9° à l'ombre, et Embrassons-nous Folleville !, d'Eugène Labiche, mise en scène de Pierre Pradinas, au Théâtre Toursky les 15 et 16 Avril 2011. Critique de Philippe Oualid

En choisissant de monter deux courtes pièces de Labiche, étrangères au Second Empire, l'une de 1873, l'autre de 1850, Pierre Pradinas dit avoir d'abord pensé aux courts-métrages de Chaplin, puis choisi de confronter deux registres inhabituels de dérision dans l'oeuvre du dramaturge :


Romane Bohringer © Marion-Stalens
une pièce qui se passe en extérieur, à la campagne, chez des bourgeois parvenus, style « poudre aux yeux », et une pièce en costumes d'époque qui se déroule sous Louis XV, dans un XVIIIe siècle de pacotille.
Dans la première pièce, le thème du mari jaloux et poltron (M.Pomadour), féroce mais en paroles seulement, est ancien. Molière l'a traité dans Sganarelle, dont le héros, cocu imaginaire, oscille entre la colère et la prudence.Dans la seconde pièce, l'embrasseur infatigable, Manicamp, appartient à la famille des amis trop insistants, irascibles, qui « prennent facilement la mouche ». Quand il n'embrasse pas, il tire l'épée ou fait voler vases et vaisselle en éclats, comme sa fille.
La distribution est la même pour les deux pièces. Dans 29° à l'ombre, Romane Bohringer (Mme Pomadour) subit les assauts amoureux d'Adolphe (Thierry Gimenez) avec une rouerie de bourgeoise parvenue qui fait semblant de s'offusquer pour embarrasser son mari (Gérard Chaillou). Dans Embrassons-nous, Folleville, le marquis de Manicamp et sa fille Berthe (Thierry Gimenez et Romane Bohringer) jouent sur un registre burlesque leurs rôles de personnages emportés, courroucés, tandis que les futurs gendres rivaux, Folleville, celui qui n'aime pas sa promise (Matthieu Rozé), et Chatenay, celui qui la désire (Gabor Rassov), multiplient les apartés, les gesticulations et les grimaces risibles en direction du public. La partie vaudeville, chantée avec entrain en play-back, n'est pas toujours du meilleur goût, relevant du style comédie musicale de la star académy et non d'Offenbach.
En revanche, l'ingénieuse scénographie d'Orazio Trotta et Pierre Pradinas, avec son écran de cinéma céleste ou son plateau qui se soulève comme un pont-levis entre les deux pièces, nous rappelle que les fabliaux du Moyen-Age et les films burlesques américains peuvent toujours faire bon ménage quand il s'agit de donner droit de cité aux vaudevilles farcesques de Labiche.
Philippe Oualid

9° à l'ombre, et Embrassons-nous Folleville!, d'Eugène Labiche.
Mise en scène de Pierre Pradinas (CDN du Limousin)
Théâtre Toursky (Marseille), 15-16 Avril 2011.

Pierre Aimar
Mis en ligne le Dimanche 17 Avril 2011 à 00:25 | Lu 943 fois
Pierre Aimar
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