Osiris, mystères engloutis d'Egypte, Institut du Monde Arabe, Paris, du 8 septembre 2015 au 31 janvier 2016

Exposition événement de la rentrée, « Osiris, Mystères engloutis d’Égypte » dévoilera 250 objets retrouvés lors de fouilles sous-marines, dont les découvertes récentes de ces 10 dernières années, dirigées par Franck Goddio.


Statue en bronze d'un pharaon, Thônis-Héracléion, baie d'Aboukir, Égypte © Christoph Gerigk © Franck Goddio/Hilti Foundation
Viendront s’y ajouter une quarantaine d’œuvres provenant des musées du Caire et d’Alexandrie dont certaines sortiront d’Égypte pour la première fois. Ces découvertes, à la signification historique hors du commun, permettront d’évoquer les « Mystères d’Osiris », grande cérémonie qui commémorait, perpétuait et renouvelait annuellement l’un des mythes fondateurs de la civilisation égyptienne.

L’Institut du monde arabe, emblème du rayonnement des cultures du monde arabe dans toute leur diversité, accueillera l’exposition « Osiris, Mystères engloutis d’Égypte » et présentera cette collection exceptionnelle dans une scénographie spectaculaire sur près de 1100 m2. Cette exposition révèlera, parmi les dernières découvertes sous-marines de Franck Goddio et de ses équipes, des vestiges de la cérémonie des « Mystères d’Osiris », retrouvés dans les villes de Thônis-Héracléion et Canope.

Osiris, Mystères engloutis d’Égypte : l’exposition qui lève le voile sur cette cérémonie secrète

On avait connaissance grâce à la stèle, dite de Canope, découverte en 1881, à Kôm el-Hisn (238 av. J.-C.) que dans le grand temple d’Amon Géreb, d’une ville nommée Héracléion, étaient célébrées, comme dans la plupart des villes d’Égypte, les cérémonies des Mystères d’Osiris. Elles se terminaient, selon le texte de la stèle, par une longue procession nautique sur les canaux qui emmenait Osiris du temple d’Amon Géreb à son sanctuaire de la ville de Canope.

Sous l’égide de Franck Goddio, la mission de l’Institut Européen d’Archéologie Sous-Marine (IEASM) a découvert, à quelques kilomètres d’Alexandrie, les cités de Thônis-Héracléion et de Canope submergées depuis le VIIIè siècle en baie d’Aboukir, ainsi que des vestiges des temples mentionnés dans le Décret. Les fouilles sur ces deux sites ont mis au jour de nombreux témoignages archéologiques en relation directe avec les « Mystères d’Osiris » : monuments, statues, instruments rituels, offrandes cultuelles… attestant ainsi de la célébration des « Mystères », en ce lieu. Cette célébration initiatique d’une durée de 21 jours commémorait, perpétuait et renouvelait la légende osirienne.

Au fil des 1100 m2, au sein de l’Institut du monde arabe, le visiteur pourra être « initié » à ces célébrations et avoir accès aux rituels réalisés dans le plus grand secret des temples. Il sera guidé sur les sites maintenant immergés des deux villes et pourra suivre les processions nautiques.

Note d'intention du commissaire de l'exposition et président de l'ieasm, Franck Goddio

Juillet 1984. Invité sur la fouille de l’épave de L’Orient, navire amiral de la flotte de Bonaparte coulé par Nelson en baie d’Aboukir, mes premières plongées archéologiques furent les prémices d’une aventure scientifique hors du commun. Ce lieu de désastre de l’histoire de France allait en effet révéler les merveilles des cités englouties d’Égypte. La baie d’Aboukir se développant au nord-est d’Alexandrie sur une étendue importante, mais en eau peu profonde, recélait des monuments et des vestiges dont les découvertes déjà faites ne donnaient qu’une faible idée. L’ abondante documentation littéraire, épigraphique et papyrologique, les témoignages des premiers explorateurs et les indications des archéologues du Conseil Suprême des Antiquités égyptiennes indiquaient que nous pouvions beaucoup attendre de cette région. Canope, Thônis, Héracléion… ces noms de villes transmis par les auteurs anciens véhiculaient depuis des siècles des rêves de magnificence sans que les archéologues ne parviennent à les localiser.

