Ovadia éditions : Double meurtre à Atacama, de Michel Dossetto. Un thriller historique et sémillant

Intrigue et histoire
Mêlant intrigue et histoire, inventivité et réalité, avec un fond local précis, une part d’humanisme et une invitation à la réflexion, le dernier livre de Michel Dossetto, Double Meurtre à Atacama est un thriller historique, un roman qui pousse à la réflexion, confrontant le lecteur à des enjeux moraux ou philosophiques tout en maintenant un suspense, un thriller sémillant à la plume légère, habile et ensoleillée.

Michel Dossetto, un écrivain inspiré
Michel Dossetto est avocat et écrivain avec, à son actif, plusieurs livres et pièces de théâtre. Ses expériences professionnelles - il a été nommé Consul du Pérou - nourrissent souvent son écriture, lui permettant d’explorer des questions éthiques et morales à travers ses œuvres. Son dernier roman est marqué par une plume réfléchie et une profonde compréhension des implications sociales et historiques des thèmes qu'il traite.

L’identité, la mémoire, les liens familiaux, la répercussion du passé sur le présent
Dans Double meurtre à Atacama Michel Dossetto pose la difficile question de la filiation et de la responsabilité et analyse les répercussions du passé sur le présent.
Le discours sur l’identité, la mémoire et les liens familiaux est au cœur du roman, permettant à l’auteur d’explorer des thèmes profonds comme l’appartenance et la quête de vérité. Gabriel et Manuela, deux personnages clé, incarnent à la fois le présent, le passé et les blessures laissées par des événements historiques, notamment ceux liés à la junte militaire au Chili dirigée par le général Augusto Pinochet qui a laissé une empreinte profonde dans le pays, marquée par la répression politique et les violations des droits humains.

Complexité des rapports humains
Gabriel et Manuelle, en tant que témoins ou victimes des événements de la junte, apporte au récit une perspective poignante sur les conséquences durables de cette période. L'interaction entre ces personnages contribue à mettre en lumière des questions de rédemption, d'identité et de vérité. Ainsi, à travers leur lien, Michel Dossetto aborde la complexité des rapports humains dans un contexte social chargé d’Histoire. Le lecteur ne peut que mettre en regard avec acuité la question de la mémoire dans une époque, la nôtre, parfois oublieuse.

Double meurtre à Atacama, un roman écrit de main de maitre
- une écriture immersive avec des descriptions vivantes et détaillées qui peignent des tableaux évocateurs de l'environnement, en particulier dans des paysages aussi arides et uniques que ceux de l'Atacama, permettant au lecteur de s'immerger complètement dans le cadre de l'histoire.
- un récit rythmé, avec une écriture fluide, un bon tempo narratif qui permet de garder le lecteur engagé, particulièrement dans les moments de tension ou de suspense.
- des personnages bien développés avec des psychologies nuancées, confrontés à des dilemmes moraux et à des conflits intérieurs ajoutant à la profondeur de l’intrigue.
- des thèmes complexes tels que la justice, la vérité et le poids des secrets, menant à des réflexions sur la condition humaine qui donne à son récit une dimension plus philosophique, au-delà du simple polar.
- une atmosphère intrigante, propice à un récit policier, qu'il s'agisse d’un paysage désertique ou d’un moment de tension dramatique.

Lors de notre entrevue avec l’auteur, Michel Dossetto nous confie qu’il doit la genèse de son roman à un séjour au Chili et à son amitié avec Carmen Castillo qui a eu à la fois le privilège et la souffrance de travailler pour Salvador Allende. Secrétaire, elle tient un agenda au jour le jour. Elle est la compagne de Miguel Enriquez, leader du Mouvement International Révolutionnaire (MIR). Un an après le coup d'État (Golpe) fomenté par Augusto Pinochet le 11 septembre 1973 avec l'aide de la CIA-USA (Opération Condor), son compagnon Miguel Enríquez, le leader du mouvement révolutionnaire MIR, fut abattu par les militaires le 5 octobre 1974, dans la maison où ils s'étaient cachés, au 725 de la rue Santa Fé, à Santiago du Chili. Carmen Castillo, alors enceinte, fut gravement blessée lors de l'attaque et évacuée à l'hôpital grâce à des voisins courageux. Elle a donc vécu le coup d’état de Pinochet en 73 et son passé a fortement inspiré Michel Dossetto. C’est un certain clin d’œil qu’il lui fait en parlant de ces années-là bien que son roman se situe de façon contemporaine avec un retour 40 ans en arrière.
Un style incisif, un roman comme un polar, percutant, mais l’amour en filigrane… et c’est beau.
Danielle Dufour-Verna