Gottfried Honegger. Du singulier au pluriel ». 29.03.25 au 22.02.2026

vernissage samedi 29 mars à 11h
Commissariat : Fabienne Grasser-Fulchéri, directrice de l’eac.
Artistes : Gottfried Honegger accompagné de Max Bill, Marcelle Cahn, Ad Dekkers, Richard Paul Lohse, Aurelie Nemours, Jan J. Schoonhoven


Gottfried HONEGGER, Sans titre, 1958 Huile sur toile — 70 x 70 cm Inv. FNAC 02-1412 Centre national des arts plastiques, Paris / dépôt à l'eac
Ce nouveau chapitre de la relecture de la collection met à l'honneur Gottfried Honegger, le fondateur de l’Espace de l’Art Concret.
Né en 1917 à Zurich, Honegger commence sa carrière en tant qu’étalagiste, tout en réalisant des peintures figuratives pour son propre loisir durant les années 30. Il suit une classe préparatoire à l’École des arts et métiers (Kunstgewerbeschule) de Zurich, devenant par la suite décorateur, graphiste et commissaire d’exposition.

En 1937, Honegger ouvre un atelier de graphisme avec Warja Lavater, ancienne élève de son école, qui deviendra son épouse. Ils partagent avec d’autres artistes suisses, tels que Max Bill, une vision artistique de la publicité, qu’ils considèrent comme une forme d’art social.
Au début des années 50, Honegger se tourne vers l’abstraction. Ses compositions traduisent un lent travail de décantation du réel et les signes qu’elles offrent portent encore le souvenir d’objets tangibles évoqués dans les titres. Les compositions présentent toutefois des structures déjà très affirmées, marquées par des contrastes de formes, de matières, de couleurs. Progressivement la nature devient une source d’inspiration majeure à travers laquelle l’artiste analyse les relations entre art et nature.

Cherchant déjà à endiguer l'expression personnelle dans la création, Honegger commence à laisser place au hasard qui prévaut également dans les processus de création de la nature.
Son travail tend alors vers une simplification des formes. S’inspirant des agrandissements photographiques de vues microscopiques, il renonce à la profondeur de champ, à la perspective et réduit la structure spatiale à une surface. Les signes deviennent autonomes et forment des structures.
En 1956-1957, Honegger abandonne tout ancrage dans le réel pour s’engager définitivement dans l’abstraction. Proches des artistes concrets zurichois, il reste pourtant attaché au pictural et s’oppose encore à l’application de programmes déterminés. Ses peintures deviennent des compositions non titrées dont la surface est divisée en champs colorés plus ou moins contrastants, certains offrant au regard une trame blanche qui recouvre les aplats de couleur sous-jacents.
Honegger se détourne du courant dominant de la peinture gestuelle et ses œuvres sont plus proches de contre-courants comme ceux qui émergeront à la fin des années 1950 avec notamment les groupes NUL et ZERO, dont certains représentants comme Ad Dekkers ou Jan J. Schoonhoven sont présents dans la collection Albers-Honegger.
En 1957, il réalise ses premiers Tableaux-Reliefs : « Je voulais faire un art qui, tout en utilisant une géométrie déterminée, soit individualiste. L’introduction du relief accroche la lumière sur la toile. La lumière qui est changeante vient modifier la composition: elle introduit le hasard. Par ce moyen, j’ai pu marier déterminisme et hasard ».

En collant sur des toiles des éléments de cartons découpés selon une grille prédéfinie qu’il recouvre de plusieurs couches de peinture monochrome, le tableau ne devient plus que plans et couleurs et ne renvoie à rien d’autre qu’à lui même, faisant écho aux principes de l’art concret théorisé en 1930 par Theo Van Doesburg.
Honegger s’éloigne cependant de l’art concret en utilisant le hasard comme processus de création, en utilisant notamment des dés ou des systèmes
informatiques composant des dessins aléatoires.
Cette démarche le dissocie des artistes concrets zurichois tels que Max Bill ou Richard Paul Lohse dont les œuvres sont créées selon des systèmes
prédéfinis précis.
En 1958, suite à un voyage à New-York, il abandonne le graphisme pour se consacrer pleinement à son métier d’artiste. Ses différents voyages et
expositions à l’international lui permettront de côtoyer de nombreux artistes en Europe et aux États-Unis qui constitueront à la fois une influence dans
sa pratique artistique mais également une large part de la collection d’art abstrait géométrique qu’il créée avec sa compagne Sybil Albers.

