Requiem de Verdi – Chorégies d’Orange 2016 : Cosmos, vent du nord et palais antiques

Quel Requiem que celui qui mêle B.D et opéra, messe des morts grandiose et décor fantastique, science fiction et lugubres prières !


Pour le moins inattendu, le décor géant de Philippe Druillet imprime sur la musique de Verdi, décors superbes, univers et cosmos en fuite, femmes sauvages au regard cruel sans crainte d’un au-delà familier aux amateurs de B.D.
Pour cela, il part à l’assaut du grand mur de scène, le plus fameux des murs, paraît-il, dressé contre le redoutable mistral et d’invisibles ennemis !

Et la messe de Verdi me direz-vous que devient-elle dans tout cela ? Un Requiem est une messe des morts, dite et chantée au moment de la mort ou des funérailles. Elle est censée dire la tristesse mais aussi provoquer la peur chez les vivants et assurer le passage vers la lumière…

A Orange lors des Chorégies, et par un tour du magicien Philippe Druillet, voici la messe des morts devenue spectacle. Facile dirait-on, car l’œuvre s’y prête, riche en élans dramatiques, coups de cymbales et autres tonnants, crescendos puissants et autres appels sonores ; et aussi par l’évocation sombre d’on ne sait quel monde étrange, souterrain et grave ; ou peut-être divin et lumineux…

L’orchestre du Capitole de Toulouse, précis et maîtrisé par Tugan Sokhiev, est admirablement servi par le choristes de l’Orfeon Donostiarra (de San Sebastien), en impeccables robes blanches et tenues noires dont les mouvements exactement réglés participent à l’élan dramatique. Un Chœur privé qui voyage et chante partout dans le monde avec les plus grands, et peut assurer 30 concerts annuels grâce à la présence de 180 chanteurs. Quel superbe ensemble, précis et concentré sur lequel s’appuient les quatre solistes : Krassimira Stoyanova, la soprano à la voix aérienne, Ekaterina Gubanova mezzo soprano, Vitalij Kowaljow, basse et Joseph Calleja, ancien rocker maltais converti à l’opéra, qui fait preuve d’un lyrisme décomplexé.

Peut-être Verdi, qui pourtant ne méprisait pas les grands effets aurait-il grimacé face au mur illustré par des guerrières androïdes aux seins pointus, à moins qu’il n’ait rêvé face à l’immense fuite des astres qui nous emporte hors du temps. Avait-il de l’imagination ? Sa musique semble le prouver. Ce Requiem Verdi-Druillet ne manque assurément pas de puissance et raccorde deux époques : un XIXe siècle encore enfermé dans ses traditions et principes et le XXIe siècle, incertain et faible, emporté par le flux des astres en mouvement et des élans qu’il maîtrise mal ..

Ce mapping géant n’a qu’un défaut ; il fait oublier la force de la musique, sa précision, la douleurs et l’angoisse qu’elle transmet, parce qu’elle distrait le regard.
Il a une qualité : il rend ce cri d’angoisse plus parlant.
On ne sait.

Dommage que le mistral ait, lui aussi, emporté des musiques vers l’au-delà.
Jacqueline Aimar

Pierre Aimar
Mis en ligne le Vendredi 22 Juillet 2016 à 17:27 | Lu 1179 fois
Pierre Aimar
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