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Plutôt que de suivre pas à pas la division entre les Capulet et les Montaigu jusqu’à son dénouement tragique, le chorégraphe revisite la pièce suivant un point de vue original : le ballet nous emporte dans l’âme tourmentée de Frère Laurent qui en souhaitant faire le bien provoque finalement la mort des deux amants. Roméo et Juliette de Jean-Christophe Maillot est le flash-back de cet homme d’église désemparé qui se demande à l’issue du drame comment on en est arrivé là. Ce point de départ en dit long sur la sensibilité du chorégraphe qui interprète Roméo et Juliette non pas comme un conflit social ou une lutte clanique régie par un code d’honneur, mais au contraire comme un drame fortuit qui fait périr des jeunes gens plus préoccupés par les jeux de l’amour que ceux de la haine.
Dans le ballet de Jean-Christophe Maillot, les Capulet et les Montaigu se ressemblent beaucoup. Ils ont seize ans, sont plein d’excès et se provoquent dans la rue, plus par amusement que par volonté de se nuire intentionnellement. Leurs rixes ne sont jamais violentes. Ce sont tout au plus des chiquenaudes qui leur permettent de s’identifier à travers une rivalité entre deux bandes que personne ne prend vraiment au sérieux, pas même Tybalt et Mercutio, les plus véhéments de ces adolescents. Hélas un jour, le jeu dérape. Un coup mortel est porté et précipite les protagonistes dans une spirale de violence. Avant d’être des meurtriers, ces protagonistes sont des gamins que Jean-Christophe Maillot nous montre emportés par l’amour, agissant de manière impulsive sans penser aux conséquences. Roméo est irresponsable, désorienté par la découverte d’un amour nouveau qui lui fait oublier ses précédentes conquêtes. Quant à Juliette, c’est la première fois qu’elle tombe amoureuse. Les sensations qu’elle découvre sont si puissantes que Roméo n’est pas seulement un amant : c’est l’Amour. Un amour absolu à côté duquel plus rien n’existe.
Ce débordement de la raison a inspiré à Jean-Christophe Maillot une chorégraphie qui perturbe les codes de la danse classique dans ce qu’elle a de plus traditionnel mais qui conserve son élan, son énergie et sa grâce intemporelle. Cette réflexion à l’œuvre dans Roméo et Juliette est une pierre angulaire du répertoire de Jean-Christophe Maillot : un vocabulaire classique avec une syntaxe contemporaine toujours au croisement de plusieurs disciplines artistiques.
S’agissant de Roméo et Juliette, la syntaxe est clairement cinématographique. Le ballet emprunte au septième art de nombreux outils : le flash-back, qui permet de nous plonger dans l’introspection de Frère Laurent ou encore l’arrêt sur image et le ralenti. On notera également que le spectacle n’est jamais présenté de manière frontale. Les danseurs évoluent suivant des diagonales et ne font jamais face au public… rappelant qu’un acteur ne regarde jamais la caméra. Enfin chaque danseur du corps de ballet possède son propre (second) rôle et peut se singulariser à travers une action unique. Les rôles principaux quant à eux sont tenus par des danseuses, faisant dire à Jean-Christophe Maillot que son Roméo et Juliette est avant tout « un ballet de femmes ». Juliette, Lady Capulet, Rosalinde, la nurse… Ces femmes sont proches les unes des autres et se distinguent plus par leur danse que par leur maturité. Les pères en revanche sont quasiment absents dans la réécriture chorégraphique de Jean-Christophe Maillot et le Prince de Vérone a été supprimé. Mieux, en 1986, lorsqu’il imagine à Tours la première version de son ballet (sur une musique contemporaine de Michel Beuret), le chorégraphe intitule sa pièce « Juliette et Roméo » et indique clairement que ce sont les femmes qui tiennent les rênes de cette histoire.
Cette narration qui sert de colonne vertébrale à son ballet, Jean-Christophe Maillot la rend compréhensible grâce à une scénographie épurée, réalisée par Ernest Pignon-Ernest qui débarrasse la danse de ses accessoires inutiles. Ici, pas de fioles, de poison, de couteaux, de balcons fleuris qui feraient basculer Roméo et Juliette dans un film de cape et d’épée. Les seuls accessoires nécessaires au chorégraphe sont nos affects, nos passions, le souvenir entêtant de nos premières amours et une joyeuse petite bande de marionnettes.