Pour lever le mystère des cités englouties d’Égypte et entreprendre une exploration d’une telle envergure, je fondais en 1985 l’Institut Européen d’Archéologie Sous-Marine (IEASM), institut indépendant soutenu par le mécénat privé, qui se propose de repérer et fouiller les sites archéologique engloutis, d’étudier, restaurer et présenter au public les objets découverts.

En Égypte, ce fut d’abord dans le Portus Magnus que l’IEASM mena dès 1992 des recherches selon une démarche scientifique éprouvée lors de l’exploration du San Diego, au large des Philippines. En inventant aussi de nouvelles méthodes de travail adaptées à une zone fortement polluée et soumise à d’intenses sédimentations naturelles, ces recherches aboutirent à des résultats inespérés. Confrontées aux témoignages des auteurs classiques, grecs et latins, et à l’ensemble des découvertes précédentes, elles permirent d’établir une cartographie détaillée du port oriental et de ses abords.

Comme pour le Portus Magnus d’Alexandrie, les recherches archéologiques dans la baie d’Aboukir avaient pour ambition de déterminer avec exactitude la topographie antique des zones à présent submergées de la région Canopique. Il visait à réaliser des prospections géophysiques et géologiques enrichies de l’enregistrement des données archéologiques issues de la fouille. Cette étude permit de déterminer les contours de la région Canopique submergée, la position des principaux gisements archéologiques, ainsi que le tracé du lit de l’ancienne branche occidentale du Nil. C’est dans cette région engloutie que jadis, prospéraient les villes de Canope et Thônis-Héracléion, citées par les textes anciens. Le voile des mystérieuses cités englouties d’Égypte se levait à chacune des plongées des membres de l’équipe. Progressivement, se révélaient à notre regard, seize siècles d’une histoire parmi les plus riches du monde méditerranéen.

Au fur et à mesure de l’avancée des fouilles, il apparaissait que les cités de Canope et d’Héracléion étaient des lieux baignés d’autres mystères. Les témoignages des anciennes célébrations des Mystères d’Osiris se faisaient en effet toujours plus nombreux, autant d’échos au texte de la stèle trilingue du Décret de Canope connue depuis la fin du XIXe siècle, qui mentionnait l’union sacrée entre les deux villes de la région Canopique. En 238 av. J.-C. la princesse Bérénice décédée se joignait à Osiris pour remonter depuis le temple d’Amon d’Héracléion, « le 29 du mois de Khoiak », jusqu’à son sanctuaire à Canope. Et profiter ainsi des louanges et des hymnes psalmodiés, des rites pratiqués par les prêtres et les vierges consacrées, hommes et femmes saintes figurant les divinités du panthéon égyptien qui participaient à la veillée funèbre du dieu qui meurt… et renaît chaque année.

Vouloir comprendre les cérémonies en l’honneur d’Osiris demeure ambitieux. Mieux vaut peut-être essayer de les faire ressentir au public par l’entremise d’objets mis au jour dans les deux villes disparues aux portes de l’Égypte – Canope et Héracléion – associés à des chefs-d’oeuvre de l’art égyptien conservés dans les musées du Caire et d’Alexandrie. Les mystères engloutis d’Égypte ne prétendent pas embrasser tous les aspects des mystères d’Osiris qui se jouaient en un drame sacré quelque part sur les franges du delta du Nil, encore moins d’en révéler tous ses secrets. Le pourrait-elle ? Cette exposition propose une vision, à travers la vitre d’un masque de plongée dans les eaux de la baie d’Aboukir, du destin extraordinaire du dieu mort qui renaît grâce à la persévérance de sa soeur-épouse Isis et dont le culte dépassa les frontières de l’Égypte pour écrire une page de notre histoire de la Méditerranée.

