« Avec 25 guitares oui, mais avec une trompette… »
La tâche a paru bien difficile à Camille Saint-Saëns, lorsque Emile Lemoine (le fondateur d’un ensemble de musique de chambre avec trompette) lui commande en 1878, un septuor, avec trompette; ensemble trop contrasté, bizarre, étiré peut-être entre des registres dissemblables ?
Saint-Saëns finit cependant par le composer en 1879.
Le septuor au programme des musicales en Tricastin
Pierre-Laurent Boucharlat est aux côtés de Karine Locatelli directeur artistique du Festival Musicales en Tricastin qui propose en juillet deux semaines de concerts, certains dans des lieux remarquables de la Drôme, et accueille bien des musiciens. Mais non content de recevoir les interprètes, il crée aussi des spectacles autour de compositeurs : Ludwig, l’oreille rebelle en 2017 qui revisitait le thème de Beethoven perdant l’ouïe, et, en 2018, Un pour sept, sept pour un, ou l’histoire d’un septuor improbable.
Et finalement crée et joué et connaissant le succès en son temps,
En 2018, Pierre-Laurent Boucharlat a éprouvé l’envie d’un spectacle musical autre : montrer des compositeurs que, d’habitude, on se contente d’écouter. Chose possible pour ceux seulement qui ont côtoyé notre temps de l’image, des films, l’Ina et les différentes mémoires du cinéma.
Et ça paraît magique de voir. Voir tout proches et sur grand écran, Saint-Saëns, dans son aspect bonhomme et Tchaïkovski, autoritaire, Sarasate jeune gamin souriant et Glière dont le nom même était inconnu…Une découverte.
Pierre-Laurent Boucharlat a cherché et construit cette rencontre grâce à des extraits de films, qu’il a fallu rassembler et monter au prix de nombreuses difficultés. Non content de s’intéresser à la musique de ces compositeurs qu’il fait entendre, il a monté un film qui les rend visibles et les six instrumentistes vont les présenter tour à tour, alors qu’il se fait tour à tour interprète ou accompagnateur pour chacun des six invités musiciens!
Un véritable travail de recherche et de synthèse : joindre l’image au son, organiser cette rencontre un peu étrange entre un compositeur mort et parfois peu connu, un musicien vivant provenant d’un peu partout en Europe, des spectateurs amateurs de musique classique qui voient enfin les visages vivants de ceux dont ils connaissent très bien le nom et parfois les œuvres.
D’abord Saint-Saëns bien sûr, portrait connu, mais d’autres aussi ; ainsi voit-on Robert et Clara Schumann, Schubert, et Carl Höhne totalement inconnu, comme Reinhold Glière. Debussy familier. Emouvant de découvrir la jeunesse de Manuel de Falla.
Pour chacun de ces compositeurs dont se révèle le visage, une œuvre et un interprète ; ainsi Sihana Badivuku, violon, venue du Kosovo ou Blerim Grubi de Macédoine; quant au trompettiste,Vincent Campos celui qu’on attendait, il arrive d’Espagne, soliste de l’Orchestre de Valencia, et sa trompette sait se faire complice des cordes avec tendresse.. Quant à Vera Panitch au violon, elle est russe mais née à Copenhague et vit en Islande. Jeune, elle fait montre d’un talent de violoniste avec vigueur et jeunesse.
Concert et spectacle à la fois
Avec Un pour sept, sept pour un, Pierre-Laurent Boucharlat a ainsi réussi à proposer un spectacle qui, bien au-delà de la notion de concert, propose une véritable découverte et une rencontre culturelle, en même temps qu’un rapprochement humain et amical autour de centres d’intérêts communs. Tout en travaillant pour la vaste communauté des musiciens du monde.
Jacqueline Aimar