Traces, fragments d'une Tunisie contemporaine, 1er volet, Exposition au Fort Saint Jean (MUCEM), Marseille, du 13 mai au 28 septembre 2015

Cette exposition collective en deux volets nous donne à voir quelques aspects de la création artistique tunisienne actuelle, axée sur l'image : photographie, art vidéo, création numérique, en partant à la fois des traces du passé colonial et des événements qui ont récemment bouleversé le pays.


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Elle souhaite surtout montrer comment la révolution esthétique a précédé la révolution politique en instaurant en quelque sorte une institution symbolique du vide.

Six artistes qui témoignent d'une quête d'Histoire ou de paysages abolis sont donc présentés jusqu'au 28 Septembre 2015 dans ce premier volet de l'exposition qui s'ouvre sur les plaques de verre d'un des premiers photographes tunisiens Abdelhak El Ouertani, formé par les frères Lumière en 1892, des photos rares de l'intérieur des mosquées de Tunis et des madrasas dont l'accès était interdit aux chrétiens.

Parmi les travaux contemporains, on peut voir ensuite la vidéo de la plasticienne Souad Mani en quête d'un paysage qui se métamorphose à différents moments de la journée dans les gradations chromatiques d'un bleu profond. Les photos brodées des années trente de Héla Ammar utilisent le fil rouge contre les images de l'oppression coloniale ou la même broderie rouge pour faire rentrer l'énergie d'hier dans les combats d'aujourd'hui.

La vidéo de onze minutes d'Ismaïl Bahri, « Film », représente un rouleau de papier reproduisant des fragments d'articles de journaux se déroulant avec lenteur pour évoquer la technique japonaise des origamis qui se déplient, posés sur une surface liquide, un jeu qui plaisait d'ailleurs au narrateur de « Du côté de chez Swann ».
Dans sa série « Merci, Monsieur le Président », Fakhri El Ghezal photographie les traces de l'absence avec les portraits de Bouguiba et de Ben Ali renversés, jetés au sol, enlevés de leur cadre, des portraits officiels qu'on trouvait reproduits partout dans l'espace public, et qui laissent place maintenant à la vacuité du pouvoir.

Quant à Zied Ben Romdhane, ses photos de l'oasis de Gabès, un matin de juillet de Ramadan, nous parlent de la dévastation faite à la nature par des industries polluantes, et du camp de réfugiés de Choucha à la frontière de la Tunisie, images d'un reportage réalisé pendant la guerre de Libye.

Dans l'ensemble, Fragments 1 nous donne une image inattendue de la Tunisie, très éloignée des prospectus publicitaires, des guides touristiques ou du Club Med, et le visiteur peut même trouver étonnante la scénographie des cimaises, grands espaces vides. C'est à dessein, nous disent les commissaires Thierry Fabre et Sana Tamzini, car la question de la fragilité des traces, dont le pouvoir est de s'effacer et de se détruire, a servi ici de fil conducteur pour construire l'exposition.

Son deuxième volet sera présenté du 4 Novembre 2015 au 26 Février 2016.
Un catalogue original des éditions "Le bec en l'air", reproduisant les entretiens donnés par les artistes pour expliquer le sens de leurs travaux, est en vente à la librairie du MUCEM au prix de 16 Euros.
Philippe Oualid

Traces, fragments d'une Tunisie contemporaine, 1er volet
Exposition au Fort Saint Jean (MUCEM), Marseille
Bâtiment G. H. Rivière
13 Mai-28 Septembre 2015

Pierre Aimar
Mis en ligne le Lundi 18 Mai 2015 à 18:38 | Lu 413 fois
Pierre Aimar
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