Installée sur un tabouret de comptoir de bar, elle évoque dans une syntaxe maladroite les instants sordides de ce que fut son quotidien en tournée, et sa manière de surmonter désenchantements, humiliations et désespoirs.
Indépendamment de ce scénario, il faut préciser que le principal ressort de ce spectacle qui illustre l'écriture rhapsodique de Jean-Luc Lagarce, mort prématurément en 1995, concerne la mise en scène de l'oralité du langage. En effet, ce que met en oeuvre cet auteur dramatique, c'est toujours la complexité de notre rapport à la langue, la lutte permanente de la voix et du sens dans la banalité du français parlé: une accumulation de brefs segments, sans liens logiques exprimés, compose ainsi un entrelacs d'expressions, de clichés répétés sur lesquels se concentre le sens, par cristallisation progressive.
Contrairement à la mise en scène délicate de Lambert Wilson qui mettait en évidence en 2008, le charme de Fanny Ardant, la mise en scène d'Yvan Romeuf accentue le psychodrame des situations conflictuelles rejouées, et découpe le texte en une série d'unités signifiantes qui évoquent des souvenirs réels ou inventés entre quelques numéros du spectacle que la chanteuse, entourée de ses deux acolytes, proposait jadis dans les cabarets où elle se produisait.
Marie-Line Rosetti et ses énormes boys, Jean-François Regazzi et Bernard Destouches, pourvu d'un sympathique accent marseillais, campent des personnages burlesques, dérisoires, minables, avec une habileté surprenante dans cette dramaturgie du vrai-faux que motivent à la fois les chansons de Joséphine Baker ou d'Yves Montand, et les hésitations de la parole qui se cherche éperdument. Ils donnent ainsi à voir et à entendre les modalités multiples d'un texte chaotique du théâtre contemporain, dans toute sa spécificité. Que peut désirer de plus le spectateur récalcitrant d'aujourd'hui?
Philippe Oualid
Indépendamment de ce scénario, il faut préciser que le principal ressort de ce spectacle qui illustre l'écriture rhapsodique de Jean-Luc Lagarce, mort prématurément en 1995, concerne la mise en scène de l'oralité du langage. En effet, ce que met en oeuvre cet auteur dramatique, c'est toujours la complexité de notre rapport à la langue, la lutte permanente de la voix et du sens dans la banalité du français parlé: une accumulation de brefs segments, sans liens logiques exprimés, compose ainsi un entrelacs d'expressions, de clichés répétés sur lesquels se concentre le sens, par cristallisation progressive.
Contrairement à la mise en scène délicate de Lambert Wilson qui mettait en évidence en 2008, le charme de Fanny Ardant, la mise en scène d'Yvan Romeuf accentue le psychodrame des situations conflictuelles rejouées, et découpe le texte en une série d'unités signifiantes qui évoquent des souvenirs réels ou inventés entre quelques numéros du spectacle que la chanteuse, entourée de ses deux acolytes, proposait jadis dans les cabarets où elle se produisait.
Marie-Line Rosetti et ses énormes boys, Jean-François Regazzi et Bernard Destouches, pourvu d'un sympathique accent marseillais, campent des personnages burlesques, dérisoires, minables, avec une habileté surprenante dans cette dramaturgie du vrai-faux que motivent à la fois les chansons de Joséphine Baker ou d'Yves Montand, et les hésitations de la parole qui se cherche éperdument. Ils donnent ainsi à voir et à entendre les modalités multiples d'un texte chaotique du théâtre contemporain, dans toute sa spécificité. Que peut désirer de plus le spectateur récalcitrant d'aujourd'hui?
Philippe Oualid