Quand la révolution tue ses propres enfants
Gardes républicains, étendards, piques ou charrette sanguinolente s'agitent pour annoncer, voire dénoncer, cette période terrible de notre histoire : La Terreur. Réputé pour son talent à traduire les subtiles variations du coeur, Chénier ne pouvait que devenir, sous la plume parfois facile ou grossière de Giordano, le héros idéal d’un vérisme soucieux d’historicité, la victime expiatoire d’une utopie sombrant dans un bain de sang, sacrifié en pleine jeunesse sur l’autel des vicissitudes de l’Histoire.
Dans cette fresque d'une intensité renversante, les sobres et sombres décors de Dominique Pichou mais aussi les magnifiques costumes de Christian Gasc, donnent le ton de ce drame humain aux sentiments exaltés. Tous les artistes du choeur (simplement parfaits) incarnant soit les invités ou le bas peuple sont fardés de blancs, comme à moitié morts, fossilisés, selon la volonté de Claire Servais qui trouve sur le ring phocéen une liberté d’aise qu’on cherchait en vain sur la scène du Palais Garnier de Monte-Carlo la saison dernière. Ici les airs révolutionnaires scandent habilement chaque acte. On entend au loin, dans les coulisses : « Les aristocrates, on les aura ! » ou bien « Dansons la Carmagnole ! »… même la Marseillaise passe, fantomatique…
Mais, le maître mot de la vie, dans cet opéra, c'est l'Amour. Andrea et Madeleine en témoignent dans des airs et des duos électrisants. La montée à la guillotine vous cloue sur place. Quand la révolution tue ses propres fils, à ce niveau là, on en redemande.
Superbe interprétation d’Irène Cerboncini, faisant de Madeleine une héroïne au grand coeur, amante timide puis volontaire, fraîche, émouvante. Zoran Todorovitch dans le rôle titre, passé un premier acte handicapé par une forte grippe, est, en deuxième partie d'une force éblouissante, d’un sex-appeal irrésistible. Le personnage de Gérard est grandiose. Porte-parole des plus faibles (il décide de jeter sa livrée de laquais au premier acte, au second voilà un homme dangereux qui se sert de son pouvoir pour poursuivre Madeleine dont il est amoureux) il n'hésitera pas à prendre la défense d' Andréa au tribunal révolutionnaire puis à s’effacer pour mieux réunir les amants qui marcheront ensemble à la mort. Marco di Felice s’y montre exemplaire par la simple couleur de sa voix unique, ses aigus radieux et une intelligence dramatique de tous les instants.
Satisfecit global pour les nombreux petits rôles où les vétérans (Corazza, Gabelle, Castel, Grünewald…) côtoient la génération montante, bien en place (Heyboer, Abrahamnyan…).
En quelques coups de baguette, Fabrizio Maria Carminati efface tout ce qui a été dit jusqu’à présent. Avec roublardise, le Directeur artistique des Arènes de Vérone mène sans emphase mais avec efficacité ce bal mortuaire.
Christian Colombeau
2 octobre 2010
Dans cette fresque d'une intensité renversante, les sobres et sombres décors de Dominique Pichou mais aussi les magnifiques costumes de Christian Gasc, donnent le ton de ce drame humain aux sentiments exaltés. Tous les artistes du choeur (simplement parfaits) incarnant soit les invités ou le bas peuple sont fardés de blancs, comme à moitié morts, fossilisés, selon la volonté de Claire Servais qui trouve sur le ring phocéen une liberté d’aise qu’on cherchait en vain sur la scène du Palais Garnier de Monte-Carlo la saison dernière. Ici les airs révolutionnaires scandent habilement chaque acte. On entend au loin, dans les coulisses : « Les aristocrates, on les aura ! » ou bien « Dansons la Carmagnole ! »… même la Marseillaise passe, fantomatique…
Mais, le maître mot de la vie, dans cet opéra, c'est l'Amour. Andrea et Madeleine en témoignent dans des airs et des duos électrisants. La montée à la guillotine vous cloue sur place. Quand la révolution tue ses propres fils, à ce niveau là, on en redemande.
Superbe interprétation d’Irène Cerboncini, faisant de Madeleine une héroïne au grand coeur, amante timide puis volontaire, fraîche, émouvante. Zoran Todorovitch dans le rôle titre, passé un premier acte handicapé par une forte grippe, est, en deuxième partie d'une force éblouissante, d’un sex-appeal irrésistible. Le personnage de Gérard est grandiose. Porte-parole des plus faibles (il décide de jeter sa livrée de laquais au premier acte, au second voilà un homme dangereux qui se sert de son pouvoir pour poursuivre Madeleine dont il est amoureux) il n'hésitera pas à prendre la défense d' Andréa au tribunal révolutionnaire puis à s’effacer pour mieux réunir les amants qui marcheront ensemble à la mort. Marco di Felice s’y montre exemplaire par la simple couleur de sa voix unique, ses aigus radieux et une intelligence dramatique de tous les instants.
Satisfecit global pour les nombreux petits rôles où les vétérans (Corazza, Gabelle, Castel, Grünewald…) côtoient la génération montante, bien en place (Heyboer, Abrahamnyan…).
En quelques coups de baguette, Fabrizio Maria Carminati efface tout ce qui a été dit jusqu’à présent. Avec roublardise, le Directeur artistique des Arènes de Vérone mène sans emphase mais avec efficacité ce bal mortuaire.
Christian Colombeau
2 octobre 2010