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Quartet sublime pour jazz suprême, théâtre Toursky, Marseille

Avec pour référence le mythique John Coltrane, pionnier du free jazz par excellence, Raphaël Imbert et son quartet ont chauffé à blanc un théâtre Toursky plein à craquer par ce soir plutôt frileux de novembre 2019. Effet pygmalion sans aucun doute pour Raphaël Imbert qui a choisi d’interpréter « A love suprême », chef-d’œuvre enregistré par Coltrane en 1964


© DR
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« L’Offrande à Dieu »
Coltrane est émerveillé par Charlie Parker, mais en partie conditionné par l’idée que la drogue est une infinie source d’inspiration. Il commence à boire, mais surtout à utiliser l’héroïne. La dépendance lui crée des problèmes croissants et provoque son départ des groupes de Miles Davis puis de Dizzy Gillespie. C’est à partir de ce moment que le musicien décide de couper court à ses démons. Il sort du tunnel de l’héroïne et commence une phase nouvelle de sa vie et de sa musique, guidée par une spiritualité au pouvoir extraordinaire. Le réveil spirituel de Coltrane ne semble pas lié à une foi particulière, mais plutôt à un sens d’universalité, le même qui mène les scientifiques à poser les grandes demandes sur le sens de ce qui nous entoure et de notre position dans l’univers. Avec « Alabama », composé après qu’une bombe placée dans une église de Birmingham par les suprémacistes blancs causa la mort de quatre enfants et blessé une vingtaine de personnes, Coltrane devient en quelque sorte la contrepartie musicale du message politique de Martin Luther King. Mais son chef-d’œuvre « A love suprême », pétri de blues, de spiritual, de gospel et de musiques africaines, que l’artiste qualifie de « son offrande à Dieu », nait de son isolement dans la maison à Long Island, où Coltrane se retire.

Raphaël Imbert, autodidacte de génie
Autodidacte, considéré comme l’un des plus grands saxophonistes de sa génération, Raphaël Imbert offre en première partie d’excellentes compositions personnelles. Seul un illuminé ou un génie aurait eu l’audace de s’attaquer à une pièce en quatre mouvements, d’une durée de plus de 33 minutes. Raphaël Imbert l’a fait avec maestria. Avec Love Suprême, le saxo poignant de Raphaël Imbert, le piano virtuose de Vincent Laffont, la batterie exceptionnelle de Mourad Benhammou et la contrebasse grave et chantante de Pierre Fénichel dédient à l’amour une ode envoûtante, un moment de plénitude rare, d’envolées lyriques sans fioritures inutiles, de spiritualité, où le jazz pénètre l’âme et transcende les corps. Dans les parties les plus jazzy comme dans les autres, à la structure musicale différente, les musiciens font corps. C’est une prière à l’amour, bouleversante, palpitante, passionnante, divinement interprétée par le quartet.

Ce concert est donné en partenariat avec le Roll’Studio, une cave dans le quartier du Panier à Marseille qui accueille des concerts et des musiciens.

Claude Norbert, à la tête de ce lieu, nous donne ses impressions sur la soirée : « C’est une des plus belles soirées auxquelles j’ai assisté. Raphaël Imbert, dans ce concert, a donné quelques pièces personnelles, preuve de la reconnaissance de son talent de compositeur en plus d’être un des plus grands interprètes français de jazz aux différents saxophones et à la clarinette basse. Ce soir, l’artiste a utilisé la clarinette basse et le saxo alto pour son interprétation. Le batteur, Mourad Benhammou, est certainement un des plus grands batteurs actuels connus sur la scène mondiale. Marseillais d’origine, il fait aujourd’hui carrière à Paris et à l’international. Pour prendre dans ce quartet la place qu’occupait Elvin Jones, et à ce niveau, il n’y avait que Mourad Benhamou pour pouvoir le faire. Le pianiste est excellent et fait une carrière internationale. Le grand contrebassiste, Pierre Fénichel, a choisi de faire sa carrière à Marseille, ce qui n’enlève rien à son immense talent. ‘Love Suprême est une œuvre très puissante, généralement les musiciens de jazz n’osent pas vraiment s’y attaquer. On l’écoute comme on écoute la Messe en si de bach, qu’on écoute et qu’on réécoute avec beaucoup d’émotion. Raphaël a osé le faire il y a un an à la demande d’un des responsables de la musique de l’Alcazar à Marseille, Patrick Casse, et l’a donné à l’Alcazar avec le même quartet. Je dois dire qu’avec les moyens scéniques, sonores, lumières, réglages techniques faits par l’équipe du toursky, sur cette scène qui est une très belle scène et avec les moyens que le toursky avait mis, c’était fabuleux. Il me faut ajouter que Jazz suprême : initiés, mystiques et prophètes est le titre d’un ouvrage majeur, un livre de Raphaël Imbert qui traite de la spiritualité de la musique en général et dans le jazz en particulier, qui a été réédité en livre de poche. »

De longs applaudissements croissants en intensité ont salué la fin du concert, tant le public tenait à signifier sa satisfaction et son bonheur et son remerciement aux musiciens.
Si l’on ajoute à cela que Raphaël Imbert est non seulement un excellent musicien mais également un homme jovial, cultivé, à l’empathie communicatrice et qu’il vient d’être nommé directeur du Conservatoire national de musique de Marseille, on se dit que les musiciens en devenir ont bien de la chance, et nous aussi par la même occasion !
Danielle Dufour Verna

Danielle Dufour-Verna
Mis en ligne le Jeudi 19 Décembre 2019 à 15:03 | Lu 615 fois

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