Introduction à l'exposition

Osiris. Le plus humain des dieux égyptiens. Immobile et emmailloté dans ses bandelettes de momie, le dieu se distinguait de ces êtres surnaturels, puissances élémentaires mi-hommes mi-animaux quelque peu extravagantes du panthéon de l’Égypte pharaonique. La légende racontait qu’il fut engendré par le Ciel (la déesse Nout) et la Terre (le dieu Geb) et hérita de la royauté terrestre. Il enseigna aux hommes l’agriculture, leur donna des lois, leur apprit à adorer les dieux, leur apporta la civilisation. Être bienfaisant, il connut la trahison de son frère Seth dont la conspiration ourdie en secret entraîna sa mort. Son cadavre fut découpé en morceaux et les fragments furent disséminés à travers l’Égypte. Sa soeur et épouse Isis se mit en quête de chacune des parties du cadavre du dieu, les retrouva une à une, reconstitua le corps de son défunt mari. Osiris ne dut son salut qu’à l’amour et la piété conjugale qui le firent revivre. Isis, aidée de sa soeur Nephthys et du dieu chacal Anubis, inventait du même coup les gestes de la momification pour la sauvegarde de tous. Ses plaintes invitaient le dieu à renaître. Osiris triomphait ainsi de la mort et apportait à l’humanité la promesse d’une survie éternelle. Il devenait le souverain de l’au-delà et le juge des défunts. De l’union posthume d’Osiris avec Isis naquit Horus. Ce dernier, que la statuaire figure comme un enfant suçant son doigt ou invitant au silence, vengea son père et devint le roi légitime de l’Égypte. Il était aussi Horus faucon, dieu des espaces célestes, qui conquérait l’univers et vainquait les ennemis du pays. Il était le parangon du pharaon auquel chaque souverain voulait et devait s’identifier.

Ce fut Plutarque qui, au IIe siècle, conta ce mythe d’Isis et d’Osiris. Aux sources égyptiennes disparates et lacunaires, l’auteur donnait en contrepoint une légende cohérente, certes habillée à la grecque, mais qui constituait un récit suivi dont l’authenticité ne faisait aucun doute. Sa finalité, c’est-à-dire la résurrection du dieu, était un modèle. Le mythe osirien décrivait un ordre qui, à chaque instant, menaçait de se dissoudre. D’où l’importance des rites pour en assurer la conservation. Ces rites, seul Pharaon, fils et héritier des dieux, était habilité à les pratiquer à l’intérieur des sanctuaires – les prêtres, par délégation royale, n’assuraient que le culte journalier, au nom du roi. En particulier, Pharaon offrait Maât aux dieux. Dans la mythologie égyptienne, Maât symbolisait la justice, l’équilibre, l’harmonie qui composaient l’univers et dont Osiris était le « Seigneur ».

Osiris. Les mystères engloutis d’Égypte

Les Mystères d’Osiris constituaient les fêtes rituelles les plus importantes qui se déroulaient en Égypte chaque année. Depuis le Moyen Empire au moins (1850 av. J.-C.), d’abord à Abydos dans la ville sacrée d’Osiris puis dans toutes les métropoles d’Égypte, l’effigie du dieu parée de lapis-lazuli, de turquoise, d’or et de pierres précieuses sortait du temple sur sa barque, triomphant, dans la liesse populaire. Des prêtres mimaient certains épisodes de la passion du dieu, psalmodiaient des litanies funèbres, chantaient la victoire d’Osiris. Le cortège divin rejoignait ensuite le tombeau d’Osiris. Lors de ces Mystères, d’autres cérémonies, secrètes celles-là, se déroulaient dans la « maison du dieu » et célébraient sa résurrection.

D’après les bas-reliefs des chapelles osiriennes sur le toit du temple de Dendara, tous les ans au quatrième mois – au cours du rituel du mois de Khoiak –, lorsque les eaux de l’inondation se retiraient pour laisser place aux champs et aux cultures, des prêtres façonnaient des figurines d’Osiris dans la terre ensemencée gorgée de l’eau de la crue nouvelle. La germination de ces « Osiris végétants » symbolisait la vie éternellement renouvelée. L’équilibre du monde était ainsi maintenu grâce au processus de création sans cesse régénéré. Le même qui faisait triompher le soleil sur les ténèbres chaque jour ; l’astre surgissait des profondeurs de la nuit, rajeuni chaque matin comme « la première fois ».

