Vif (38), ouverture du Musée Champollion, aux origines de l’égyptologie

Le Département de l’Isère ouvrira début juin 2021* son 11e musée départemental à Vif, au sud de Grenoble. Installée dans l’ancienne propriété familiale des Champollion, la nouvelle institution rendra hommage aux deux illustres frères.
* sous réserve de la réouverture des musées


Début juin 2021, les visiteurs découvriront à Vif l’exceptionnel destin des frères Champollion.

Le domaine dans lequel ils ont séjourné au 19e siècle conserve leur mémoire : les ombrages sous lesquels ils se promenaient, les décors intérieurs de la maison de maître qu’ils ont connus, les objets personnels qu’ils y ont laissé, peintures, objets d’art, mobilier, notes de travail.
Il s’agit d’une collection de savants, de chercheurs. Autant de témoignages préservés par les descendants de Jacques-Joseph
Champollion-Figeac, frère aîné du déchiffreur des hiéroglyphes, et aujourd’hui par le Département de l’Isère.
Pour penser ce projet, nous sommes revenus à l’identité même, très forte, de ce site. Son essence, c’est celle d’une maison des champs, au pied du Vercors, au coeur de la nature. C’est celle d’une maison familiale, transmise de génération en génération. C’était un lieu de vie pour les Champollion, un lieu de repos, un lieu d’étude aussi, en témoigne la petite chambre de Champollion, conservée au 2e étage de la maison de maître.
Ce que nous avons choisi d’exposer dans le musée, afin de respecter l’esprit des lieux, c’est une histoire sensible.

Nous serons chez les Champollion-Figeac, au 19e siècle, en présence des frères Champollion dans un lieu qui fut cher à leur coeur, et nous approcherons leur intimité. Nous suivrons leur démarche de chercheur, leurs carrières et leurs destins exceptionnels. Et depuis Vif en passant par Paris, nous nous laisserons guider jusqu’en Égypte. Nous découvrirons l’histoire d’un rêve, d’une fascination, et la naissance de leur temps d’une discipline qui passionne mais est souvent méconnue : l’égyptologie.
Cette histoire sensible que nous raconterons se fonde sur un travail scientifique que nous avons mené, au Département de l’Isère avec l’équipe du musée et un comité scientifique composé d’historiens, d’historiens de l’art et d’égyptologues et de représentants de grands musées comme le musée du Louvre.
Aymeric Perroy
Directeur de la Culture et du Patrimoine, Département de l’Isère
Caroline Dugand
Conservatrice du Musée Champollion, Département de l’Isère

Sous les ombrages de Vif, le domaine « Les Champollion »

La maison de maître, 2004. © Département de l’Isère / Musée Champollion
Le domaine « Les Champollion » est conservé par les descendants du frère aîné de l’égyptologue, Jacques-Joseph Champollion-Figeac jusqu’à son achat, en 2001 par le Département de l’Isère. En acquérant la propriété et de nombreux effets personnels, objets et échanges épistolaires de l’égyptologue et de son frère aîné, la collectivité s’engage à perpétuer l’oeuvre de mémoire de la famille en préservant le domaine et en l’ouvrant à terme au public.

Face à l’état de dégradation de la maison Champollion et pour en assurer sa sauvegarde et sa valorisation, le Président du Département Jean-Pierre Barbier annonce en octobre 2016 la création d’un musée.
Un ensemble unique et des collections exceptionnelles justifient cet engagement fort de la collectivité. Le domaine est composé d’une maison bourgeoise, de dépendances et d’un vaste parc de 2,5 hectares.
Protégée au titre des Monuments historiques, la propriété témoigne des séjours dauphinois des deux frères. Tout en ces lieux signale leur présence et entretient leur souvenir : les ombrages du parc qu’ils appréciaient, la maison de maître et ses décors intérieurs, le mobilier, les objets d’art et les effets personnels des deux hommes, conservés par les descendants.

Le 11e musée départemental
Ce projet de création s’inscrit dans la politique culturelle volontariste du Département de l’Isère, qui compte en effet le plus grands réseaux de musées départementaux de France (selon Aymeric). Le Musée Champollion, qui a obtenu en 2020 l’appellation Musée de France, rejoint ainsi le réseau des 10 musées départementaux déjà ouverts au public en Isère, dont l’accès est gratuit pour tous. Dans le paysage muséal et patrimonial isérois, dans le circuit des maisons de personnalités déjà ouvertes au public (Hector Berlioz, Ernest Hébert, Aristide Bergès), un tel projet est de nature à remplir une haute mission culturelle, tout en participant à l’attractivité du sud-Isère. L’institution contribuera aux missions partagées par le réseau des musées sur une thématique originale, jusqu’alors absente des musées départementaux : l’égyptologie, et rayonnera bien au-delà des frontières de l’Isère. Il s’appuie pour cela sur des partenariats nationaux et internationaux à long terme, avec de grands musées, tel le musée du Louvre et des universités.

