Rusalka, d'Antonin Dvorák à l'Opéra de Lyon du 15 décembre 2014 au 1er janvier 2015

L’opéra féerique de Dvorák est une oeuvre à double tranchant.


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Basé sur un conte d’Erben qui ne va pas sans rappeler La Petite Sirène d’􀀀ndersen ou Ondine de Friedrich de la Motte Fouqué, le livret de Jaroslav kvapil avoue volontiers sa tristesse sous-jacente. En fait il nous raconte un amour impossible. Pour des raisons mythologiques dans un récit au premier degré, pour des impératifs sociaux dans une lecture plus moderne. Comme le dit Wolfgang Willaschek, le dramaturge du spectacle : « Le rêve de l’amour indestructible entre un homme et une femme vire au cauchemar dans la vie de tous les jours. » Et le spectacle d’Herheim va nous le montrer d’une manière extrême mais très pertinente. Est-ce pour cette raison que sa Rusalka est une prostituée qui poursuit le rêve impossible d’une vie de couple normale pour ensuite revenir sur le trottoir qu’elle n’aurait jamais dû quitter ? Mais le metteur en scène dépasse très vite la simplicité de ce propos. Quelque part, c’est le dédain des mâles pour la femme qui est au cœur du débat et celui-ci prend toute son actualité dans le monde froid et cruel des villes.

Herheim transpose donc son récit dans une ville d’Europe centrale, plus précisément à un carrefour qui changera continuellement d’aspect. A droite, un magasin qui abritera successivement un sex-shop, une bou-tique de robes de mariée et une boucherie, au centre, un bar à la Hopper qui change de nom en cours d’action et à gauche une bouche de métro qui se transformera en aubette de fleuriste. La ville est donc en mutation permanente, le rythme de ces changements imposant à l’action un tempo frénétique, soutenu par une incroyable virtuo-sité dans les changements de scène du décor d’Heike Scheele, encore renforcée par la fulgurance et la poésie des éclairages. Le côté presque surréel de ces métamor-phoses scéniques relève d’ailleurs d’une imagination débridée digne du monde de la « Fantasy ».

Cette effervescence bouscule le monde de la féerie et nous ramène dans un monde réel, parfois sordide, sou-vent scabreux où le sexe est omniprésent. Un sexe qui fait de l’héroïne une victime et transforme les femmes, tour à tour prostituées, sorcières ou nonnes dévergon-dées, en objets de cupidité. Même la quête d’amour du Prince pour Rusalka sera condamnée, ce dernier restant socialement le prisonnier d’une femme frigide. On n’aime guère dans ce monde de la tendresse impossible où domine le plaisir factice. Dans cet univers déboussolé, l’eau, qui charrie tout, est omniprésente. Il pleut en effet beaucoup tout au long du récit mais l’élément aquatique ressurgit au sommet de l’onirisme dans le rêve de Rusalka, un moment magique où le merveilleux refait son apparition : il nous raconte l’aspi-ration inassouvie de l’héroïne et nous explique que ce rêve impossible va se heurter à une dure réalité. Rusalka devra retourner au monde de la rue, à son dédain des femmes, à sa cruauté et à son désespoir. Une noyade sur la terre ferme.
Serge Martin

Distribution

Rusalka
Conte lyrique en 3 actes, 1901
Livret de Jaroslav kvapil
En tchèque

Direction musicale
Konstantin Chudovsky
Mise en scène
Stefan Herheim
Dramaturgie
Wolfgang Willaschek
Décors
Heike Scheele
Costumes
Gesine Völlm
Lumières
Wolfgang Goebbel et Stefan Herheim
Vidéo
Fettfilm Berlin
Chef des Choeurs
Zsolt Czetner

Rusalka
Camilla Nylund
Le Prince
Dmytro Popov
Vodník, le maître des eaux
Károly Szemeredy
Jezˇibaba, sorcière
Janina Baechle
La Princesse étrangère
Annalena Persson
Trois Dryades*
Veronika Holbová, Michaela Kusˇteková, Yete Queiroz
Un chasseur / Un prêtre*
Roman Hoza

Les dates

décembre 2014
Lundi 15 20h
Mercredi 17 20h
Vendredi 19 20h
Dimanche 21 16h
Mardi 23 20h
Samedi 27 20h
Lundi 29 20h
janvier 2015
Jeudi 1er 16h

Réservation en ligne

Pierre Aimar
Mis en ligne le Mardi 4 Novembre 2014 à 13:25 | Lu 492 fois
Pierre Aimar
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