Studio Blumenfeld New York, 1941–1960, Musée Niepce, Chalon-sur-Saône, 16 juin au 16 septembre 2012

C’est aux États-Unis, après-guerre, dans un contexte de croissance, d’effervescence d’une presse en plein essor, que l’activité d’Erwin Blumenfeld [1897-1969] se déploie, enjouée, inventive et personnelle. Vogue, Harper’s Bazaar, Collier’s, Cosmopolitan, Life, Look, tous les grands magazines de mode américains vont faire appel pendant plus de 15 ans au photographe, qu’Alexandre Liberman qualifie, admiratif, de « plus graphique et le plus enraciné dans les beaux-arts ».


Erwin Blumenfeld Rage for color Look du 15 octobre 1958
Pour cette exposition, les plans-films du photographe, majoritairement dégradés soixante ans après, ont été restaurés par le laboratoire du musée Nicéphore Niépce. Pour redonner aux images leurs couleurs d’origine, un travail de reconstitution numérique des couleurs a été effectué.

Composée de près de cent tirages modernes, d’extraits de presse originaux et de tirages vintage noir et blanc, l’exposition montrera la réalité méconnue de ce fonds d’atelier photographique de mode et de publicité.
Trois ans après son arrivée à New York, Erwin Blumenfeld est en 1944, le photographe le plus célèbre de sa profession. D’après le New York Times, il est le « grand leader de la photographie imaginative », et le mieux payé ! Cette réussite apparemment exemplaire prouve, s’il en est nécessaire, que la photographie d’après-guerre alliait création et contraintes économiques.
Cette notoriété américaine, Erwin Blumenfeld la doit à ses photographies de mode et publicitaires, qu’il réalise à New York pendant les années 1940-1960, dans son studio situé au 222 Central Park South, mais aussi à son image d’européen cultivé : cette manière si particulière de doter la photographie de « capacités d’absorption et d’amour de l’art » [Harper’s Bazaar, 1941].
Si la biographie européenne d’Erwin Blumenfeld est connue 2 – l’errance d’un créateur, juif berlinois d’origine, son séjour à Amsterdam [1930], son expérience fondatrice des avantgardes parisiennes –, on sait peu de choses sur la période américaine et les activités de l’atelier New-Yorkais.
Contrairement à l’idée reçue, c’est dès 1936 qu’il se lance dans la photographie de mode. Après sa fuite de la France occupée [1941] et son installation américaine, la mode va devenir son activité professionnelle principale. Il est aussitôt engagé par Harper’s Bazaar, avant d’entamer une longue collaboration avec Vogue.

Cette période marque une rupture indéniable dans la carrière d’Erwin Blumenfeld, contraint pour un temps de brider ses élans créatifs.
Le photographe européen, proche des avant-gardes, en quête d’une exploration du médium, prend la posture du professionnel de studio soumis à la commande et aux objectifs commerciaux. Autre réalité de la prise de vue, désormais une séance nécessite entre 10 et 40 expositions différentes, à la chambre 20 x 25, un dispositif subtil d’éclairages, de maquillage, de décors, d’accessoires, qu’Erwin Blumenfeld contrôle et met en place lui-même.
Tiraillé entre son désir de s’exprimer en tant qu’artiste et la réalité économique, Erwin Blumenfeld dit cependant être persuadé de pouvoir faire entrer « l’art en contrebande » dans le commerce. Les relations de confiance nouées avant-guerre avec les directeurs artistiques du magazine Vu, Alexandre Brodovitch et Alexandre Liberman, vont lui laisser cependant quelques espaces de liberté et de création. Ce qui n’est pas si simple quand produits de beauté, vêtements et accessoires, constituent l’ordinaire de la production du studio. La photographie de mode est en plein essor et les magazines prospèrent dans une Amérique enrichie par l’économie de guerre et affichant fièrement ses valeurs. Les budgets publicitaires, le nombre de commandes et le niveau de rémunération des photographes augmentent de concert.

Mais, insatisfait, orgueilleux et quelque peu sarcastique, Erwin Blumenfeld s’empare de la pauvreté du cahier des charges pour mieux la dynamiter par de multiples références. Il n’hésite pas à puiser dans son stock d’images fétiches, dans l’histoire de l’art, dans les nouveautés techniques, pour mieux masquer la banalité du produit. Il sait aussi plus simplement s’appuyer sur ses qualités graphiques, sur son intérêt pour la forme vestimentaire et sur sa fascination pour le corps féminin pour rendre compte non seulement d’une texture ou d’une coupe mais aussi des potentialités géométriques et colorées de la mode féminine.

Mais bien que cette période américaine ait fait la réputation d’Erwin Blumenfeld, elle s’avère finalement paradoxale, nostalgique et gaie, féconde et répétitive, inventive et madrée ! Elle restera avant tout dans l’oeuvre comme le moment de la découverte, de la fascination et de la mise en valeur de la couleur. Intrigué, attiré par ce nouveau langage, encouragé par Vogue, Erwin Blumenfeld va rapidement jouer avec le Kodachrome. Il trouve là le moyen de citer les grands peintres, ses références, Manet, Vermeer… Provocateur aussi, il se plaît à prendre le contre-pied des conventions par des mises en scène d’un kitsh provocateur, en faisant le choix de couleurs inattendues, aux limites du bon goût, participant à fonder par cette transgression, l’identité colorée de son pays d’adoption.

Pratique

Musée Nicéphore Niépce
28 quai des messageries
71100 Chalon-sur-Saône
03 85 48 41 98
03 85 48 63 20 / fax
contact@museeniepce.com
www.museeniepce.com

tous les jours sauf le mardi et les jours fériés
9 h 30 ... 11 h 45
14 h ... 17 h 45
Juillet / Août
10 h ... 18 h
Entrée libre

Pierre Aimar
Mis en ligne le Jeudi 24 Mai 2012 à 22:59 | Lu 697 fois
Pierre Aimar
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