Orphée et Eurydice de Glück à l'Opéra de Nice, le triomphe de "la" Todorovitch. Par Christian Colombeau

On ne peut vraiment pas dire qu’Orphée et Eurydice de Glück soit une œuvre très populaire. Il est même assez rare de la voir à l’affiche des théâtres lyriques. Ce n’était donc pas sans une certaine crainte que l’on attendait la production du chorégraphe Ralf Rossa, qui, dans la foulée nous offre la version révisée par Hector Berlioz en 1859.


Si vogue il y a, faut-il y voir la force d’un mythe ou plutôt l’effet de locomotive d’un air devenu un véritable « tube » ?

Le ballet se taille donc la part du lion dans cette approche moderne proche du musical, du show à l’américaine. Sans doute pour nous rendre encore plus contemporains les affres et malheurs du chanteur/poète/musicien qui soudain devient comme un frère jumeau de Werther, lui aussi brisé par un amour contrarié.
Remontant habilement à Ovide, Orphée vit l’opéra comme dans un cauchemar nauséeux. Pour se retrouver tout seul à la fin de l’ouvrage. Plus question ici de mythe ou de demi-dieu, mais plutôt un être humain assez proche de nous. Un parti que beaucoup ont trouvé discutable mais qui se révèle ici comme une incontestable réussite théâtrale et picturale.
Le deuxième acte qui promène le malheureux chantre de Thrace entre les esprits et les furies est, en ce sens, particulièrement somptueux. Chapeau bas dès lors à Matthias Hönig pour ses décors épurés et ses éclairages fort poétiques.
Grandiose prise de rôle pour la grande, très grande Marie-Ange Todorovitch ! Habilement habillée par Wiebke Horn, en grande tragédienne, la mezzo la plus attachante de sa génération apporte à Orphée une caractérisation des plus bouleversantes.
Sa composition très travaillée est exceptionnelle par son sens du phrasé, ses accents douloureux. De sa voix chaude, cuivrée, au délicat vibrato, elle nous a offert un « J’ai perdu mon Eurydice » déchiré et déchirant.
Eurydice est un rôle ingrat, pas très bien écrit musicalement et assez flou du point de vue dramatique. Brigitte Hool compense tout cela par une émotion très pure pour camper un personnage tendre et émouvant aux grands legatos gorgés de sentiments.
Véritable deus ex machina, l’Amour de Sophie Haudebourg, à la sadique sincérité, renoue, dans son air du premier acte, avec la grande tradition classique de Lully et Rameau dont la page est issue et montra un sens dramatique intelligent , sobre, tout en nuances.
Dirigé par Benjamin Pionnier, l’Orchestre Philarmonique de Nice quoique assez analytique est d’une lisibilité totale, bien au point, au frémissement rare, d’une vérité stylistique entière.
Les chœurs pour leur part se montrèrent comme toujours homogènes, enthousiastes, recueillis dans leur tenue, nuancés dans leur plénitude. Pour une fois, les ballets, nombreux, apportaient une touche pertinente au drame.
Un spectacle donc fastueux dans sa simplicité. A voir et revoir.
Qui mériterait une captation télévisée ou autre…
Christian Colombeau
26 avril 2009


manricot@gmail.com
Mis en ligne le Lundi 27 Avril 2009 à 00:00 | Lu 2229 fois
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