Voyage en Orient, de Pierre Loti à Nan Goldin, Galerie d’art du Conseil général, Aix-en-Provence, du 7 octobre au 9 janvier 2012

Par tradition, la France a toujours eu le goût de l’exotisme, d’une mixité culturelle, d’une fascination pour la culture de l’Autre, cet étranger oriental ou arabe qui pendant des siècles a cultivé le fait de recevoir le voyageur comme un art de vivre à part entière avec un raffinement poussé à son paroxysme.
Les plus grands artistes ne s’y trompèrent pas, de Delacroix à Matisse, tous furent fascinés par les couleurs des souks et des foundouks, l’élégance de l’architecture des mosquées, des jardins ombragés et paradisiaques, la dignité des femmes drapées dans des tissus mystérieux et des hommes au port de tête rehaussé par des turbans bleu nuit ou d’un blanc étincelant.


Pierre Loti dans son salon marocain à Rocherfort, Album de photographies, 1890-1920, photographie sépia. Collection privée
« Tous les parfums d’Arabie ne rendraient pas suave cette petite main ! » Lady Macbeth William Shakespeare

« Il faut bien qu’il se soit joué là-bas un acte inoubliable de cette féérie noire qui a été ma vie, pour que je m’inquiète ainsi de la pensée d’y retourner ; pour que tout ce qui en vient, un mot tartare qui me revient en tête, une arme d’Orient, une étoffe turque, un parfum, aussitôt me replonge dans une rêverie d’exilé ou réapparaît Stamboul ! Et ce n’est pas par simple fantaisie d’art non plus, qu’ici mon appartement ressemble à une demeure orientale qui, par sortilège, se serait incrustée au milieu de ma chère maison héréditaire, avec ses arceaux dentelés, ses broderies d’or archaïques et ses chaux blanches. » Pierre Loti, Fantôme d’Orient, 1892

L’exposition, Voyage en Orient, entend restituer cette fascination. Dans le microcosme de la galerie du Conseil général, quatre sections vont reconstituer toutes ces images de l’Orient tel un kaléidoscope de visions fantasmées ou réelles. La Provence ayant entretenu une longue histoire avec les pays arabes et le Moyen-Orient, des collections inconnues du public seront associées à des oeuvres plus célèbres. Ainsi, le fond de l’association des amis de Pierre Loti, fondée en 1933 à côté d’Avignon par Fernand Laplaud, présentera pour la première fois des documents inédits sur cet infatigable « globe trotter » qui entretenait une relation passionnelle et quasi charnelle avec l’Orient, du Bosphore au Maroc, de l’Erythrée aux plateaux désertiques entourant la Mecque.

Une collection privée provenant de Gardanne fera découvrir des objets rares et précieux, bijoux, ustensiles, livres enluminés…, où l’art décoratif est poussé à son paroxysme dans une culture de l’Islam où contrairement à la religion chrétienne, l’image, celle du Prophète, est interdite.

Donc par extension, celle de tout être vivant représenté est jugée iconoclaste. D’où le goût immodéré des arabesques et des moucharabiés, des volutes et des calligraphies en broderies et aux décors infiniment renouvelés.

A travers des oeuvres de maîtres du XIXe siècle et du début du XXe siècle, on comprendra comment est né cet Orientalisme, mouvement aux répercussions si denses dans l’art de vivre en Europe. Des oeuvres sur papier de Delacroix et de Matisse confirmeront l’influence de la Méditerranée, soit avec des images fortes rappelant des scènes atemporelles, tel le modèle féminin devenant une esclave pour une étude de Sardanapale, alors que le maître des papiers découpés sera davantage attiré par un simple bouquet de fleurs de jasmin, le feston d’une casbah lui inspirant des expérimentations picturales futures.

Un lit turc de harem doré en fer forgé du début du XIXe siècle aux portes ornées de croissants de lune donnera une ambiance de langueur, de « luxe, calme et volupté », entouré de peintures de la fin du XIXe siècle de femmes au bain et accompagné d’un magnifique film tourné dans un hammam par l’artiste anglaise Tacita Dean. Plus loin, dans un univers plus viril, de sublimes photographies de Nan Goldin présentent son amant égyptien, Jabalowe, endormi ou en bateau sur le Nil, côtoieront des clichés chez un coiffeur turc de l’italien Maloberti, et des images anciennes d’un quotidien oublié où la tolérance était encore de mise, images en noir et blanc conservées à la Bibliothèque nationale de France.

Dans une section plus contemporaine, les oeuvres engagées de Mona Hatoum originaire du Liban se confronteront aux images implacables de l’iranienne Shirin Neshat, toutes deux féministes engagées et révolutionnaires avant l’heure. Enfin, à côté des vidéos de Douglas Gordon tournées aux portes de Marrakech avec des charmeurs de serpents et de scorpions, deux oeuvres teintées d’espoir et d’optimisme irradieront cette exposition ; une installation vidéo de Charles Sandison où des milliers de mots calligraphiés en arabe se transforment en mains qui s’unissent à jamais, alors qu’Idriss Khan a photographié sur une même plaque argentique toutes les pages du Coran. Ces pages se superposent en traçant une immense partition sublime où, dans ce feuilleté visuel, on ne devine plus que la beauté des mots divins insufflés à jamais par le Prophète ; mots que l’on se récite de génération en génération, depuis des siècles, des rives du Nil au sud du Yémen, de l’Atlas des Berbères à la Bande de Gaza…

Commissaire d’exposition : Eric Mézil, directeur de la collection Lambert

Pratique

Galerie d’art du Conseil général
Hôtel de Castillon
21 bis cours Mirabeau
13100 Aix-en-Provence
Tél. : 04 13 31 50 70
Fax : 04 42 27 54 23
www.culture-13.fr/presse

Horaires: du mardi au dimanche
9h30 – 13h / 14h – 18h
Entrée libre
Visites gratuites et guidées sur rendez-vous

Pierre Aimar
Mis en ligne le Mercredi 28 Septembre 2011 à 01:20 | Lu 1519 fois
Pierre Aimar
Dans la même rubrique :