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Après l’émouvante allocution prononcée par S.A.R. la Princesse Caroline, en présence de Monseigneur le Prince, de Madame Kreizberg et de son fils, car brève et empreinte d’émotion sincère, il fallait bien passer à la musique. Et le choix de Diego Matheuz de donner en première partie la sombre suite tirée du ballet Roméo et Juliette de Prokofiev prenait tout son sens…
On sait que Roméo et Juliette représente l'un des points culminants de l'œuvre de Prokofiev, et si son éblouissante musique qui fait danser l'amour avec la mort a inspiré par la suite tant de chorégraphes c'est parce qu'elle exprime tout simplement des sentiments universels et éternels, représente de façon directe le drame, tout en traduisant la vérité psychologique de personnages profondément émouvants.
Des trois Suites que Prokofiev a lui-même tirées de son ballet Roméo et Juliette (1935) l’année suivant sa composition, le vénézuélien Diego Matheuz a sélectionné celles qui sont sans doute les onze pièces les plus célèbres pour les agencer dans l’ordre du livret. Sans surprise, son Prokofiev, est profond, voire austère, plus sombre que brillant. Pas de surenchère expressive ni de précipitation flamboyante, mais une volonté de prendre son temps pour mettre en valeur le pathos naturel de cette histoire ou le travail d’orchestration. L’on a apprécié la large palette de sonorités, entre plénitude («Montaigu et Capulets», «Scène du balcon») et verdeur («Masques»), ce soin constant apporté à la caractérisation des personnages, puis cette âpre progression, au fur et à mesure du drame, qui gagne en poésie («Roméo auprès de Juliette avant leur séparation») pour s’achever sur un déchirant «Roméo au tombeau de Juliette».
Atmosphère plus détendue en seconde partie, avec le diabolique Concerto en sol de Maurice Ravel qui, sous le piano virtuose de Jean-Efflam Bavouzet prenait soudain une dimension inconnue.
Ecrit après la Première Guerre mondiale où Ravel servit comme soldat, ce Concerto porte les traits noirs de l’épreuve, car sarcastique, désarticulé mais aussi tendrement recueilli. On y décèle l’influence du jazz, des hommages non dissimulés à Mozart ou Saint-Saëns.
Le coup du lapin de l'ouverture laisse présager le feu d'artifice de virtuosité à suivre dans le dialogue effervescent entre le piano dynamique et les vents dans l'Andantino-Allegretto. Mais le réel sommet du concerto réside dans les deux derniers mouvements, dont les rebondissements fantastiques font croître l'inquiétude à chaque minute. Match nul donc !
On s’attendait à une rencontre explosive entre phalange et soliste, nous n’avons pas été déçus.
Le jeu totalement libre, le piano large et translucide, précis et éthéré de Jean-Efflam vous transportent de joie. Le chant l’emporte indubitablement dans l’Adagio assai, d’une belle coulée. Le legato ? Souverain en diable…
Dans la course infernale du presto, le soliste et la phalange se livrent un duel sans merci, mais, finalement, c’est le piano qui remporte cette folle poursuite. Pour le plus grand bonheur de l’auditoire. En bis, le sympathique artiste nous offrira deux courtes pièces de Massenet et Debussy.
Tel un feu d’artifice gorgé de lumières psychédéliques, la courte Rhapsodie « Huapango » du mexicain José Pablo Moncayo concluait le concert. Sept minutes de flamboyance folklorique, de dépaysement garanti, de joie, de liesse populaire, mais à la savante écriture, gorgée de soleil, avec la complicité amusée et virtuose de Diego Matheuz et du Philarmonique de Monte-Carlo, heureux comme un poisson dans l’eau, en goguette presque, après les pages sévères de Ravel et Prokofiev.
Christian Colombeau
On sait que Roméo et Juliette représente l'un des points culminants de l'œuvre de Prokofiev, et si son éblouissante musique qui fait danser l'amour avec la mort a inspiré par la suite tant de chorégraphes c'est parce qu'elle exprime tout simplement des sentiments universels et éternels, représente de façon directe le drame, tout en traduisant la vérité psychologique de personnages profondément émouvants.
Des trois Suites que Prokofiev a lui-même tirées de son ballet Roméo et Juliette (1935) l’année suivant sa composition, le vénézuélien Diego Matheuz a sélectionné celles qui sont sans doute les onze pièces les plus célèbres pour les agencer dans l’ordre du livret. Sans surprise, son Prokofiev, est profond, voire austère, plus sombre que brillant. Pas de surenchère expressive ni de précipitation flamboyante, mais une volonté de prendre son temps pour mettre en valeur le pathos naturel de cette histoire ou le travail d’orchestration. L’on a apprécié la large palette de sonorités, entre plénitude («Montaigu et Capulets», «Scène du balcon») et verdeur («Masques»), ce soin constant apporté à la caractérisation des personnages, puis cette âpre progression, au fur et à mesure du drame, qui gagne en poésie («Roméo auprès de Juliette avant leur séparation») pour s’achever sur un déchirant «Roméo au tombeau de Juliette».
Atmosphère plus détendue en seconde partie, avec le diabolique Concerto en sol de Maurice Ravel qui, sous le piano virtuose de Jean-Efflam Bavouzet prenait soudain une dimension inconnue.
Ecrit après la Première Guerre mondiale où Ravel servit comme soldat, ce Concerto porte les traits noirs de l’épreuve, car sarcastique, désarticulé mais aussi tendrement recueilli. On y décèle l’influence du jazz, des hommages non dissimulés à Mozart ou Saint-Saëns.
Le coup du lapin de l'ouverture laisse présager le feu d'artifice de virtuosité à suivre dans le dialogue effervescent entre le piano dynamique et les vents dans l'Andantino-Allegretto. Mais le réel sommet du concerto réside dans les deux derniers mouvements, dont les rebondissements fantastiques font croître l'inquiétude à chaque minute. Match nul donc !
On s’attendait à une rencontre explosive entre phalange et soliste, nous n’avons pas été déçus.
Le jeu totalement libre, le piano large et translucide, précis et éthéré de Jean-Efflam vous transportent de joie. Le chant l’emporte indubitablement dans l’Adagio assai, d’une belle coulée. Le legato ? Souverain en diable…
Dans la course infernale du presto, le soliste et la phalange se livrent un duel sans merci, mais, finalement, c’est le piano qui remporte cette folle poursuite. Pour le plus grand bonheur de l’auditoire. En bis, le sympathique artiste nous offrira deux courtes pièces de Massenet et Debussy.
Tel un feu d’artifice gorgé de lumières psychédéliques, la courte Rhapsodie « Huapango » du mexicain José Pablo Moncayo concluait le concert. Sept minutes de flamboyance folklorique, de dépaysement garanti, de joie, de liesse populaire, mais à la savante écriture, gorgée de soleil, avec la complicité amusée et virtuose de Diego Matheuz et du Philarmonique de Monte-Carlo, heureux comme un poisson dans l’eau, en goguette presque, après les pages sévères de Ravel et Prokofiev.
Christian Colombeau