Les frères Champollion

Jacques-Joseph Champollion-Figeac, vers 1800 et Jean-François Champollion, vers 1830. © Département de l’Isère / Musée Champollion
Le domaine "Les Champollion" à Vif conserve le souvenir des frères Champollion : Jean-François Champollion (1790-1832), l’égyptologue et Jacques-Joseph Champollion-Figeac (1778-1867), son frère aîné, également intellectuel de renom, archéologue, journaliste, bibliothécaire et professeur d’université.

L’Isère terre de coeur
Les deux frères naissent à Figeac, dans le Quercy, mais ils possèdent de fortes attaches dauphinoises. Jeune adulte, l’aîné, Jacques-Joseph, s’installe à Grenoble, berceau de sa famille paternelle. Il y fait rapidement venir son cadet et supervise ses études. En 1807, il épouse Zoé Berriat. La famille qu’il fonde apprécie les moments passés dans la maison des champs de Vif, propriété des Berriat depuis 1778.

En Dauphiné se développe entre les deux frères une relation fusionnelle qui ne se tarira jamais.
Jacques-Joseph est le parrain attentif de Jean- François, de 12 ans son cadet. La maison de Vif devient le lieu des retrouvailles familiales et le point d’attache. Elle demeure aujourd’hui l’endroit où cette amitié fraternelle exceptionnelle a laissé le plus de traces.

En raison de sa carrière grenobloise de professeur d’histoire et de chercheur, Champollion le Jeune passe de nombreux séjours à Vif jusqu’en 1826. Il aime sa vie provinciale : « À Grenoble je suis connu, j’ai des amis, une réputation […]. Je ferai ici et peut-être mieux qu’à Paris les travaux que j’ai projetés. ». Dans sa chambre au second étage de la maison de Vif, l’égyptologue consacre de longues heures à l’étude de la civilisation égyptienne et des hiéroglyphes : en témoignent les trois cartouches hiéroglyphiques tracés de sa main sur la poutre de cette petite chambre.

Deux carrières brillantes

Jacques-Joseph Champollion-Figeac (1778-1867)
Bibliophile féru d’antiquité, Jacques-Joseph devient professeur de littérature grecque puis conservateur en chef de la bibliothèque de Grenoble, avant de s’installer à Paris au service du secrétaire perpétuel de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres.
Parallèlement à sa carrière, il veille à celle de son frère. En 1822, celui-ci fait irruption chez lui en criant « Je tiens mon affaire ! ». Ils rédigent ensemble l’essentiel de la célèbre Lettre à M. Dacier, qui consacrera Jean-François déchiffreur des hiéroglyphes.
En 1832, la mort de son frère le frappe durement. Il entreprend alors de faire vivre son oeuvre. Il poursuit sa carrière comme conservateur de la Bibliothèque royale ainsi que comme professeur de paléographie à l’école des Chartes. Elle s’achève à la bibliothèque du Palais impérial de Fontainebleau où il s’éteint en 1867.

Jean-François Champollion (1790-1832)
Après une première formation à l’École centrale (ensuite Lycée impérial) de Grenoble, Jean-François suit un cursus de linguiste à Paris. Sa passion pour les langues orientales lui ouvre la porte de la civilisation égyptienne. De retour en Dauphiné en 1809, il est nommé bibliothécaire-adjoint à la Bibliothèque de Grenoble et professeur-adjoint d’histoire avant de rejoindre son frère à Paris.
Simultanément, il étudie l’Égypte antique et travaille au déchiffrement des hiéroglyphes. En 1822, il a la confirmation que le système qu’il élabore depuis quinze ans commence à fonctionner : progressivement, l’Égypte millénaire parle enfin !
En 1826, il est nommé conservateur de la nouvelle section d’Antiquités égyptiennes du Musée Charles X (futur musée du Louvre), où il crée un parcours novateur. Deux ans plus tard, il prend la tête d’une expédition chargée de relever les inscriptions de la vallée du Nil. À son retour, il est élu à l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres et une chaire d’égyptologie est créée pour lui au Collège de France. Son décès prématuré à l’âge de 41 ans laisse son ouvrage inachevé. Jacques-Joseph, indéfectible soutien, fait publier à titre posthume ses oeuvres fondamentales.

Le concept muséal : les frères Champollion aux origines de l’égyptologie

Pierre-François Lehoux, Ramsès II sur son char, début du 19e s., lithographie extraite des Monuments de l’Égypte et de la Nubie. © Département de l’Isère / Musée Champollion
Le concept original du Musée Champollion se résume ainsi : « Les Champollion, aux origines de l’égyptologie. Un parfum de science et d’Orient au pied du Vercors »
Trois axes structurent ce concept : la complémentarité des deux frères Champollion, leur travail de recherche et leur apport à la naissance de l’égyptologie.

Deux hommes et un mythe
Le musée traitera des deux frères Champollion. Derrière l’image de l’égyptologue bien connue du grand public, apparaît une réalité plus contrastée. Jacques-Joseph, aîné, père de substitution, mentor et protecteur, a joué un rôle fondamental aux côtés du jeune Jean-François. Le parcours met en valeur cette complémentarité et complicité fraternelle. Le Musée Champollion sera le seul lieu en France exclusivement dédié aux deux frères Champollion.

