Il assumait en effet officiellement la fonction de maître de diction préparant des spectacles qui attiraient du monde et qui firent scandale. Le Marat-Sade de Peter Weiss en avait déjà donné une vision chaotique, échevelée. Le principe qui préside à cette chorégraphie de M-C Pietragalla en est toutefois différent dans la mesure où il cherche à mettre en valeur la spécificité du théâtre de Sade.
En effet, à l'opposé de Rousseau qui voit dans le théâtre une école du mensonge, ou de Diderot qui pose le travail de distanciation comme condition indispensable au talent de l'acteur, Sade, pour justifier sans doute l'ambiguïté de ses comportements et de ses conduites déviantes, fait de la théâtralité l'origine d'une vérité liée aux scènes scabreuses que le sujet se joue dans son for intérieur, ou à l'autosuggestion. Seuls des aliénés excités, donnés à voir comme s'efforçant d'éviter les gestes incontrôlés ou les dérapages de la voix, parviennent, à ses yeux, à exprimer tous les artifices d'une passion théâtrale, de type hystérique, qu'il apprécie, et dont se souviendra par exemple le Théâtre de la Cruauté d'Antonin Artaud.
Créé en juillet 2007 au Festival de Lacoste, devant le château du Marquis, propriété actuelle de Pierre Cardin, Sade nous présente, à travers une douzaine de tableaux surprenants, dans une alternance de scènes d'aliénation mentale et d'évolutions libératrices en danse baroque, les jeux gratuits et provocants des fous dans leur préau ou derrière leurs grilles, entrecoupés de bals qui s'exécutent dans un mixage de cris, de sons et de musiques de Vivaldi ou de Monteverdi, réalisé par Laurent Garnier, des éclairages d'Eric Valentin et des costumes érotiques de Patrick Murru.
Ces costumes qui convoquent d'emblée le texte du vice et de la torture, que les acteurs s'arrachent parfois au cours d'orgies simulées, dans une débauche étudiée de postures indécentes, participent remarquablement de l'inventivité chorégraphique des deux créateurs. Car il s'agit le plus souvent d'un spectacle dansé qui mêle subtilement aux exercices acrobatiques, prisés par Julien Derouault, des pirouettes, des gargouillades, des bourrées, des cancans ou un jeu de colin -maillard, avant un final digne de l'art expérimental contemporain qui expose les corps nus enduits de peinture.
Eprouvant pour les nerfs, l'univers de Sade, visité par la danse, provoque néanmoins chez le spectateur sensible une angoisse, un malaise qu'il ne s'agit pas d'ignorer. Aussi, malgré la réusssite de la performance esthétique des danseurs (citons tout particulièrement François Przybylski, Carl Portal, Miguel Ortega et Camille Brulais), on peut se trouver paralysé au moment d'applaudir. . . Marie-Claude Pietragalla et Julien Derouault ont le sens de la catharsis, de la tragédie. C'est un phénomène assez rare dans la danse d'aujourd'hui pour qu'on daigne le signaler.
Philippe Oualid.
Sade ou Le Théâtre des fous.
Mise en scène et Chorégraphie de Marie-Claude Pietragalla et Julien Derouault.
Production Pierre Cardin.
Théâtre Toursky, 22-23-24 Janvier 2009.
En effet, à l'opposé de Rousseau qui voit dans le théâtre une école du mensonge, ou de Diderot qui pose le travail de distanciation comme condition indispensable au talent de l'acteur, Sade, pour justifier sans doute l'ambiguïté de ses comportements et de ses conduites déviantes, fait de la théâtralité l'origine d'une vérité liée aux scènes scabreuses que le sujet se joue dans son for intérieur, ou à l'autosuggestion. Seuls des aliénés excités, donnés à voir comme s'efforçant d'éviter les gestes incontrôlés ou les dérapages de la voix, parviennent, à ses yeux, à exprimer tous les artifices d'une passion théâtrale, de type hystérique, qu'il apprécie, et dont se souviendra par exemple le Théâtre de la Cruauté d'Antonin Artaud.
Créé en juillet 2007 au Festival de Lacoste, devant le château du Marquis, propriété actuelle de Pierre Cardin, Sade nous présente, à travers une douzaine de tableaux surprenants, dans une alternance de scènes d'aliénation mentale et d'évolutions libératrices en danse baroque, les jeux gratuits et provocants des fous dans leur préau ou derrière leurs grilles, entrecoupés de bals qui s'exécutent dans un mixage de cris, de sons et de musiques de Vivaldi ou de Monteverdi, réalisé par Laurent Garnier, des éclairages d'Eric Valentin et des costumes érotiques de Patrick Murru.
Ces costumes qui convoquent d'emblée le texte du vice et de la torture, que les acteurs s'arrachent parfois au cours d'orgies simulées, dans une débauche étudiée de postures indécentes, participent remarquablement de l'inventivité chorégraphique des deux créateurs. Car il s'agit le plus souvent d'un spectacle dansé qui mêle subtilement aux exercices acrobatiques, prisés par Julien Derouault, des pirouettes, des gargouillades, des bourrées, des cancans ou un jeu de colin -maillard, avant un final digne de l'art expérimental contemporain qui expose les corps nus enduits de peinture.
Eprouvant pour les nerfs, l'univers de Sade, visité par la danse, provoque néanmoins chez le spectateur sensible une angoisse, un malaise qu'il ne s'agit pas d'ignorer. Aussi, malgré la réusssite de la performance esthétique des danseurs (citons tout particulièrement François Przybylski, Carl Portal, Miguel Ortega et Camille Brulais), on peut se trouver paralysé au moment d'applaudir. . . Marie-Claude Pietragalla et Julien Derouault ont le sens de la catharsis, de la tragédie. C'est un phénomène assez rare dans la danse d'aujourd'hui pour qu'on daigne le signaler.
Philippe Oualid.
Sade ou Le Théâtre des fous.
Mise en scène et Chorégraphie de Marie-Claude Pietragalla et Julien Derouault.
Production Pierre Cardin.
Théâtre Toursky, 22-23-24 Janvier 2009.