Pour bien commencer l'année...
Donizetti pour les Fêtes de fin d’année en lieu et place des traditionnels Lehar ou Offenbach ? Et pourquoi pas ? Le courageux et sympathique Maurice Xiberras a frappé encore un grand coup en montant cet Elixir. Comment ? Dans la simplicité, la bonne humeur… et l’originalité.
Deuxième Joker, L’Elixir d’Amour de ce bon vieux Gaetano compte au nombre de ces œuvres qui conviennent idéalement au talent d’Arnaud Bernard.
Cet homme de théâtre sait conférer à tous ces personnages une vie intérieure, une individualité, une vitalité vraiment étonnante.
Son spectacle (dans des décors et costumes à la lumineuse naïveté poétique de William Orlandi qui savent allier l’efficacité à la beauté) n’a certes rien de révolutionnaire – et c’est tant mieux ! – mais fourmille d’idées savoureuses et irrésistibles dans son aspect cinématographique avec ralentis, gros plans et arrêts sur images.
Solistes et chœurs jouent avec un plaisir évident des rôles dont on a dû leur montrer tout le potentiel dramatique, avec un aplomb réjouissant.
Pas une once d’ennui dans ce show acrobatique, en perpétuel mouvement, ce musical avant la lettre, qui tire l’ouvrage nuancé, délicat et un tantinet sado-masochiste du bergamasque vers l’opérette.
On se plait à le redire. Ici le rire est proche des larmes, Donizetti illustrant et inaugurant de belle manière en 1832 l’esthétique de l’opéra semiseria sur un livret des plus charmants, des plus réussis de Felice Romani.
Une approche dramatique aussi différenciée de chaque rôle a comme un effet libérateur sur les chanteurs qui font tous preuve, en plus de leurs qualités d’acteurs, d’un abatage vocal étonnant, même pour les plus anciens.
Inva Mulla, quelques moissons plus ou moins bonnes au compteur, incarne avec un métier en béton, une Adina coquette en diable, mais toujours consciente de son jeu.
L’aigu est libre de toute impureté, la vocalise bien dégagée et la mutinerie irrésistible de son accent rieur, ensoleillée à souhait. En prime une sensualité, une grâce de grande classe.
Son partenaire Paolo Fanale trouve en Nemorino l’emploi suprême (celui de ses presque débuts) pour faire valoir son art.
La voix est assez puissante et souple pour évoquer la « larme furtive », l’élégante pudeur du phrasé, l’intensité juvénile d’un timbre supérieurement travaillé achevant de mettre dans sa poche un public survolté.
Le charlatan Dulcamara restera toujours un personnage ridicule, grotesque, parfois même un tantinet vulgaire. Paolo Bordogna, malgré un début entre gris clair et gris foncé, le campe avec finesse, drôlerie et une ligne vocale alliant aisance et brio.
Armando Noguera apparaîtra soudain un Belcore moins brillant qu’à l’ordinaire. Là aussi, une belle qualité de phrasé, mais la voix, après un air d’entrée plus que discutable, malgré des attaques au scalpel, reste un peu impersonnelle pour faire du personnage un rival dangereux au benêt Nemorino.
Au côté de l’exquise, la délicieuse, la cristalline, la mutine, la piquante Giannetta de Jennifer Michel (vraie adversaire à sa patronne pour connaisseur du beau sexe, comme disait mon voisin de droite et qui donne un punch vocal irrésistible et inouï à son personnage), le chœur, comme à l’accoutumée, plaît par son engagement aussi bien dramatique que vocal.
Dans la fosse, Roberto Rizzi Brignoli retrouve avec cette œuvre un répertoire qui lui convient admirablement.
Il excelle à trouver le juste équilibre entre la faconde irrésistible et l’attendrissante élégie.
Le trait reste constamment incisif mais jamais brutal ou précipité. Quand la romance larmoie un peu trop, une rigueur rythmique bienvenue sauve l’ensemble de la banalité.