Des vies de chercheurs
Les carrières des deux frères Champollion permettent d’illustrer la recherche, plus spécifiquement au 19e siècle. Leur vie entière éclaire la démarche et le parcours d’un chercheur : l’apprentissage et l’émulation, le recours aux sources, la confrontation et l’approche transdisciplinaire, la transmission. Cette orientation a une signification toute particulière à Grenoble où réside une forte communauté scientifique.

Aux origines de l’égyptologie
Les travaux de Champollion et l’apport fondamental du déchiffrement sont l’aboutissement de siècles de questionnement et de recherches afin de faire parler une civilisation muette. À travers le parcours des frères Champollion, le musée indique les jalons fondateurs qui ont mené à la création d’une science, l’égyptologie, et à la redécouverte d’une civilisation antique. L’Égypte devient la mère des civilisations, supplantant l’antiquité gréco-romaine, provoquant un mouvement dans les arts et un basculement des références.
Ces trois axes structurent le Projet scientifique et culturel (PSC) du musée. Ils ouvrent le champ de la programmation culturelle et des expositions temporaires.
Suite à la présentation de ce PSC au Ministère de la Culture, le Musée Champollion a obtenu l’appellation « Musée de France » le 20 février 2020.
Ce label national, gage de qualité, salue la cohérence scientifique du projet porté par le Département, les collections d’intérêt public majeur conservées au sein du musée, ainsi que la volonté d’ouvrir un lieu largement accessible à tous les publics.

Des collections exceptionnelles au coeur du projet

Statuette du dieu Ptah-Sokar-Osiris, Basse Époque (664-332 av. J.-C.), bois peint. © Musée du Louvre, Dist. RMN-Grand Palais / Georges Poncet
Au sein de la maison de maître, dans laquelle ont séjourné au 19e siècle les frères Champollion, ont été conservés décors intérieurs, objets personnels et notes de travail. Plus de 200 objets et ouvrages du fonds Champollion y seront présentés.

Dans l’intimité des frères Champollion
Au rez-de-chaussée, un salon et une salle à manger avec boiseries, cheminée, mobilier et galerie de portraits rappellent les réunions familiales. Au dernier niveau de la maison se trouve la petite chambre qu’occupait Jean-François lors de ses séjours et la bibliothèque attenante.
Parmi les objets personnels de Jean-François Champollion figurent des pièces exceptionnelles tels que sa bible hébraïque, le bureau à gradin en acajou intimement lié au déchiffrement des hiéroglyphes, ou encore la tenue égyptienne portée lors de l’expédition menée en 1828-1829. Des estampages de la pierre de Rosette annotés de sa main, traces majeures de son oeuvre, ainsi que de nombreux documents, témoignent de son long travail de recherche.

Un fonds savant du 19e siècle
Le fonds rend tangible l’activité de chercheur des deux frères. Il comprend, entres autres, deux épreuves de la Préface historique de la Description de l’Égypte dont Bonaparte avait confié la rédaction à Joseph Fourier, secondé par Jacques-Joseph.
La fameuse bibliothèque des Champollion-Figeac comprend 1100 ouvrages des 16e au 19e siècles intéressant l’histoire, l’épigraphie, l’Égypte et les premières recherches de déchiffrement des hiéroglyphes.
Les archives de Jacques-Joseph Champollion-Figeac ont été acquises en 2001 avec la propriété. Conservés aux Archives départementales de l’Isère, ces 60 volumes, en grande partie inédits, comprennent des échanges épistolaires entre les deux Champollion et avec les savants de leur temps. Ils constituent une source archivistique de premier ordre pour documenter la relation fraternelle et les recherches liées au déchiffrement.

Des acquisitions importantes
Afin d’enrichir le fonds initial, le Département de l’Isère procède régulièrement à des acquisitions.
L’oeuvre de F.-M. Testard, Les scientifiques de la campagne d’Égypte devant le temple de Dendéra, rare représentation peinte des scientifiques de l’expédition menée par Bonaparte en Égypte, a été acquise grâce à une procédure exceptionnelle de préemption. Pièce maitresse du parcours permanent, elle permet d’évoquer l’égyptologie naissante à l’aube du 19e siècle.
Plusieurs publications remarquables ont également intégré récemment les collections du musée, notamment un exemplaire du Précis du système hiéroglyphique des anciens Égyptiens, publié par Jean-François Champollion en 1828. Cet ouvrage fondamental dans la compréhension du système hiéroglyphique est agrémenté d’une rare dédicace manuscrite de Jean-François Champollion au roi Charles X.

Info+

Musée Champollion
45 rue Champollion
38450 VIF

04 57 58 88 50
musee-champollion@isere.fr
musees.isere.fr

Ouverture début juin 2021 (sous réserve de la réouverture des musées)
Entrée gratuite

Situation géographique
En Isère, à une vingtaine de kilomètres au sud de Grenoble.

Pierre Aimar
Mis en ligne le Jeudi 29 Avril 2021 à 23:04 | Lu 522 fois
Pierre Aimar
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