Gottfried HONEGGER, 2003/2004. Ensemble de 10 sculptures, aluminium peint. Chaque - 100 x 20 x 20 cm. Inv. FNAC 2012-136 (1 à 10) Centre national des arts plastiques, Paris / dépôt à l'eac., Mouans-Sartoux
Au début des années 1990, l’artiste s’affranchit de la peinture au sens classique du terme et abandonne l’idée de tableau en commençant à réaliser des « objets» en aluminium.
En écho aux problématiques développées initialement par les artistes de l’art conceptuel et minimal, il prend ses distances par rapport au savoir faire induit traditionnellement par le métier et le geste du peintre en réalisant ses sculptures avec des techniques et des matériaux industriels.
La peinture est bientôt réintroduite au cœur du travail mais les formes apparaissent désormais standardisées et la couleur appliquée de façon mécanique.
Initiée avec ses Tableaux-Espaces, sa réflexion sur le dialogue entre œuvre et espace architectural devient centrale. Les surfaces colorées s’évident de plus en plus pour laisser apparaître le mur supportant le relief. Le déplacement du spectateur devient composante de l’œuvre, amenant à une réflexion sur la contemplation et au monde qui nous entoure.
Au delà de sa pratique artistique, Honegger était également collectionneur. Avec sa compagne Sybil Albers, ils ont constitué une collection représentative des multiples tendances de l’abstraction géométrique. Cette richesse favorise un dialogue permanent entre des œuvres venues d'horizons différents, entre des propositions théoriques et des contextes sociologiques et politiques spécifiques.

Fidèles à l'esprit d'universalisme de l'art concret, les collectionneurs n'ont pas circonscrit leur collection à une déclinaison d'œuvres purement géométriques. Ils en ont ouvert la portée par une réflexion sur les prolongements les plus marquants, parfois surprenants, que le XXè siècle a produits, faisant de leur collection une œuvre à part entière. Ce regard libre, presque impertinent, est le fondement même de cette collection amplifiant sa portée historique par la découverte de territoires inattendus.

Gottfried Honegger et Sybil Albers ont décidé de créer en 1990 l’Espace de l’Art Concret dans le château de Mouans-Sartoux et de faire don de cette collection à l’État Français en 2002. Des donations d’artistes comme celles d’Aurelie Nemours se sont par la suite ajoutées, mettant en lumière les liens des artistes avec le lieu.
Gottfried Honegger avait la volonté d’éduquer le regard artistique des enfants dès leur plus jeune âge, afin de sortir d’une société trop tournée vers la consommation et trop peu vers la création et l’esthétique.
Il a ainsi pu développer des outils pédagogiques artistiques tels que le Jeu du viseur, l’Écouteur ou encore le Jeu du Carré, permettant aux publics d’apprendre à regarder, dans le sens d’«aboutir à ce que le regard deviennent créatif et pas seulement consommateur».
Les nombreuses commandes publiques qu’il a pu réaliser sont également tournées vers cette démarche sociale. Ses réalisations notoires sont notamment pour des vitraux (cathédrale de Nevers, église St André à Mouans-Sartoux) pour lesquelles Honegger réussit la fusion entre un art qui s’intègre à l’architecture et une réconciliation entre la forme et la couleur par le vecteur de la lumière : « Il faut des œuvres qui s’intègrent dans
l’architecture, dans la vie quotidienne pour que nous soyons en permanence en présence de la beauté de l’art ».

Info+

Espace de l’Art Concret
Centre d’art contemporain d'intérêt national
06370 Mouans-Sartoux

+33 (0)4 93 75 71 50
espacedelartconcret.fr

Pierre Aimar
Mis en ligne le Mardi 18 Février 2025 à 22:53 | Lu 48 fois
Pierre Aimar
Dans la même rubrique :