The Tender Land, d'Aaron Copland, théâtre de la Croix-Rousse, du 1er au 9 février 2014

Après une première création en mars 2010 avec l’Opéra de Lyon, Jean Lacornerie reprend cet opéra d’Aaron Copland dans une nouvelle production, sous la direction musicale de Philippe Forget, avec l’orchestre et les solistes du Studio de l’Opéra de Lyon.


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Inspiré par une série de portraits du photographe Walker Evans dans le livre de l’écrivain William Agee Louons maintenant les grands hommes, Aaron Copland signe avec The Tender Land (1954) la composition de son premier opéra.

Il situe l’action aux Etats-Unis, lors de la grande Dépression, période durant laquelle des milliers de paysans ruinés cherchent à lutter contre un avenir sans espoir. Parmi eux, la famille Moss place ses attentes en leur jeune fille Laurie, qui, elle, n’aspire qu’à sa liberté...

Sur scène, en complicité avec Emilie Valantin, Jean Lacornerie prend le parti de dérouler l’action à une échelle réduite. Aussi, les personnages prennent vie au moyen de marionnettes actionnées par les chanteurs et évoluent dans des paysages miniatures évoquant l’ouest américain.

Notes d'intention

Copland attendit d’avoir plus de cinquante ans pour écrire son opéra. « L’envie d’écrire un opéra, disait-il, doit être si forte que poussé par une nécessité profonde, vous ne pouvez résister à la tentation de le faire ». Il a cherché pendant longtemps cette nécessité chez un librettiste mais ses contacts avec Arthur Miller ou Thornton Wilder n’ont rien donné.

La lecture du livre de l’écrivain William Agee et du photographe Walker Evans Louons maintenant les grands hommes le bouleverse. Dans ce livre, les deux jeunes artistes rapportent l’expérience qu’ils ont choisi de mener pendant les années 30 : partager la vie de trois familles de métayers en Alabama jetées dans la misère par la grande crise économique. La forme du livre est d’avant garde, elle met en regard le texte très lyrique d’Agee avec les photos implacables d’Evans.

Copland décide finalement de travailler à partir du livre d’Evans et Agee avec son ami et compagnon Erik Johns comme librettiste. Ce sera le point de départ de cet opéra que Copland rêvait d’écrire : comment deux hommes (Agee et Evans) ont fait irruption dans le cercle d’une famille rurale. Johns imagine alors deux personnages très différents, non pas deux artistes, mais deux vagabonds venant de la ville, qui vont bouleverser le monde clos d’une ferme isolée au fond le l’Alabama.

L’ouvrage oppose deux façons de vivre le rêve américain de la terre promise (qui en ces temps de crise ne promet plus que la misère). D’un côté, les métayers qui s’accrochent à leur exploitation avec l’espoir de s’élever dans l’échelle sociale grâce à leur fille Laurie. Ils se sont sacrifiés pour qu’elle puisse aller à l’école, elle sera la première de la famille à obtenir un diplôme. De l’autre, les vagabonds qui sont sur la route, à la manière d’un Kerouac, pour vivre leur pauvreté en toute liberté. Le drame se nouera quand la jeune fille choisira elle aussi de partir sur les chemins. .../...

Jérôme Robins, le chorégraphe de West Side Story, fut le metteur en scène de la création. C’était le choix de Copland. J’y vois une indication forte à quitter la banalité du réalisme pour donner à voir sur la scène le mouvement intérieur de ces personnages, leurs frustrations, leurs espoirs, leurs désirs.

La source de cet opéra est donc picturale et non pas dramatique. La musique qui va en découler sera elle aussi picturale. Avec de grands gestes musicaux, Copland va peindre les vastes étendues de l’Ouest américain. Il est le musicien de L’Ouest américain qu’il a magnifiquement dépeint dans son ballet Billy The Kid ou bien dans ses partitions pour le cinéma (il a remporté l’Oscar pour l’Héritière de William Wyler). Il réussit le tour de force de traduire en musique le climat des paysages de campagne d’un Edward Hopper. Le matériau musical utilisé par Copland puise dans le folklore américain ce qui tend à rapprocher l’ouvrage du théâtre musical plus que du grand opéra. Son intention était de trouver une forme de déclamation qui puisse être chantée de manière « naturelle » par de jeunes chanteurs américains.

La musique peut aussi peindre un paysage intérieur. Copland excellera à figurer celui de ces femmes dont Evans a fait le portrait. On pourrait traduire le titre The Tender Land par cette notion de paysage intérieur, « la terre tendre » qui se cache dans les replis du coeur de cette mère dure, « la terre tendre » qui ne demande qu’à être foulée dans celui de la fille. Le monde que décrit Copland est avare de mot, c’est un monde où l’on se tait. La force des sentiments intérieurs n’en est que plus grande, plus dévastatrice. Copland peut donner libre cours à un lyrisme grandiose qui donne à ses personnages la dimension de héros tragiques dans leur dignité. Le sujet de l’opéra devient universel par sa simplicité : comment un enfant doit quitter ses parents pour vivre et se construire par lui-même. »
Jean Lacornerie

Informations pratiques

Opéra en 2 actes, 1954
Composition Aaron Copland. Version de chambre pour treize instruments de Murry Slidin
Livret Erik Johns
Direction musicale Philippe Forget
Mise en scène Jean Lacornerie
Avec
Lucy Schaufer, Odile Bertotto, Stephen Owen
Orchestre de l’Opéra de Lyon - Solistes et choeurs du Studio de l’Opéra de Lyon
Scénographie Bruno de Lavenère
Chorégraphie Thomas Stache
Costumes Robin Chemin
Lumières Bruno Marsol
Marionnettes Émilie Valantin
Chef des Choeurs Alan Woodbridge
Vidéo Sébastien Coupy
En anglais surtitré en français
Durée : 1h40 environ
Tout public à partir de 14 ans

Dates :
Février 2014
Sa 01, Lu 03, Ma 04, Je 06, Ve 07, Sa 08 à 20h - Di 09 à 15h

Théâtre de la Croix-Rousse
Place Joannes-Ambre
69004 Lyon
infos@croix-rousse.com
tél : 04 72 07 49 50

Pierre Aimar
Mis en ligne le Mercredi 15 Janvier 2014 à 12:00 | Lu 312 fois
Pierre Aimar
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