Une coproduction entre Clermont-Auvergne, Massy , Reims et Saint-Céré
© Studio Deslestrade
« La tragédie c’est quand il n’y a plus rien à faire… ». Dès le début de « Cavalleria » les trois protagonistes principaux savent que tout est perdu pour eux, que « le destin est le maître, implacable, que la mort est la seule issue.
Le drame psychologique de la belle Santuzza, délaissée par son amant Turridu qui en aime une autre, et va provoquer sa perte, abonde en morceaux de bravoure, défilés traditionnels des chœurs, avec son non moins inévitable côté folklorique, heureusement réduit au minimum.
Le metteur en scène Eric Perez, en voulant faire du Pirandello - donc du théâtre dans le théâtre – ne pouvait que dénaturer d'emblée le livret et déséquilibrer ses chanteurs, costumés à la va comme je te pousse et livrés à eux-mêmes.
Ouvrant la soirée avec l'air de Tonio de Paillasse, fausse bonne idée vue qui n'apporte rien et dans un sens déstabilise l'ensemble, Eric Perez ne cerne jamais avec acuité les caractères des différents personnages, ne leur permet de bien se définir les uns par rapport aux autres, les deux rôles féminins de Santuzza et Lucia sont en ce domaine un véritable naufrage dans l'outrance gestuelle et vocale... ou l'insignifiance théâtrale...
Il est vrai que déguiser le couple Turridu-Santuzza en Mousquetaire et Angélique Marquise des Anges renvoyait aux oubliettes toute crédibilité. Bref, on s'amuse souvent, on s'irrite parfois, tant le propos est saugrenu, mal venu, mal présenté, le pompon étant atteint lors de la procession de Pâques réduite à une illustration rigolote du Golgotha.
On sait que Santuzza est la plaque tournante de l’œuvre. Chrystelle di Marco, pourtant auréolée au dernier Concours de Chant de Clermont-Ferrand, comme pas mal de ses partenaires, ne restera pas dans les annales de l'Opéra d'Avignon. Un trou large comme le Delta du Rhône au milieu de la voix, un timbre sans attrait, métallique, un vibrato envahissant, des aigus à la limite du cri, pas toujours dans la portée, la jeune soprano aborde bien trop tôt un rôle qui la dépasse en tous points de vue.
Elle n'est pas aidée il est vrai par le Turridu de Denys Pivnitskyi, ici caricature de ténor italien, qui ne possède à aucun moment la voix vaillante et forte du bellâtre sicilien. Empêtré dans ses bottes de Dartagnan, voilà un macho priapique de petite envergure, qui massacre son « brindisi » puis ses adieux à sa mère, comme on ne le ferait même pas dans une classe de conservatoire de province, bref, ne se montre jamais convaincant.
Bien peu d'accents émouvants aussi chez la Lucia de Gosha Kowalinska. Par charité nous glisserons sur Lola pour mieux saluer le pertinent Alfio de Dongyong Noh, généreux en décibels, beaucoup moins en nuances ou subtilités... Le seul apparamment à trouver la mise en scène géniale et à s'amuser comme un fou sur son cheval de carton pâte...
Avec « Paillasse », Leoncavallo voulait un hommage sans complaisance au monde du spectacle. Mais ici, les saltimbanques semblent avoir perdu leur entrain.
Encore une fois le théâtre rejoint la vie, cette image sonore du destin brisé, chantre du vérisme le plus pur, le plus dur faisant toujours son petit effet.
Voulant sans doute racheter une discutable première partie, Eric Perez trouve enfin le ton juste pour ce court drame de la jalousie. Dans une illustration au premier degré qui se respire comme un grand bol de Mistral bien frais...
Il faut pour le rôle-titre un ténor dont la vaillance vocale puisse se plier à toutes les nuances du sentiment. Là aussi, la psychologie du personnage est complexe, et pour le rendre attachant il importe que le chant ne se limite pas à des prouesses, mais qu’il apparaisse comme l’expression naturelle de la souffrance, de l’amertume, du désespoir. Denys Pivnitskyi prouve que l'on peut être insuffisant dans Cavalleria et se tirer assez honorablement de Paillasse, malgré quelques inévitables scories et impropriétés vocales à la limite de la vulgarité. Décidément, quand çà ne veut pas, çà ne veut pas...
Nedda, sa femme, à la scène – comme à la ville -, sensuelle, volontaire, trouve en Solen Mainguené une interprète délicate, sensible, « petit oiseau craintif » capable de fouetter l’infirme démoniaque Tonio, mais aussi de se blottir entre les larges épaules du beau Silvio. Dongyong Noh passe sans difficulté d’Alfio à Tonio. Sympathique participation de Jiwon Song en Silvio et acrobatique et fort bien en place Beppe de Jean Miannay.
La baguette de Miguel Campos Neto, parfois chaloupée, respecte la diabolique intensité expressive des deux ouvrages. L’ensemble est conduit avec violence, enthousiasme mais aussi délicatesse quand il le faut pour mieux nous précipiter, tête baissée dans les stridences de la passion déchaînée. Choeur pour une fois pas toujours au dessus de tout soupçon, comme désarçonné par le propos du metteur en scène.