En conclusion, un breuvage à déguster sans modération. Pour bien commencer l’année, les marseillais, et les autres, savent ce qu’il leur reste à faire…
Christian Colombeau
Deuxième Joker, L’Elixir d’Amour de ce bon vieux Gaetano compte au nombre de ces œuvres qui conviennent idéalement au talent d’Arnaud Bernard.
Cet homme de théâtre sait conférer à tous ces personnages une vie intérieure, une individualité, une vitalité vraiment étonnante.
Son spectacle (dans des décors et costumes à la lumineuse naïveté poétique de William Orlandi qui savent allier l’efficacité à la beauté) n’a certes rien de révolutionnaire – et c’est tant mieux ! – mais fourmille d’idées savoureuses et irrésistibles dans son aspect cinématographique avec ralentis, gros plans et arrêts sur images.
Solistes et chœurs jouent avec un plaisir évident des rôles dont on a dû leur montrer tout le potentiel dramatique, avec un aplomb réjouissant.
Pas une once d’ennui dans ce show acrobatique, en perpétuel mouvement, ce musical avant la lettre, qui tire l’ouvrage nuancé, délicat et un tantinet sado-masochiste du bergamasque vers l’opérette.
On se plait à le redire. Ici le rire est proche des larmes, Donizetti illustrant et inaugurant de belle manière en 1832 l’esthétique de l’opéra semiseria sur un livret des plus charmants, des plus réussis de Felice Romani.
Une approche dramatique aussi différenciée de chaque rôle a comme un effet libérateur sur les chanteurs qui font tous preuve, en plus de leurs qualités d’acteurs, d’un abatage vocal étonnant, même pour les plus anciens.
Inva Mulla, quelques moissons plus ou moins bonnes au compteur, incarne avec un métier en béton, une Adina coquette en diable, mais toujours consciente de son jeu.
L’aigu est libre de toute impureté, la vocalise bien dégagée et la mutinerie irrésistible de son accent rieur, ensoleillée à souhait. En prime une sensualité, une grâce de grande classe.
Son partenaire Paolo Fanale trouve en Nemorino l’emploi suprême (celui de ses presque débuts) pour faire valoir son art.
La voix est assez puissante et souple pour évoquer la « larme furtive », l’élégante pudeur du phrasé, l’intensité juvénile d’un timbre supérieurement travaillé achevant de mettre dans sa poche un public survolté.
Le charlatan Dulcamara restera toujours un personnage ridicule, grotesque, parfois même un tantinet vulgaire. Paolo Bordogna, malgré un début entre gris clair et gris foncé, le campe avec finesse, drôlerie et une ligne vocale alliant aisance et brio.
Armando Noguera apparaîtra soudain un Belcore moins brillant qu’à l’ordinaire. Là aussi, une belle qualité de phrasé, mais la voix, après un air d’entrée plus que discutable, malgré des attaques au scalpel, reste un peu impersonnelle pour faire du personnage un rival dangereux au benêt Nemorino.
Au côté de l’exquise, la délicieuse, la cristalline, la mutine, la piquante Giannetta de Jennifer Michel (vraie adversaire à sa patronne pour connaisseur du beau sexe, comme disait mon voisin de droite et qui donne un punch vocal irrésistible et inouï à son personnage), le chœur, comme à l’accoutumée, plaît par son engagement aussi bien dramatique que vocal.
Dans la fosse, Roberto Rizzi Brignoli retrouve avec cette œuvre un répertoire qui lui convient admirablement.
Il excelle à trouver le juste équilibre entre la faconde irrésistible et l’attendrissante élégie.
Le trait reste constamment incisif mais jamais brutal ou précipité. Quand la romance larmoie un peu trop, une rigueur rythmique bienvenue sauve l’ensemble de la banalité.
En conclusion, un breuvage à déguster sans modération. Pour bien commencer l’année, les marseillais, et les autres, savent ce qu’il leur reste à faire…
Christian Colombeau