Ouverture de saison avec la Flûte Enchantée à l'Opéra de Monte-Carlo par Christian Colombeau

Faut-il encore présenter « La Flûte Enchantée » de Mozart ? Et puis quel qualificatif lui donner ? Opéra maçonnique ? Philosophique ? Féerie ? Singspiel ? Conte pour enfants et adultes ? Peut-être l’un ou l’autre… Ou les quatre à la fois…


Une flûte entre rêve et réalité

A l’affiche de l’Opéra de Monte-Carlo, le spectacle, signé par le Directeur Maison himself Jean-Louis Grinda - avec la complicité de Jean-Pierre Capeyron pour les costumes et Rudy Sabounghi pour les décors - joue habilement sur toutes les facettes du livret, emporte l’adhésion la plus totale, et transforme la grande scène du Grimaldi Forum en annexe des meilleures salles de Broadway.
C’est donc à travers le rêve de trois enfants qui souhaitent devenir des héros en sauvant le monde de la pollution que Jean-Louis Grinda porte un nouveau regard sur la partition et trouve le ton juste : un temple et un guignol, la piété et la verve pour un show, un musical magique, jubilatoire, en perpétuel mouvement.
Tout y passe avec ces trois-cent costumes, strass, plumes, paillettes, ballets, éclairages psychédéliques, projections vidéos, machineries volantes, tapis roulant !
Nous ne sommes plus à l’Opéra mais au Châtelet de la grande époque !
Les références cinématographiques abondent : Zebra Station Polaire, Nanouk l’esquimau, Orange Mécanique…
Entre univers de l’enfance et triste réalité quotidienne, nous avons là un spectacle unique, rare, intelligent, étonnant, poétique, bourré de clins d’œil, merveilleux de futurisme qui nous force à regarder la triste réalité en face, jeune, populaire, drôle, irrésistible, émouvant, mais qui reste toujours constamment accessible et d’un indéniable lyrisme.
Certains regretteront le côté révélation alla Parsifal. Qu’importe. On passe une soirée magique, jubilatoire, pleine de bon sens. C’est le principal.

La distribution elle aussi est jeune, enthousiaste, éclatante de santé, de fraîcheur et comme emportée par le virevoltant, sympathique et excellent Papageno de Lionel Lhote. Transformé en Paparazzi pour le plus grand bonheur de tous, il s’amuse du rôle, s’en joue, nous amuse, en refait, en rajoute… et trouve en la piquante Pauline Courtin une Papagena amusée, rouée, gouailleuse, idéale.
Spécialiste du rôle, Hélène Le Corre campe une Pamina/Poupée Barbie, fragile, délicate. Elle forme en outre un très beau couple avec Matthias Klink, un rien poupon lyrique engoncé dans son costume futuriste, mais toujours communicatif, à la ligne de chant assurée.
Leur mère et belle-mère, Aline Kutan, pour une fois n’arrache pas aux forceps les aigus assassins d’une Reine de la Nuit acrobatique, très star hollywoodienne qui déploie fièrement les ailes maléfiques de son monde nocturne.
Contraste heureux avec le Sarastro sobre, impérial de Bjarni Thor Kristinsson.
Le reste de la distribution n’apporte aucun commentaire particulier.
Du sérieux, du solide, de l’homogénéité chez les trois Dames et les Hommes Armés, un Monostastos un rien court de projection, adorables (quoi que pas toujours dans la portée) garçons et des Chœurs somptueux de pâte vocale, comme on en fait plus, grandioses, impressionnants, dont les interventions se reçoivent comme un uppercut en pleine poitrine.

Dès l’ouverture, le projet du chef Philippe Auguin est clair. Au pupitre de l’Orchestre Philarmonique de Monte-Carlo sa Flûte se veut hiératique, violemment contrastée, d’une veine toujours poétique et tendre. Il se dégage de la fosse un parfum de gaîté et du goût du travail bien fait.

Christian Colombeau
21 novembre 2008

manricot@gmail.com
Mis en ligne le Lundi 24 Novembre 2008 à 00:00 | Lu 908 fois
manricot@gmail.com
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