Le décret de Canope

En 1881, fut découvert sur le site de Kôm el-Hisn une stèle trilingue, inscrite en hiéroglyphique, démotique et grec, qui porte mention d’un décret rédigé par des prêtres réunis en synode à Canope pour célébrer les anniversaires de la naissance et de l’accession au trône de Ptolémée III Évergète en 238 av. J.-C. Le collège sacerdotal y décrétait les honneurs qui devaient être rendus au souverain et à sa fille qui venait de mourir. Les prêtres accomplirent à l’égard de la princesse Bérénice les rites funéraires traditionnels. Son effigie fut installée dans le temple d’Osiris de Canope ; elle devenait la divinité parèdre du dieu. Lors des cérémonies en l’honneur d’Osiris au mois de Khoiak, la princesse était invitée à se joindre au dieu dans la barque sacrée du temple pour remonter « depuis le temple d’Amon Géreb », autrement dit en grec « à partir du sanctuaire d’Héracléion », jusqu’à son propre temple à Canope. Héracléion et Canope, cités désormais englouties dans la baie d’Aboukir, au nord-ouest du delta du Nil, ont été découvertes par l’Institut Européen d’Archéologie Sous-Marine en 1998. Depuis lors, les fouilles archéologiques ont mis au jour des dépôts rituels et des instruments de culte dont il ne fait guère de doute qu’ils furent utilisés lors des processions des Mystères d’Osiris entre les deux sanctuaires principaux des deux villes.

L’Égypte engloutie

Les objets découverts incitent également à penser que lors des Mystères de Khoiak, les fidèles de Dionysos accompagnaient la procession d’Osiris retournant à son temple. Les connivences théologiques entre Osiris et Dionysos remontaient au VIIe siècle av. J.-C., époque à laquelle les Grecs s’établirent en Égypte et tout particulièrement dans la région canopique, au nord-ouest du delta du Nil. Hérodote qui visita l’Égypte au Ve siècle av. J.-C., indiqua que l’équivalence Osiris-Dionysos lui avait été transmise par les prêtres égyptiens eux-mêmes. L’association des deux dieux, morts et ressuscités, illustrait la renaissance dans le culte funéraire et le retour à la vie dans les rites ou les fêtes célébrés dans des temples. Dieux sauveurs, ils étaient les garants d’une mystérieuse espérance de salut de l’âme. Les Mystères de Dionysos au cours desquels le dieu remontait à la lumière trouvaient une analogie avec les Mystères d’Osiris qui célébraient sa renaissance solaire.

Héracléion et Canope constituaient deux places religieuses toutes indiquées pour servir de supports de la propagande royale et du culte dynastique des successeurs d’Alexandre le Grand. Cette politique religieuse des Ptolémées qui passait par le développement conjoint des cultes osiriens et dionysiaques, et leurs Mystères, impliquait la promotion d’un autre dieu : Sarapis. À Alexandrie, puis à Canope – où les fondations du temple et des statues de Sarapis ont été découvertes par l’IEASM –, la nouvelle figure divine hellénisée Sarapis, réunissait les caractères des dieux égyptiens (Osiris-Apis) et des dieux Grecs (Zeus, Hadès, Dionysos). Il était tout à la fois symbole de la succession royale et symbole de la renaissance osirienne. Sarapis était perçu comme l’Osiris-roi, époux d’Isis l’Universelle.

Aux côtés de Sarapis, se tenait en effet Isis « aux mille noms ». Mère nourricière, épouse aimante, protectrice de l’humanité, elle gagna le coeur des habitants d’Égypte, puis de Méditerranée. Il s’élabora peu à peu une religion spécifique d’Isis qui, après la conquête romaine en 31 av. J.-C., se diffusa dans toutes les provinces de l’Empire, jusqu’à Rome. L’engouement croissant pour les Mystères de l’Égypte explique l’émergence de communautés isiaques et de temples d’Isis à l’instar du sanctuaire mis au jour par l’IEASM sur l’île d’Antirhodos dans le port oriental d’Alexandrie où prenait place le prêtre de granite qui présente Osiris sous forme de vase canope, récipient censé contenir les humeurs du cadavre du dieu, générateurs de vie.

Pratique

Institut du monde arabe
1, rue des Fossés-Saint-Bernard
Place Mohammed V
75236 Paris Cedex 05
www.imarabe.org

Horaires
Mardi, mercredi, jeudi : 10h-19h
Vendredi : 10h-21h30
Samedi et dimanche : 10h-20h

Pierre Aimar
Mis en ligne le Mercredi 26 Aout 2015 à 07:38 | Lu 410 fois
Pierre Aimar
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