Une distribution irréprochable pour une version de concert de référence
© Christian Dresse
Roberto Devereux est incontestablement, tant sur le plan musical que dramatique, un des fruits les plus intéressants de la « Donizetti Renaissance » et du prétendu « Trittico Tudor ». Mais Devereux est aussi le plus complexe. Toute la partition que Donizetti destina au San Carlo de Naples, où elle fut créée le 29 octobre 1837, avait été conçue pour la légendaire Giuseppina Ronzi de Begnis, qui avait eu l’honneur d’être la première Maria Stuarda. Autant dire de suite que toute soprano s’attaquant au rôle périlleux de la Reine Elisabeth (car c’est elle l’héroïne et la vedette et non pas le ténor éponyme) doit connaître au mieux les méandres de cette musique pour lui restituer au mieux sa transparence, sa pulsion, son mystère et sa tension dans une variété infinie d’accents.
Ici, l’expression élégiaque de la ligne (presque bellinienne) s’ouvre à l’accentuation romantique. Au phrasé impalpable et aérien de certaines pages succède l’explosion de vocalises en cascades et de notes aigües martelées. On l’aura compris, Devereux est un opéra de Diva et tout vit par et pour Elle…
Attendue à grand renfort de publicité, la légendaire Mariella Devia (soixante-trois printemps au prochain muguet si l’on en croit ses confidences à la presse régionale) avait donc l’honneur de succéder à ses plus illustres consœurs pour caractériser les malheurs et la solitude morale de la « Reine Vierge ».
Saluons bien bas la prise de rôle sidérante de la fascinante Prima Donna ! En première partie, son numéro de diseuse exacerbé est époustouflant. La Devia se joue avec une facilité confondante (on sent là tout le métier, l’intelligence et cette « aura » qui n’appartiennent qu’à elle) des alternances piano/forte. Les réserves de souffle semblent inépuisables, la ligne de chant souveraine. L’insolence des attaques, la précision des vocalises, ses aigus clairs et coupants comme du cristal, rivalisent avec cette précision diabolique des clair-obscur poétiques et lunaires.
Privée de vie scénique, la claustrophobie de ce drame du pouvoir, d’amour et de mort - dès le départ, on est dans le lourd, le tragique, ça pleure, ça implore, c’est plus bavard que lyrique… finalement assez dur le premier acte - trouvait soudain, par le simple éclat vocal de ses interprètes une dimension inattendue.
Impossible d’adresser le moindre reproche au reste du plateau. Galvanisé par une telle présence, il ne pouvait donner que le meilleur.
Plaisir de retrouver dès lors Beatrice Uria-Monzon qui déploie elle aussi des trésors de virtuosité. Rien à jeter, tout à prendre, dans son rôle (Sara, Duchesse de Nottingham) de pur bel-canto, parfois confié à un « falcon ». Aigu chatoyant, diction irréprochable, plastique superbe… La classe, tout simplement.
Son duc d’époux, Fabio Maria Capitanucci, fait mieux que tirer son épingle du jeu en mari-confident cocu de service. Eclat des mots, sens du théâtre, voix saine, généreuse, à l’ambitus sidérant où pointe même dans sa composition, un futur Posa…
Stefano Secco dans le rôle-titre ? Elégant, racé, fiévreux, ardent, chevaleresque en diable, bouleversant de naturel, électrisant de la première à la dernière note, surtout dans la scène de la prison, véritable leçon de chant.
Très bons seconds rôles et chœurs bien en place dans leurs épisodiques interventions.
Bondissant, caracolant au pupitre de son Orchestre, Alain Guingal se révèle souvent capable de donner une réelle pulsion dramatique à l’ouvrage. Sa lecture, parfois bruyante mais efficace dans les moments de pur bel canto, arrive adroitement à soutenir les paroxysmes des affrontements entre Elisabeth et son amant. Avec, pour une fois aucun maniérisme qui nous détourne du propos ouvertement belcantiste du « Primo Ottocento ».
Christian Colombeau
Ici, l’expression élégiaque de la ligne (presque bellinienne) s’ouvre à l’accentuation romantique. Au phrasé impalpable et aérien de certaines pages succède l’explosion de vocalises en cascades et de notes aigües martelées. On l’aura compris, Devereux est un opéra de Diva et tout vit par et pour Elle…
Attendue à grand renfort de publicité, la légendaire Mariella Devia (soixante-trois printemps au prochain muguet si l’on en croit ses confidences à la presse régionale) avait donc l’honneur de succéder à ses plus illustres consœurs pour caractériser les malheurs et la solitude morale de la « Reine Vierge ».
Saluons bien bas la prise de rôle sidérante de la fascinante Prima Donna ! En première partie, son numéro de diseuse exacerbé est époustouflant. La Devia se joue avec une facilité confondante (on sent là tout le métier, l’intelligence et cette « aura » qui n’appartiennent qu’à elle) des alternances piano/forte. Les réserves de souffle semblent inépuisables, la ligne de chant souveraine. L’insolence des attaques, la précision des vocalises, ses aigus clairs et coupants comme du cristal, rivalisent avec cette précision diabolique des clair-obscur poétiques et lunaires.
Privée de vie scénique, la claustrophobie de ce drame du pouvoir, d’amour et de mort - dès le départ, on est dans le lourd, le tragique, ça pleure, ça implore, c’est plus bavard que lyrique… finalement assez dur le premier acte - trouvait soudain, par le simple éclat vocal de ses interprètes une dimension inattendue.
Impossible d’adresser le moindre reproche au reste du plateau. Galvanisé par une telle présence, il ne pouvait donner que le meilleur.
Plaisir de retrouver dès lors Beatrice Uria-Monzon qui déploie elle aussi des trésors de virtuosité. Rien à jeter, tout à prendre, dans son rôle (Sara, Duchesse de Nottingham) de pur bel-canto, parfois confié à un « falcon ». Aigu chatoyant, diction irréprochable, plastique superbe… La classe, tout simplement.
Son duc d’époux, Fabio Maria Capitanucci, fait mieux que tirer son épingle du jeu en mari-confident cocu de service. Eclat des mots, sens du théâtre, voix saine, généreuse, à l’ambitus sidérant où pointe même dans sa composition, un futur Posa…
Stefano Secco dans le rôle-titre ? Elégant, racé, fiévreux, ardent, chevaleresque en diable, bouleversant de naturel, électrisant de la première à la dernière note, surtout dans la scène de la prison, véritable leçon de chant.
Très bons seconds rôles et chœurs bien en place dans leurs épisodiques interventions.
Bondissant, caracolant au pupitre de son Orchestre, Alain Guingal se révèle souvent capable de donner une réelle pulsion dramatique à l’ouvrage. Sa lecture, parfois bruyante mais efficace dans les moments de pur bel canto, arrive adroitement à soutenir les paroxysmes des affrontements entre Elisabeth et son amant. Avec, pour une fois aucun maniérisme qui nous détourne du propos ouvertement belcantiste du « Primo Ottocento ».
Christian Colombeau