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Batsheva Dance Company (Tel-Aviv, Israël) : Sadeh 21 et Deca Dance, Festival de Marseille, au Silo, 2 et 3 Juillet 2013, par Philippe Oualid

Grâce à la Batsheva Dance Company, programmée pour la première fois à Marseille, c'est toute l'inventivité de la nouvelle danse israélienne que le Festival nous permet de découvrir en programmant Sadeh 21, une création 2011, et Deca Dance(1992-2008), une décennie de créations de son chorégraphe Ohad Naharin, né en 1952 dans le Kibboutz de Mizra.


Sadeh 21 Batsheva Dance Cie © Gadi Dagon
Sadeh 21 Batsheva Dance Cie © Gadi Dagon
Ce dernier a en effet hérité en 1990 d'une maison fondée en 1964 par la baronne Bethsabée de Rothschild pour Martha Graham, l'illustre pionnière de la modern dance américaine, et a su donner un nouveau souffle à la danse israélienne, longtemps inspirée par son histoire tragique ou folklorique, en imposant un style qui se fait l'écho des interrogations métaphysiques auxquelles sont confrontés internationalement les jeunes d'aujourd'hui.

Avec Sadeh 21 (qu'on peut traduire par :"en file indienne", ou "à la queue leu leu"), Ohad Naharin nous entraîne dans une réflexion sublime sur ses choix esthétiques, sa culture gestuelle, ses émotions devant des comportements corporels significatifs. Il le fait dans une succession de tableaux abstraits composés de solos, de duos ou d'ensembles, où la technique contraction-release, héritée de Martha Graham, combinée à des chutes en spirale, des mouvements de torsion et de rotation du buste, des pliés, des dégagés, séduit par son intensité dynamique. Entrées et sorties du plateau sereines, bien ancrées sur le réel, se transforment subitement en postures totalement déconstruites qui cherchent à établir un contact avec le sol, le corps assis ou couché, jambes écartées, semblant rebondir comme une balle.

De ce contact charnel avec le sol, les danseurs puisent une énergie nouvelle qui leur permet de se déployer dans des sauts rapides de type sissone, ou de se figer dans quelque attitude d'un superbe hiératisme. La danse de Naharin révèle ainsi le paysage intérieur contenu dans le corps et libère à chaque instant une poétique du subconscient que traduisent magnifiquement par exemple des rondes, des lignes d'hommes exécutant un rond de jambe en se tenant solidairement par les épaules, ou au final, des chutes en vrille, des plongeons, des vols planés au dessus du décor, dans les merveilleux éclairages cuivrés, verts fluorescents ou gris perle d'Avi Yona Bueno.

Moins élaboré formellement, Deca Dance relève d'un choix de pièces créées entre 1992 et 2008, extraites du répertoire de la compagnie, et constitue une sorte d'introduction au travail d'Ohad Nazarin qui a pris plaisir à déconstruire ou reconstruire certaines de ses chorégraphies. La danse se fait ici l'écho des interrogations et des dilemmes de la société contemporaine ou met l'accent sur les rapports d'attirance et de défiance vécus entre les hommes et les femmes.

Mabul et Black Milk
nous montre sur l'Hymne National israëlien, des juifs orthodoxes en crise de transe mystique, chantant à tue-tête, qui se débarrassent progressivement de leurs vêtements, puis descendent dans la salle pour inviter des spectatrices à danser un chachacha endiablé.

Zina
évoque un pas de deux baroque où l'homme tourne accroupi autour de sa compagne avant de l'étreindre ou de la porter à bout de bras.

Boléro de Ravel dont le disque se raye dans le final paroxystique, célèbre deux compagnes qui font le geste d'actionner une manivelle avant de se rapprocher à la manière de deux soeurs siamoises puis de se séparer bras ballants.

Anaphaza représente cinq guerriers, torse nu (William Barry, Matan David, Omri Drumlevitch, Bret W. Easterling, Ian Robinson), vêtus de grandes jupes blanches, qui se souillent de boue le visage et la poitrine, se livrent à quelques courses et pirouettes autour du plateau, avancent en titubant, tombent, et finissent par fixer intensément la salle.

Telophaza implique les principaux danseurs dans des danses africaines ou indiennes avant que les danseuses ne leur fassent quitter le terrain pour s'en tenir à des poses hiératiques.

Le final, Zachacha et Max, où les figures élégantes de la danse classique en défilé (chassés, glissades, pliés, détirés, pied dans la main) alternent avec des clowneries de "gaga dance", met en valeur le savoir-faire de la Batsheva Dance Company pour le plus grand plaisir du public qui les ovationne chaleureusement.
Philippe Oualid

Pierre Aimar
Mis en ligne le Jeudi 4 Juillet 2013 à 23:27 | Lu 390 fois

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