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Danse Delhi d'Ivan Viripaev Mise en scène de Galin Stoev Théâtre de la Criée, Marseille, du 5 au 9 Février 2013, par Philippe Oualid

Dans une salle d'attente d'hôpital, deux femmes, Catherine et Valéria, et un homme, Andreï, qui viennent de perdre une mère, une amie, une épouse, se disputent et se réconcilient devant une infirmière qui vient les déranger par intermittences pour leur faire signer l'acte de décès ou s'entretenir avec eux.


Sur cette trame assez mince se greffent bon nombre de réflexions sur la mort, présentée comme ce que nous avons de plus précieux dans la vie, mais aussi sur la danse dite "Delhi", danse de l'Inde du Nord, incarnée jadis par Catherine, une danse qui relève de l'expérience mystique, que l'on ne verra jamais, et qui a bouleversé émotionnellement Andreï et Valéria.

En effet, pour ce jeune dramaturge moscovite, Ivan Viripaev, "le théâtre est une forme émotionnelle du discours philosophique où les concepts doivent être plutôt ressentis qu'assimilés". Quant à sa dramaturgie, très contemporaine, elle remet en question toute l'esthétique des structures internes et externes du théâtre traditionnel avec exposition, noeud, péripéties et dénouement. Le texte est ici construit sur sept courtes pièces qui se répètent en partie comme des leitmotiv en apportant chaque fois des éléments nouveaux. Les personnages, ayant perdu la conscience du temps, promènent alors dans leur mémoire du passé des morts qui réapparaissent sans crier gare et viennent hanter leur présent, univers absurde, humoristique, onirique, où l'invraisemblance s'impose naturellement grâce à la technique du flash back véhiculée souvent par un discours incohérent qui mêle allègrement différents registres de signification.

La pièce se joue dans un décor simple et fonctionnel : une estrade blanche sur le proscenium, entourée de quelques écrans-vidéos de radioscopie télévisée qui indiquent les titres des sept parties au début de chaque acte. Galin Stoev en réalise une mise en scène lumineuse qui donne aux acteurs la possibilité de se déplacer avec élégance, de se figer brusquement en saluant le public à la fin de chaque séquence, et qui leur permet surtout d'être eux-mêmes ; ayant le type de l'emploi (comme le souhaitait par exemple Eisenstein au cinéma), de correspondre parfaitement à leur personnage en interprétant ce texte, précisément mis en voix, à la manière d'une partition musicale. On remarque à cet égard tout particulièrement les actrices franco-belges pour leurs admirables performances : Anne Cervinka (Catherine, la danseuse de Delhi), Caroline Chaniolleau (Valéria, la critique de danse classique), Valentine Gérard (l'infirmière) et Marie-Christine Orry (la mère de la danseuse, ex-danseuse elle-même).

Danse Delhi, produit par le théâtre de la Colline (Paris) et le Théâtre de La Place (Liège) est un spectacle de recherche séduisant, à mi-chemin du théâtre didactique et du théâtre de l'Absurde, qui n'attire pas les foules, mais qui réjouit tout spectateur qui veut bien réfléchir sur le genre théâtral, aujourd'hui.
Philippe Oualid

Pierre Aimar
Mis en ligne le Jeudi 7 Février 2013 à 19:51 | Lu 248 fois

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