Norma de Bellini, entre gris clair et gris foncé à l'Opéra de Monte-Carlo, par Christian Colombeau

Présenter Norma aujourd’hui est une gageure. A la fois scénique et vocale. C’est, ne le cachons pas, un ouvrage difficile. Non seulement pour les protagonistes, mais aussi pour la présentation scénique où les risques de pompiérisme sont nombreux, et, pour la musique, où la simplicité de Bellini n’est qu’apparente.


Quand la malchance ravage le plateau...

Ces lits d’accords largement arpégés sont bien plus redoutables que les traits brillants ou les complexités spectaculaires d’un tissu orchestral réalisé dans l’optique théâtrale.
Confiée à Jean-Christophe Maillot pour la mise en scène, Rolf Sachs pour les décors et Karl Lagerfeld pour les costumes, loin du péplum « cul-cul la praline », cette nouvelle production monégasque a su éviter l’écueil d’une tradition sclérosée tout en proposant une vision moderne, respectueuse du livret.
Tout au plus pourrait-on sourire de certaines options (Norma qui couve des œufs renfermant sans doute le coq gaulois - qui sommeille en chacun de ses patriotes ? - prêt à fondre sur l’aigle romain) ou de certains costumes kitch et futuristes… La gesticulation d’un omniprésent mime-danseur censé représenté le Destin irrite à la longue…
Mais l’ensemble baigne dans une économie dramaturgique de bon aloi qui laisse à la musique toute sa place et n’en contrarie jamais le cours impétueux.

Cependant, le sens de Norma n’est pas là. Plus que toute œuvre lyrique, ce sont des voix que l’on attend.
La malchance semble s’être abattue sur le cast réuni pour l’occasion. Maladie, fatigue vocale pour le couple maudit ? Si encore une fois on ne peut que s’incliner devant l’humilité avec laquelle Hasmik Papian aborde la partition et le rôle-titre écrasant, son chant, surtout en première partie, ne soulève guère l’enthousiasme, les vocalises sont scabreuses, l’aigu savonné. « Casta Diva » ressemblait plus à un exercice de style qu’à une mélodie céleste.
Nous retrouverons alors la vraie prêtresse en fin de soirée, car toujours noble dans la douleur, volontaire jusque dans la mort. La montée au supplice de l’héroïne avec son amant infidèle et reconquis, dans sa simplicité et sa stylisation poétique, soulève une jolie émotion finale. Il était temps.
Nous glisserons sur le Pollione de Nicola Rossi Giordano, en méforme vocale évidente. Massacrant son air d’entrée, mettant en difficulté plus d’une fois ses partenaires, le ténor génois en oublie les règles élémentaires de bel canto. Quelques fulgurances à l’ultime tableau ne pourront racheter une prestation à oublier au plus vite.
Que n’a-t-il laissé sa place à Carlo Guido ? Voilà un Flavio sonore, musical, percutant ! Ce légionnaire mérite haut-la-main ses galons de Proconsul !!
Prise de rôle réussie pour Beatrice Uria-Monzon, Adalgise convaincante, bien caractérisée, dont le mezzo velouté se marie à merveille avec celui de sa rivale Norma.
Belle autorité de Wojtek Smilek, Oroveso de tradition, digne, vénérable, honorable… Et toujours ces chœurs immenses et d’une belle homogénéité.
Grande déception aussi dans la fosse avec la direction style « tornade blanche » de Giuliano Carello. Ce chef nous a habitué à mieux. Alternant tempi à la limite de l’absurde ou léthargie contagieuse, on était loin, très loin de cette musique « lunaire » faite d’abandon, d’extase poétique et de frémissements.
Christian Colombeau
24 mars 2009

manricot@gmail.com
Mis en ligne le Mercredi 25 Mars 2009 à 00:00 | Lu 1434 fois
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