Chorégraphie: Jean-Christophe Maillot
d’après : William Shakespeare
Musique : Sergueï Prokofiev
Scénographie : Ernest Pignon-Ernest
Costumes : Jérôme Kaplan
Lumières : Dominique Drillot
Première représentation par les Ballets de Monte-Carlo : le 23 décembre 1996, à l’Opéra de Monte-Carlo
Dans le ballet de Jean-Christophe Maillot, les Capulet et les Montaigu se ressemblent beaucoup. Ils ont seize ans, sont plein d’excès et se provoquent dans la rue, plus par amusement que par volonté de se nuire intentionnellement. Leurs rixes ne sont jamais violentes. Ce sont tout au plus des chiquenaudes qui leur permettent de s’identifier à travers une rivalité entre deux bandes que personne ne prend vraiment au sérieux, pas même Tybalt et Mercutio, les plus véhéments de ces adolescents. Hélas un jour, le jeu dérape. Un coup mortel est porté et précipite les protagonistes dans une spirale de violence. Avant d’être des meurtriers, ces protagonistes sont des gamins que Jean-Christophe Maillot nous montre emportés par l’amour, agissant de manière impulsive sans penser aux conséquences. Roméo est irresponsable, désorienté par la découverte d’un amour nouveau qui lui fait oublier ses précédentes conquêtes. Quant à Juliette, c’est la première fois qu’elle tombe amoureuse. Les sensations qu’elle découvre sont si puissantes que Roméo n’est pas seulement un amant : c’est l’Amour. Un amour absolu à côté duquel plus rien n’existe.
Ce débordement de la raison a inspiré à Jean-Christophe Maillot une chorégraphie qui perturbe les codes de la danse classique dans ce qu’elle a de plus traditionnel mais qui conserve son élan, son énergie et sa grâce intemporelle. Cette réflexion à l’œuvre dans Roméo et Juliette est une pierre angulaire du répertoire de Jean-Christophe Maillot : un vocabulaire classique avec une syntaxe contemporaine toujours au croisement de plusieurs disciplines artistiques.
S’agissant de Roméo et Juliette, la syntaxe est clairement cinématographique. Le ballet emprunte au septième art de nombreux outils : le flash-back, qui permet de nous plonger dans l’introspection de Frère Laurent ou encore l’arrêt sur image et le ralenti. On notera également que le spectacle n’est jamais présenté de manière frontale. Les danseurs évoluent suivant des diagonales et ne font jamais face au public… rappelant qu’un acteur ne regarde jamais la caméra. Enfin chaque danseur du corps de ballet possède son propre (second) rôle et peut se singulariser à travers une action unique. Les rôles principaux quant à eux sont tenus par des danseuses, faisant dire à Jean-Christophe Maillot que son Roméo et Juliette est avant tout « un ballet de femmes ». Juliette, Lady Capulet, Rosalinde, la nurse… Ces femmes sont proches les unes des autres et se distinguent plus par leur danse que par leur maturité. Les pères en revanche sont quasiment absents dans la réécriture chorégraphique de Jean-Christophe Maillot et le Prince de Vérone a été supprimé. Mieux, en 1986, lorsqu’il imagine à Tours la première version de son ballet (sur une musique contemporaine de Michel Beuret), le chorégraphe intitule sa pièce « Juliette et Roméo » et indique clairement que ce sont les femmes qui tiennent les rênes de cette histoire.
Cette narration qui sert de colonne vertébrale à son ballet, Jean-Christophe Maillot la rend compréhensible grâce à une scénographie épurée, réalisée par Ernest Pignon-Ernest qui débarrasse la danse de ses accessoires inutiles. Ici, pas de fioles, de poison, de couteaux, de balcons fleuris qui feraient basculer Roméo et Juliette dans un film de cape et d’épée. Les seuls accessoires nécessaires au chorégraphe sont nos affects, nos passions, le souvenir entêtant de nos premières amours et une joyeuse petite bande de marionnettes.
Chorégraphie: Jean-Christophe Maillot
d’après : William Shakespeare
Musique : Sergueï Prokofiev
Scénographie : Ernest Pignon-Ernest
Costumes : Jérôme Kaplan
Lumières : Dominique Drillot
Première représentation par les Ballets de Monte-Carlo : le 23 décembre 1996, à l’Opéra de Monte-Carlo
Pratique
Réservations
Grimaldi Forum : 00377 99 99 30 00
(du mardi au samedi de 12h à 19h)
Atrium du Casino de Monte-Carlo : 00 377 98 06 28 28
(du mardi au samedi de 10h à 17h)
Grimaldi Forum : 00377 99 99 30 00
(du mardi au samedi de 12h à 19h)
Atrium du Casino de Monte-Carlo : 00 377 98 06 28 28
(du mardi au samedi de 10h à 17h)