Rencontre : Renaud Gigord, harpiste, violoncelliste, pianiste. Musicien et concertiste éblouissant

Il habite Courthézon, près d’Orange. Quand on écoute cet artiste, qu’il joue du piano, de la harpe ou du violoncelle, on est immédiatement saisi par l’intensité de son jeu, son ingéniosité, son inventivité, sa sensibilité. Renaud Gigord est un musicien lumineux, un concertiste aguerri, qui garde au cœur son âme d’enfant.


C’est cette fraicheur, cet enthousiasme, cette passion, qui font de ce musicien un artiste rare. Ce n’est pas la muse Terpsichore qui vient à l’esprit quand Renaud Gigord pince les cordes de sa harpe avant de les replier pour ne pas les blesser, c’est la splendeur des cerisiers du Japon, la beauté éphémère de ses fleurs suspendues au fragile fil de leur destin. Si le violoncelle a une ‘âme’, petite pièce d’épicéa, c’est celle du musicien que transmettent les notes longues et vibrantes. Quand Renaud Gigord, avec délicatesse, s’empare de ses trois instruments fétiches, c’est un mélange d’émotions qui s’exprime, la vie, avec ses moments sombres et d’autres heureux. Renaud Gigord possède le talent des artistes inspirés, la clarté des gens ‘vrais’.

Un artiste lumineux

Renaud Gigord suit un parcours musical pianistique dès l’âge de 7 ans, à Carpentras. Il se tourne ensuite vers le violoncelle à Marseille et Versailles où il obtient une médaille d’or à l’unanimité et félicitations du jury, ainsi qu’un premier prix de perfectionnement. Harpiste celtique et classique, il étudie la harpe avec Elizabeth Fontan-Binoche à Nice. Depuis 2004, il enseigne les trois instruments dans plusieurs écoles de musiques. Il se produit régulièrement en concert, en soliste ou avec des partenaires prestigieux.
Nous l’avons rencontré.

Danielle Dufour-Verna/ Projecteur TV – Bonjour Renaud Gigord. Pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs ?
Renaud Gigord –J’habite Courthezon dans le Vaucluse. J’ai 41 ans et j’ai eu la chance de fêter mes deux derniers anniversaires pendant la Covid, mais ce n’est pas grave car je suis plein de projets. Je suis musicien professionnel, plutôt classique, et je le revendique. J’ai la particularité de pratiquer trois instruments : Le violoncelle, la harpe et le piano. J’ai eu la chance de faire mes études à Marseille, au soleil, à Versailles et à Rouen.
DDV –Quel est votre parcours ?
Renaud Gigord – « J’ai toujours affectionné jouer à l’opéra car c’est une grande famille… »
J’ai commencé le piano à 7 ans et le violoncelle à l’âge de 15 ans, ce qui était un peu tard mais j’ai eu la chance de rencontrer une professeure, Odile Gabrielli, qui m’a rassuré sur le fait que j’avais rattrapé ce retard. J’ai ensuite obtenu une médaille d’or au Conservatoire de Versailles avec une professeure extraordinaire polonaise, Barbara Marcinkowska, très exigeante et très humaine avec laquelle nous nous sommes liés d’amitié. Nous avons fait énormément de concerts en duo, et en ensemble de violoncelles à l’international, à la télévision. Par la suite je suis entré violoncelle solo à l’Orchestre de l’Opéra des Landes où je suis resté onze saisons dans un Festival d’été et des représentations en hiver. J’ai toujours affectionné jouer à l’opéra car c’est une grande famille avec tous les corps de métiers inhérents à cette grande maison. J’y ai rencontré une grande chanteuse japonaise, Masami Okumura qui m’a invité à six reprises au Japon, à Tokyo, entre 2004 et 2019 pour faire, à chaque fois, plusieurs concerts avec elle. Les deux derniers concerts ont été particuliers dans la mesure où, accompagné par d’autres musiciens, j’ai joué de mes trois instruments fétiches. Je devais y retourner en décembre 2020 mais la crise sanitaire est passée par là.

DDV –Des trois instruments dont vous jouez, vous avez une prédilection pour l’un d’entre eux?
Renaud Gigord – Plus maintenant ! J’avais une grande passion pour la harpe. C’est un instrument que j’ai commencé très tard car il fallait des moyens financiers pour en acheter une. Mais maintenant, j’avoue que je ne fais aucune différence entre les trois instruments. Que ce soit avec l’un ou l’autre instrument, les projets arrivent et je laisse faire la vie.

DDV – Comment passer d’un instrument à l’autre avec la même dextérité,
Renaud Gigord – Avec beaucoup de travail. Il faut être très consciencieux et très exigeant avec soi-même. Je suis aussi un musicien qui ne pratique pas toutes les époques et toutes les esthétiques. Comme les chanteurs, il y a des sopranos lyriques, des sopranos légères, dramatiques etc. et chacune ne chante pas forcément tout le répertoire. C’est la même chose pour les instrumentistes. Je suis très en accord avec la période romantique et impressionniste et tous les compositeurs impressionnistes français. Le baroque me plait mais je n’aime pas le jouer. La musique contemporaine m’intéresse également mais je ne la pratique pas. Je préfère me consacrer sur ce que je sais faire le mieux et ce que j’aime partager avec mes partenaires.

