Nouveauté discographique : Franco Fagioli ressuscite Raffaëlli et on y croit

Cafarelli contre Farinelli.


La guerre des castrats n'aura pas lieu ? Pas si sûr...

Comme un fait exprès, Naïve sort cette semaine un récital enregistré par Franco Fagioli consacré aux arias un temps célébrés par le célèbre castrat du XVIIIe Gaetano Caffarelli.
Coup de pub? Coup de marketing? Duel aux fleurets mouchetés pour les deux talentueux sopranistes-contreténors?
Entre Philippe Jaroussky le français portant hauts les armoiries de Farinelli et l’italien, la guerre est déclarée. Pour un match nul?
L’anecdote est connue. Tout opposait le gentil Farinelli (voix d’ange parfumé aux encens du Paradis) à Caffarelli, carriériste jusqu’au-boutiste, diva avant l’heure, enfant terrible, artiste complet avec tous ses défauts, les deux rivaux faisant assauts de prouesses vocales pour le plus grand bonheur des "happy few" de l’époque.

Le disque de Franco Fagioli se reçoit comme un uppercut en plein poitrine. La voix est mâle, par moment on croit entendre la Bartoli ou la Marylin Horne de la grande époque. Le timbre, unique, incandescent, ces lèvres que l’on devine, cette matière douce et charnelle à la fois, irréelle, cristalline, font régner le feu, l’eau sombre, l’ouragan, la ruine, la nuit et le soleil. Et par-dessus-tout la dualité, l’ambiguïté, sont portées à vif comme nulle part ailleurs dans des réserves inépuisables.
Hasse, Porpora, Pergolesi, Manna et les autres, ne sont nullement privés de vie scénique. Tout ici respire le théâtre, dans une coulée de souffle, d’esprit et de simple musicalité qui sont pure pyrotechnie, abattage, joliesse musicale de l’exploit, fière démonstration d’un talent unique, ardeur intelligente sans l’ombre d’un orgueil. Plaisir de chanter, de faire découvrir, de partager.

Pas de grimpette vocale exotique ou d’alanguissements inutiles. Tout se dilue dans une atmosphère de telluriques tourments, d’airs de bravoure à l’ébouriffante virtuosité.
Ces clips d’opéra inconnus pour la plupart bénéficient, on s’en serait douté, de l’accompagnement amoureusement aux petits oignons de Riccardo Minasi avec son ensemble Il Pomo d’Oro, à la fois tendre et emporté, lyrique en diable.
On l’aura compris, plus qu’un disque récital de démonstrations de prouesses vocales, un vrai press-book de talent et de simplicité dans l’exploit. Pour une découverte d’un répertoire baroque à l’inusable fascination. Franco Fagioli n'a pas fini de nous surprendre... Christian Colombeau

1 CD NAIVE V 5333

Christian Colombeau
Mis en ligne le Samedi 28 Septembre 2013 à 10:17 | Lu 140 fois
Christian Colombeau
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