Sérignan (34). Le Retour. 29 jan. 2023 → jan. 2024. Œuvres du Centre national des arts plastiques (Cnap)

En dialogue avec la collection du Musée régional d’art contemporain Occitanie / Pyrénées-Méditerranée (Mrac).
Avec des œuvres de : Laëtitia Badaut Haussmann, Elisabeth Ballet, Bernard Bazile, Abdelkader Benchamma, Linus Bill + Adrien Horni, Jean-François Boclé, Bruno Botella, Andrea Büttner, Nina Childress, Anne-Lise Coste, Robert Crumb, Dado, Nicolas Deshayes, Studio GGSV, Anthea Hamilton, Lubaina Himid, Judith Hopf, David Horvitz, Pierre Joseph, Özgür Kar, Cécile Noguès, Nathalie du Pasquier, Jim Shaw, Achraf Touloub, Caroline Tschumi, Nora Turato, Yuyan Wang.


Le Retour. Sous le lit. Au placard. Dans le miroir. Ils reviennent.

Anthea Hamilton, Peacock, mousse, impression numérique sur coton, jean, anneau en acier, 150 x 270 x 4 cm - Slanted Tartan
À rebours des expositions thématiques ou de l’apparente neutralité des accrochages de collections muséales, Le Retour s’organise comme un délire paranoïaque, un cauchemar ou un trip : à partir d’une lacune centrale. On ne saura pas pour qui, pour quoi, ronflent les tambours hollywoodiens du titre. Cette histoire n’a cependant « rien de personnel ». Pour paraphraser Jim Shaw, un des artistes de l’exposition, nous espérons que ce que nous faisons à partir de nos rêves ne dépend pas de nous.

Les œuvres rassemblées sont, par certains aspects, familières. Beaucoup tirent leur matière du quotidien, de l’univers domestique et commercial. Elles se nourrissent de la surproduction contemporaine de clichés et de choses. Plusieurs s’ingénient à détourner, voire à saboter la façon dont les images circulent dans les tuyaux numériques. L’exposition s’ouvre ainsi sur un film de Yuyan Wang, One thousand and one attempts to be an ocean (2020) monté à partir de centaines de séquences vidéo Youtube oddly satisfying /étrangement satisfaisantes – des scies qui se révèlent, à la longue, moins inoffensives qu’il n’y parait. Ce qui persiste, c’est leur étrangeté, inquiétante évidemment. On assiste, hypnotisé·e·s, à « l’évolution du surréalisme en tant que force révolutionnaire œuvrant à l’intérieur d’un truc publicitaire » – pour dévoyer à nouveau les propos de Jim Shaw.

À travers le ressac des images et la glu des objets, Le Retour laisse sourdre souvenirs, peurs et désirs, à peine sont-ils refoulés que les revoilà. Au rayon symptômes et transferts, on trouve toute la panoplie clinique : fétiche, doppelgänger, fixette libidinale, terreur de l’autre et surtout, beaucoup de mélancolie. Aucune des œuvres rassemblées ne témoigne pourtant de complaisance pour le tourment intérieur du sujet. L’ironie est un garde-fou. Sous des titres trop explicites pour être honnêtes, les œuvres Mood Disorder, de David Horvitz, ou Death, d’Ozgür Kar, se révèlent narquoises à souhait. Ainsi nous interpelle le squelette soliloquant mis en boite par le second : « Hey ! Hey, toi là ! Es-tu naïf ? N’est-ce pas une question effrayante ? ».

Sous les surfaces séduisantes – LED et glaçures – tout est en réalité corrompu, tendancieux, joyeusement dysfonctionnel : peinture et pixels se contaminent, le papier peint pare le white cube, les sculptures sont molles, voire flaccides. Les œuvres réunies pour Le Retour n’en finissent pas de taquiner les grands préceptes modernistes, la pureté du médium et tout le tralala. Au-delà d’art, c’est d’élan vital dont il s’agit. Les stratégies d’hybridation, le désir de transmutation semblent courir d’une pièce à l’autre : artiste-oiseau, homme-femme-ordinateur, bidet-fesse. Échapper à la forme figée, à la catégorie, apparaît comme une stratégie de résistance face à une réalité aliénante. Ni régression, ni retraite : Le Retour tente un pas de côté.

Cette exposition de collections est le nouvel épisode d’une série en cours : la longue complicité qui lie le Cnap et le Mrac. Une nouvelle sélection d’œuvres issues du fonds national d’art contemporain, pour la plupart acquises tout récemment, viennent prendre leur quartier dans les salles du musée, en dialogue avec la collection régionale, pour une année. Les vingt-neuf artistes ainsi réunis, de toutes générations, travaillent en Europe – pour la moitié en France – et aux États-Unis. Beaucoup d’œuvres sont présentées pour la première fois en France et/ou dans un contexte muséal.

Pierre Tilman Les Îles flottantes - 29 jan. 2023 → 21 mai 2023

Pierre Tilman, Un coup de D., 1983, sérigraphie et pièces de Diamino sur bois, 48 x 48 cm - Mrac Occitanie. Photo JC Lett.
Commissariat: Clément Nouet.

Au carrefour de la poésie et des arts plastiques, le travail visuel de Pierre Tilman prend corps à travers divers médiums. Le dessin, la photographie, l’édition, ou encore le collage et la récupération d’objets donnent aux mots une dimension matérielle qui bouscule les acceptions. Amoureux des mots, des sons et des formes, il pense son œuvre comme un grand jeu de combinaisons multiples.

« Quand on travaille avec l’écriture et les images, on en revient sans cesse aux mêmes deux directions qui se croisent : le poids des mots, le choc des images. Mais comme la poésie a la tête dans les nuages, il s’agit ici du poids léger des mots et du choc léger des images. Mais, comme la poésie a les pieds sur la terre, et même dans la boue, il s’agit ici de force de matière, de couleurs. Tout se joue en permanence entre les mots du langage et les formes de la peinture et du dessin, entre ce qui se perçoit mentalement et ce qui se touche matériellement. » Pierre Tilman

Pierre Tilman (né en 1944 à Salernes, France) est un artiste plasticien, écrivain, critique, historien d’art et poète français, qui vit et travaille à Sète.
À la suite d’études de Littérature, l’artiste fonde la revue « Chorus » en 1968 avec Franck Venaille, Daniel Biga, Claude Delmas et Jean-Pierre Le Boul’ch et collabore avec de nombreux artistes partageant son amour de la création et des mots ; notamment Robert Filliou, Jacques Monory, Ben, Gérard Fromanger, Christian Boltanski, Annette Messager ou encore Jean-Pierre Raynaud.
Il publie plusieurs recueils de poèmes avant de donner une nouvelle dimension à son travail dans les années 2000. C’est alors que les mots se matérialisent, prennent forme dans l’espace et se dotent d’une présence bien réelle. Éternel joueur, Pierre Tilman manipule et bricole sans complexe les mots, les signes et les sonorités.

Info+

Mrac Occitanie
146 Avenue de la Plage 34410 Sérignan

HORAIRES
Septembre → juin : du mardi au vendredi,
10h-18h et le week-end, 13h-18h.
Juillet → août : du mardi au vendredi,
11h-19h et le week-end, 13h-19h.
Fermé les lundis et les jours fériés.

TARIFS
Normal: 5€. Réduit: 3€.

Pierre Aimar
Mis en ligne le Lundi 23 Janvier 2023 à 23:07 | Lu 129 fois
Pierre Aimar
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