DDV –Avez-vous des partenaires habituels ?
Renaud Gigord – « Je me sens bien dans ce genre de partenariat où l’amitié est importante. »
J’ai des partenaires de longue date, parmi lesquels Christina Collier, soprano anglaise, qui a fait une brillante carrière dans la comédie musicale et se produit dans de nombreux récitals sur la Côte d’Azur. Nous jouons ensemble depuis seize années, dans des endroits extraordinaires parfois, et je me sens bien dans ce genre de partenariat où l’amitié est importante.

DDV – Comment avez-vous vécu les confinements ?
Renaud Gigord – « J’ai composé huit pièces pédagogiques pour la harpe ‘Souvenirs de Tokyo’(éditions Martine Betremieux) »
J’ai un fonctionnement spécial qui m’est personnel. Pour le côté manque de productions et de contacts humains et artistiques, je me suis mis des œillères car je suis persuadé qu’on va en sortir. D’un autre côté, je n’ai pas perdu de temps. J’ai eu beaucoup de chance d’avoir été occupé sur ces presque deux années puisqu’on vient d’entamer la deuxième. J’ai composé la première année huit pièces pédagogiques pour la harpe. Je les ai enregistrées et j’ai eu la chance que la partition soit éditée aux Editions Martine Betremieux. Le recueil s’appelle ‘Souvenirs de Tokyo’. Je suis inscrit en qualité de compositeur à la Bibliothèque Nationale de France. Les partitions sont en vente chez les distributeurs de partitions pour harpe. Parmi ces pièces, deux ont été choisies cette année pour les examens de fin de cycle au conservatoire d’Avignon. Ce sont des pièces d’inspiration japonaise mais des pièces pédagogiques qui nécessitent du travail. « Le grand Torii de cèdre » a été imaginé comme pièce finale, lumineuse, largement inspirée du mode d’écriture de Marcel Tournier. Ces pièces trouvent leur place en concert, et sont également une source d’outils techniques à pratiquer. J’y ai recherché plusieurs objectifs pédagogiques : mise en valeur du chant dans la main gauche, recherche rythmique, doigtés croisés, sons harmoniques, gammes et arpèges, sons près de la table, piqués, travail des grands accords, approche des enharmonies.
« Une expérience fantastique avec la lutherie »
La deuxième période a été tout autant occupée, et tant mieux, ça évite de penser. On refait mon violoncelle. On a décidé de le revernir. Donc, on l’a décapé chez une luthière d’Avignon, Katerina Fronista et j’ai eu la chance, en quelque sorte, de devenir stagiaire chez elle puisque c’est moi qui fait le plus gros du travail sur l’instrument. Elle est là bien sûr pour me guider et pour les tâches difficiles. On en a profité pour scier le manche et refaire un manche neuf avec une volute dans une tout autre style. C’est une expérience fantastique avec la lutherie.

DDV – Pensez-vous que la culture a été bâillonnée ?
Renaud Gigord – Franchement oui. Parce qu’on aurait pu faire des choses. On nous a obligés à faire des choses qui ne sont pas compatibles avec nos métiers, notamment le télétravail. L’art vivant ne se pratique que dans la vraie vie, pas en virtuel. On a besoin de garder le contact.

DDV – Des projets de concert ?
Renaud Gigord – « Concert avec un groupe de musiques actuelles, Bandùra »
Oui, beaucoup ont été annulés, avec trois orchestres différends, deux concerts en Ecosse à Edimbourg, deux à Tokyo. Je ne me plains pas car je sais que c’est le lot de tous les artistes. J’ai hâte de retrouver mes partenaires, qu’on nous donne la possibilité de nous produire, et d’aller écouter les collègues. Pour cet été, des concerts sont prévus, dans la région sud essentiellement, avec un groupe de musiques actuelles, Bandùra, des musiques à tendance provençale et celtique.

DDV –Qu’est-ce qui vous apaise ?
Renaud Gigord – Les films de Miyazaki. C’est inexplicable. Ça aussi c’est important musicalement parce que je suis allé au Japon plusieurs fois sans connaître ses films. Il y a trois ans, avec un orchestre, nous avons fait une série de ciné-concerts et j’ai fait la même chose à Marseille au Théâtre Toursky. Je n’avais fait que découvrir la musique. C’est un compositeur extraordinaire, Hisaishi, qui fait ses musiques. J’ai découvert les films, les uns après les autres, et j’avoue que c’est une bulle fantastique. La nature aussi m’apaise énormément. Chez moi, c’est vert. Quand on est arrivé, c’était du béton, j’ai investi dans les plantes tout l’argent de mon dernier voyage au Japon. On a la chance de vivre dans un village où la municipalité a fait planter des quantités d’arbres et c’est fantastique parce que nous avons tous besoin de ça, sans parler de ce qui est prévu au niveau du réchauffement climatique.

DDV – Vous pourriez citer un ou deux compositeurs que vous adorez ?
Renaud Gigord –Le maître absolu, pour moi, c’est Puccini et puis Hisaishi.

DDV – Quelle est votre conception du bonheur ?
Renaud Gigord – « Apprendre à dire ‘Non’. »
Sentir son équilibre et apprendre à dire ‘Non’. On apprend un peu tard dans la vie.

DDV – Vous avez dit ‘Oui’ trop souvent ?
Renaud Gigord – Oh, oui ! Même encore aujourd’hui, trop ! J’avais entendu quelqu’un dire qu’à partir de la quarantaine, on pouvait commencer à dire ‘Non’, j’avoue que ça fait un bien fou.
Danielle Dufour-Verna

Danielle Dufour-Verna
Mis en ligne le Samedi 5 Juin 2021 à 13:08 | Lu 1805 fois
Danielle Dufour-Verna
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