Dans Double Points : Extremalism, les danseurs du BNM célèbrent le génie « extrême » de Marseille, la folie libertaire de la ville au son d'une Marseillaise chantée par Mireille Mathieu, et devant des photos des cités populaires des Quartiers Nord, de l'Alcazar du Cours Belsunce, de l'escalier de la gare Saint-Charles, du Vieux-Port ou de Notre Dame de la Garde.
Sur pointes ou demi-pointes, le bras gauche verticalement levé, le port de tête glorieux, les paumes des mains ouvertes tendues vers le public, les douze danseurs exécutent le plus souvent un défilé de corps de ballet, ou rendent hommage au style des chorégraphies de Maurice Béjart ou de Roland Petit, si présents dans la mémoire des Marseillais, sur les rythmes trépidants des Pink Floyd. Revêtus par la suite de costumes trouvés dans les magasins du ballet, vestes de pages , de toreros, tutus romantiques, ils célèbrent, comme ce gigantesque Chien fidèle en peluche apparu côté jardin, une certaine mémoire des pas classiques et en tirent une vitalité qui émeut intensément le public au final, tout particulièrement lorsqu'ils s'échappent, comme des précieux ridicules imbus d'eux-mêmes, par la salle ou le fond du plateau ouvert par un machiniste sur la rue Lulli dans son éclairage nocturne. Cris de surprise, bravos, ovation interminable !
Après l'entracte, Orphée-Project 1, première partie du mythe d'Orphée revisité par Frédéric Flamand, nous plonge dans l'atmosphère sophistiquée des ballets de Pina Bausch ou de Bob Wilson, inspirés par l'opéra de Gluck dont la version complète avec orchestre et chœurs sera présentée, fin 2013, à l'Opéra de Marseille.
Les extraits présentés au cours de cette soirée, sur la musique enregistrée, concernent le désespoir d'Orphée, les secours d'Amour, et le projet de descente aux Enfers. Mais le mythe est resitué par Frédéric Flamand, comme dans ses précédents spectacles, dans le contexte d'une mégapole où s'affairent de jeunes technocrates employés de banque, tandis que les ombres des morts évoluent dans l'atmosphère idyllique d'un jardin japonais.
La scénographie du plasticien belge Hans Op de Beeck développe à dessein un climat plus onirique axé sur des vidéos cocasses, très trompe-l'œil : carrés de sucres ou bouteilles de plastique agrandies figurant des maquettes de buildings projetées sur des écrans transparents déplacés par les danseurs.
Le ballet proprement dit fait alterner mouvements d'ensemble accélérés, avec entrée fracassante de golden boys sur des tours en l'air, des figures acrobatiques, genre poirier, et solos au ralenti d'un Orphée dédoublé en costume blanc lumineux dans le monde réel (Christian Novopalovski), en costume noir de sombre désespéré dans le monde infernal (Thibault Amanieu), tandis qu'Eurydice (Valeria Vellei) semble figée derrière les miroirs, assise dans une mystérieuse immobilité. Amour (Ji-Young Lee) en costume argenté, entraîne en revanche l'Orphée Réel dans une valse langoureuse...
Cette version inachevée du mythe ne donne pas à voir l'épisode principal du drame d'Orphée condamné à perdre Eurydice définitivement sur le chemin rocailleux des Enfers pour avoir transgressé l'ordre des Dieux souterrains de ne jamais se retourner pour la contempler. Elle déleste aussi le musicien de sa lyre ou de sa cithare et inscrit le phénomène de la danse, drapé de sublime, dans les images grises d'un univers virtuel violemment dérisoire. A Marseille où l'on pouvait rencontrer ce soir-là, quelques nostalgiques de Cocteau et d'Anouilh, ce dernier avatar du mythe d'Orphée n'a laissé personne indifférent.
Philippe Oualid
Sur pointes ou demi-pointes, le bras gauche verticalement levé, le port de tête glorieux, les paumes des mains ouvertes tendues vers le public, les douze danseurs exécutent le plus souvent un défilé de corps de ballet, ou rendent hommage au style des chorégraphies de Maurice Béjart ou de Roland Petit, si présents dans la mémoire des Marseillais, sur les rythmes trépidants des Pink Floyd. Revêtus par la suite de costumes trouvés dans les magasins du ballet, vestes de pages , de toreros, tutus romantiques, ils célèbrent, comme ce gigantesque Chien fidèle en peluche apparu côté jardin, une certaine mémoire des pas classiques et en tirent une vitalité qui émeut intensément le public au final, tout particulièrement lorsqu'ils s'échappent, comme des précieux ridicules imbus d'eux-mêmes, par la salle ou le fond du plateau ouvert par un machiniste sur la rue Lulli dans son éclairage nocturne. Cris de surprise, bravos, ovation interminable !
Après l'entracte, Orphée-Project 1, première partie du mythe d'Orphée revisité par Frédéric Flamand, nous plonge dans l'atmosphère sophistiquée des ballets de Pina Bausch ou de Bob Wilson, inspirés par l'opéra de Gluck dont la version complète avec orchestre et chœurs sera présentée, fin 2013, à l'Opéra de Marseille.
Les extraits présentés au cours de cette soirée, sur la musique enregistrée, concernent le désespoir d'Orphée, les secours d'Amour, et le projet de descente aux Enfers. Mais le mythe est resitué par Frédéric Flamand, comme dans ses précédents spectacles, dans le contexte d'une mégapole où s'affairent de jeunes technocrates employés de banque, tandis que les ombres des morts évoluent dans l'atmosphère idyllique d'un jardin japonais.
La scénographie du plasticien belge Hans Op de Beeck développe à dessein un climat plus onirique axé sur des vidéos cocasses, très trompe-l'œil : carrés de sucres ou bouteilles de plastique agrandies figurant des maquettes de buildings projetées sur des écrans transparents déplacés par les danseurs.
Le ballet proprement dit fait alterner mouvements d'ensemble accélérés, avec entrée fracassante de golden boys sur des tours en l'air, des figures acrobatiques, genre poirier, et solos au ralenti d'un Orphée dédoublé en costume blanc lumineux dans le monde réel (Christian Novopalovski), en costume noir de sombre désespéré dans le monde infernal (Thibault Amanieu), tandis qu'Eurydice (Valeria Vellei) semble figée derrière les miroirs, assise dans une mystérieuse immobilité. Amour (Ji-Young Lee) en costume argenté, entraîne en revanche l'Orphée Réel dans une valse langoureuse...
Cette version inachevée du mythe ne donne pas à voir l'épisode principal du drame d'Orphée condamné à perdre Eurydice définitivement sur le chemin rocailleux des Enfers pour avoir transgressé l'ordre des Dieux souterrains de ne jamais se retourner pour la contempler. Elle déleste aussi le musicien de sa lyre ou de sa cithare et inscrit le phénomène de la danse, drapé de sublime, dans les images grises d'un univers virtuel violemment dérisoire. A Marseille où l'on pouvait rencontrer ce soir-là, quelques nostalgiques de Cocteau et d'Anouilh, ce dernier avatar du mythe d'Orphée n'a laissé personne indifférent.
Philippe Oualid