Programme Dominique Bagouet au KLAP (Marseille) par les Ecoles supérieures de danse de Cannes et de Marseille le 22 Mars 2013 par Philippe Oualid

Les cycles supérieurs de l'Ecole de danse de Cannes Rosella Hightower, de l'Ecole de danse de Marseille, dirigés par Paola Cantalupo, et de l'Ecole de danse "Coline"d'Istres, ont présenté au KLAP un programme Dominique Bagouet, en hommage au brillant danseur-chorégraphe, disparu en 1992, qui avait reçu toute sa formation classique à l'Ecole de Rosella Hightower.


© Didier Philispart
Trois pièces de 1977, 1980 et 1988, caractéristiques de son style traversé d'humour, d'autodérision, de nostalgie et de mise en question permanente de soi-même, constituaient le programme de cette charmante soirée.

Suite pour violes, sur une gavotte de François Couperin (1977), représente la première rencontre du chorégraphe avec la musique baroque et éclaire la parenté de sa danse avec la gestuelle de la même époque. Quatre interprètes de l'ENSDM (Marion Audoin, Jean-Yves Phuong, Chiara Pagano et Ali Selimi), fuyant les affirmations frontales, se présentent de biais et réalisent quelques ronds de jambe, pirouettes et arabesques, au milieu d'intermèdes pantomimiques qui rappellent l'attirance contradictoire de Bagouet pour les excès baroques des poses grotesques et le phrasé élégant du geste abstrait.

Une Danse blanche avec Eliane (1980) sur des musiques de Jo Privat avec Eliane Lencot à l'accordéon, est interprétée par Julien Ratel et six danseuses de l'Ecole de danse Rosella Hightower. La danse d'abord bondissante, profondément musicale, d'une parfaite simplicité, fait évoluer les danseurs dans des directions imprévisibles ou inattendues, les soumet à des contrastes, des altérations rapides du mouvement, des exercices de gymnastique rythmique, bras repliés, tendus, des sautillements comiques réalisés dans une ivresse joyeuse, avant de les plonger dans le climat de nostalgie que la musique de bal musette leur inspire.

Les petites pièces de Berlin, sur une musique électro-acoustique de Gilles Grand, crées en 1988 dans le cadre de Berlin, Capitale européenne de la Culture, sont dansées par les jeunes danseurs de Coline. Dans un dispositif encombrant de chaises qui pourrait figurer une salle d'attente, garçons et filles qui cherchent à se rencontrer exécutent en solos, duos ou trios, de façon quelque peu décousue sur le principe de l'accumulation, le catalogue gestuel du style Bagouet, dans un esprit d'autodérision. « Tout ça, c'est pour la danse! » répète inlassablement une voix africaine tandis que Diego Lloret se livre à de brillantes acrobaties sur les chaises, que des couples s'étreignent passionnément, que trois garçons (Maxime Camo, Paul George, Clément Lecigne) réalisent des figures chères au chorégraphe, buste penché arrière, jambe droite projetée en avant, que deux belles jeunes filles avancent majestueusement (Marine Caro, Marion Peuta), que d'autres sautillent, se déhanchent, se recroquevillent sur leur siège, ou s'endorment à même le sol. Aussi, par certains aspects, ces petites pièces évoquent les configurations oniriques qui étaient explorées à cette époque dans le théâtre de Bob Wilson ou les spectacles de Pina Bausch.

En définitive, on peut dire qu'en reprenant, en reconstituant des pièces mythiques de Dominique Bagouet, Paola Cantalupo a réussi à inscrire le travail de répertoire contemporain comme une expérience indispensable dans la formation des danseurs interprètes de ces prochaines années. Au regard du succès obtenu, ce soir-là auprès du jeune public du KLAP, on ne pouvait que l'en féliciter.
Philippe Oualid

Pierre Aimar
Mis en ligne le Lundi 25 Mars 2013 à 19:03 | Lu 706 fois
Pierre Aimar
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