En conclusion : une soirée à oublier bien vite.
Christian Colombeau
Le drame psychologique de la belle Santuzza, délaissée par son amant Turridu qui en aime une autre, et va provoquer sa perte, abonde en morceaux de bravoure, défilés traditionnels des chœurs, avec son non moins inévitable côté folklorique, heureusement réduit au minimum.
Le metteur en scène Eric Perez, en voulant faire du Pirandello - donc du théâtre dans le théâtre – ne pouvait que dénaturer d'emblée le livret et déséquilibrer ses chanteurs, costumés à la va comme je te pousse et livrés à eux-mêmes.
Ouvrant la soirée avec l'air de Tonio de Paillasse, fausse bonne idée vue qui n'apporte rien et dans un sens déstabilise l'ensemble, Eric Perez ne cerne jamais avec acuité les caractères des différents personnages, ne leur permet de bien se définir les uns par rapport aux autres, les deux rôles féminins de Santuzza et Lucia sont en ce domaine un véritable naufrage dans l'outrance gestuelle et vocale... ou l'insignifiance théâtrale...
Il est vrai que déguiser le couple Turridu-Santuzza en Mousquetaire et Angélique Marquise des Anges renvoyait aux oubliettes toute crédibilité. Bref, on s'amuse souvent, on s'irrite parfois, tant le propos est saugrenu, mal venu, mal présenté, le pompon étant atteint lors de la procession de Pâques réduite à une illustration rigolote du Golgotha.
On sait que Santuzza est la plaque tournante de l’œuvre. Chrystelle di Marco, pourtant auréolée au dernier Concours de Chant de Clermont-Ferrand, comme pas mal de ses partenaires, ne restera pas dans les annales de l'Opéra d'Avignon. Un trou large comme le Delta du Rhône au milieu de la voix, un timbre sans attrait, métallique, un vibrato envahissant, des aigus à la limite du cri, pas toujours dans la portée, la jeune soprano aborde bien trop tôt un rôle qui la dépasse en tous points de vue.
Elle n'est pas aidée il est vrai par le Turridu de Denys Pivnitskyi, ici caricature de ténor italien, qui ne possède à aucun moment la voix vaillante et forte du bellâtre sicilien. Empêtré dans ses bottes de Dartagnan, voilà un macho priapique de petite envergure, qui massacre son « brindisi » puis ses adieux à sa mère, comme on ne le ferait même pas dans une classe de conservatoire de province, bref, ne se montre jamais convaincant.
Bien peu d'accents émouvants aussi chez la Lucia de Gosha Kowalinska. Par charité nous glisserons sur Lola pour mieux saluer le pertinent Alfio de Dongyong Noh, généreux en décibels, beaucoup moins en nuances ou subtilités... Le seul apparamment à trouver la mise en scène géniale et à s'amuser comme un fou sur son cheval de carton pâte...
Avec « Paillasse », Leoncavallo voulait un hommage sans complaisance au monde du spectacle. Mais ici, les saltimbanques semblent avoir perdu leur entrain.
Encore une fois le théâtre rejoint la vie, cette image sonore du destin brisé, chantre du vérisme le plus pur, le plus dur faisant toujours son petit effet.
Voulant sans doute racheter une discutable première partie, Eric Perez trouve enfin le ton juste pour ce court drame de la jalousie. Dans une illustration au premier degré qui se respire comme un grand bol de Mistral bien frais...
Il faut pour le rôle-titre un ténor dont la vaillance vocale puisse se plier à toutes les nuances du sentiment. Là aussi, la psychologie du personnage est complexe, et pour le rendre attachant il importe que le chant ne se limite pas à des prouesses, mais qu’il apparaisse comme l’expression naturelle de la souffrance, de l’amertume, du désespoir. Denys Pivnitskyi prouve que l'on peut être insuffisant dans Cavalleria et se tirer assez honorablement de Paillasse, malgré quelques inévitables scories et impropriétés vocales à la limite de la vulgarité. Décidément, quand çà ne veut pas, çà ne veut pas...
Nedda, sa femme, à la scène – comme à la ville -, sensuelle, volontaire, trouve en Solen Mainguené une interprète délicate, sensible, « petit oiseau craintif » capable de fouetter l’infirme démoniaque Tonio, mais aussi de se blottir entre les larges épaules du beau Silvio. Dongyong Noh passe sans difficulté d’Alfio à Tonio. Sympathique participation de Jiwon Song en Silvio et acrobatique et fort bien en place Beppe de Jean Miannay.
La baguette de Miguel Campos Neto, parfois chaloupée, respecte la diabolique intensité expressive des deux ouvrages. L’ensemble est conduit avec violence, enthousiasme mais aussi délicatesse quand il le faut pour mieux nous précipiter, tête baissée dans les stridences de la passion déchaînée. Choeur pour une fois pas toujours au dessus de tout soupçon, comme désarçonné par le propos du metteur en scène.
En conclusion : une soirée à oublier bien vite.
Christian Colombeau