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Opéra de Toulon : Un Rigoletto sans flonflons ni rengaines. Par Christian Colombeau

S’il est un opéra qui permet toutes les facilités scéniques, toutes les complaisances théâtrales, c’est bien le Rigoletto de Giuseppe Verdi.


UN RIGOLETTO SANS FLONFLONS NI RENGAINES

Opéra de Toulon : Un Rigoletto sans flonflons ni rengaines. Par Christian Colombeau
Pour éviter ce grave écueil de l’illustration au premier degré, c’est à dire de la paraphrase, une « vision « de l’ouvrage, une intelligence de son déroulement et de sa cohérence dramatique s’imposent… et la sombre et lugubre production d’Arnaud Bernard – vue un peu partout dans l’Hexagone et en Suisse – possède de toute évidence ces qualités.
Prenant appui sur le bref prélude orchestral, Arnaud construit donc un drame cynique (Duc de Mantoue / Don Giovanni même combat pour ces deux jouisseurs éclairés dans leur recherche d’absolu?) où la malédiction qui va frapper le bouffon difforme est déjà inscrite.
Alliant le fantomatique au paillard, dans un unique et superbe décor d’Allessandro Camera – une bibliothèque ou une citée modèle miniature rêvée par le séducteur cultivé – le drame de Hugo et Verdi, destiné à renouveler au théâtre le monde des faibles et des puissants, des trompeurs et des trompés, des séducteurs et des séduits retrouve sa force première.

Le succès du spectacle toulonnais vient aussi des protagonistes.

Et d’abord de Marco di Felice dans le rôle titre. Le baryton italien – loin des Quasimodo expressionnistes - concentre dans son personnage toute l’intensité dramatique de l’œuvre, s’éloignant avec bonheur, un certain raffinement, justesse aussi, des sentiments trop souvent attachés aux infirmités qu’il porte. Démarche claudicante simple, mimique, gestuelle économe se fondent pour tisser un impalpable lien du physique au spirituel.
Chaque scène privilégie un nouvel aspect de la métamorphose conduisant des sarcasmes du bouffon aux plaintes du père meurtri et bafoué.
Impressionnante au niveau dramatique, cette mutation est encore mieux perçue sur le plan vocal avec un beau travail sur la dynamique des nuances et sa coloration.
Rosanna Savoia chante à ses côtés une douce Gilda, sucrée à point avec un zeste de citron , et prête à ce rôle plus difficile qu’il n’y paraît, une voix légère, l’agilité calculée de ses coloratures et une grande conviction dramatique. L’aigu est un peu court certes, mais on a souvent ici péché par excès de surenchère. On y a vu tellement de Castafiore pyrotechniciennes faussant le propos désiré par le compositeur et son librettiste…
Un rien en retrait par contre, le Duc de Mantoue du jeune Leonardo Capalbo.
Après un premier acte laissant présager du pire (car mort de trac) le ténor italo-américain délivre une quinte aiguë séduisante… dans ses limites. Il lui reste juste à découvrir l’art de la demi-teinte. L’acteur force la sympathie dans son fantastique appétit de vivre.
Annie Vavrille, au jeu très étudié, suffocante d’aisance scénique, musicienne en diable, prête des accents cuivrés, lascifs, à une Maddalena troublante, pulpeuse, généreuse, débordante d’érotisme contrôlé qui semble alors comme un bienfait dans ce monde maléfique.
Son frère Sparafucile, (Taras Konoshchenko en cynique tueur blasé) invente par moment un sprechgesang verdien fort drôle, d’une voix plus proche de la Volga que des rives du Mincio.
Petits rôles pas toujours dans la portée, et chœurs fort honnêtes.

Sous la baguette de Giuliano Carella, l’Orchestre Maison s’anime, se délie, se « phrase « , s’allège, s’emporte, les instruments bruissent, frémissent, murmurent, s’enflent, déclamatoires, compatissent, intimes, ironisent, enjoués.
Un tel réseau de contrastes nous conduit au cœur du drame où encore une fois la malédiction de l’innocent injustement condamné frappe l’innocence et épargne la débauche.
Christian Colombeau
dimanche 12 octobre 2008

manricot@gmail.com
Mis en ligne le Mardi 14 Octobre 2008 à 00:00 | Lu 3496 fois

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