L’esprit de troupe et l’amour du travail bien fait retrouvent tout leur sens à Monte-Carlo.
Rusalka d’Antonin Dvorak © DR
Rusalka d’Antonin Dvorak est l’histoire d’un amour impossible et d’une improbable rencontre aux pays des forêts noires et des eaux profondes. Comment s’y prendre en effet quand on est une naïade et qu’on tombe amoureuse d’un beau chevalier en chair et en os ? On prend donc conseil du Maître des Eaux, d’une sorcière d’opérette et on vole au-devant de la plus grande des déceptions… Il était une fois, un petit poisson et un petit oiseau qui s’aimaient d’amour tendre… On connait la chanson.
Et ses lettres. Très proches, l’Ondine de Jean Giraudoux compte ses écailles, trois vagues plus loin la Petite Sirène d’Andersen sur son rocher écoute, au loin, avec Mélusine, le tocsin de la Cloche Engloutie d’Hauptmann…
Au rayon bestiaire de cette poissonnerie musicale, il ne manque que le Capitaine Igloo ou Jacqueline Huet vantant les mérites des produits Vivagel !
Trêve de plaisanterie. Parmi la dizaine d’ouvrages lyriques composés par Dvorak, Rusalka occupe une place à part. Cette water music, quasi impressionniste, joue sur des couleurs glacées, fantomatiques, enveloppe les voix d’une brume angoissante et vénéneuse avec toujours ces réminiscences à l’opéra romantique fantastique.
Ce conte de fées si particulier de la culture Mitel Europa évite toute naïveté et se révèle en fait plutôt un drame musical avec une forte assise symphonique proche de la matière wagnérienne.
Pari difficile et ambitieux donc de monter cet ouvrage.
Oscillant entre magie, rêve d’enfant, naturalisme tragique, abstraction lunaire, le spectacle voulu par Dieter Kaegi et son costumier-décorateur Francis O’Connor se révèle captivant, poétique avec ces marionnettes, truffé de surprises amusantes avec cette mise en abîme du théâtre dans le théâtre, de nostalgie souvent. Les lumières d’Olaf Lundt créant un monde lacustre glauque, nauséeux, un merveilleux aquarium concentrationnaire collant parfaitement aux brasses coulées du livret. Encore une fois, à Monte-Carlo, le spectateur en prend plein les yeux, le spectacle fait l’opéra.
Dans le rôle-titre Barbara Haveman, fragile et touchante donne une dimension presque surnaturelle et morbide à son personnage et se sort avec honneur, gloire et beauté d’une partition meurtrière.
Sonore et vaillant lui aussi, très Poseidon dans ses saisissantes apparitions aqueuses, solide et autoritaire comme il sied à son titre, Alexei Tikhomirov incarne un Génie des Eaux vraiment impressionnant.
Le Prince séduisant de Maxim Aksenov casse réellement la baraque et sa flopée de si, ut et contre ut se reçoit comme un uppercut en pleine poitrine.
Relevons également la solide prestation des autres participants : la volcanique Princesse, les trois Nymphes, la Sorcière formidable de la grande Ewa Podles (qui de loin ressemble de plus en plus à la regrettée Rita Gorr), le marmiton et son tatoué de garde-forestier-machino électricien, tous d’une pertinence, d’une connivence rares… L’esprit de troupe et l’amour du travail bien fait retrouvent tout leur sens ici à Monte-Carlo.
Avec un plaisir non dissimulé, Lawrence Forster plonge sans bouées dans ce jacuzzi musical et s’attaque à la monstrueuse partition avec un sourire digne du requin des Dents de la Mer. Il dirige son monde, un Philharmonique de Monte-Carlo retrouvé, en état de grâce, avec vitalité, un réel sens des couleurs, de la nuance.
Sous sa baguette hyperlyrique, communicative, les lourdes pages du maître tchèque s’irisent de belle manière et ce diable d’homme vous fait ingurgiter ces trois heures de musique comme la meilleure des bouillabaisses praguoises.
Christian Colombeau
Et ses lettres. Très proches, l’Ondine de Jean Giraudoux compte ses écailles, trois vagues plus loin la Petite Sirène d’Andersen sur son rocher écoute, au loin, avec Mélusine, le tocsin de la Cloche Engloutie d’Hauptmann…
Au rayon bestiaire de cette poissonnerie musicale, il ne manque que le Capitaine Igloo ou Jacqueline Huet vantant les mérites des produits Vivagel !
Trêve de plaisanterie. Parmi la dizaine d’ouvrages lyriques composés par Dvorak, Rusalka occupe une place à part. Cette water music, quasi impressionniste, joue sur des couleurs glacées, fantomatiques, enveloppe les voix d’une brume angoissante et vénéneuse avec toujours ces réminiscences à l’opéra romantique fantastique.
Ce conte de fées si particulier de la culture Mitel Europa évite toute naïveté et se révèle en fait plutôt un drame musical avec une forte assise symphonique proche de la matière wagnérienne.
Pari difficile et ambitieux donc de monter cet ouvrage.
Oscillant entre magie, rêve d’enfant, naturalisme tragique, abstraction lunaire, le spectacle voulu par Dieter Kaegi et son costumier-décorateur Francis O’Connor se révèle captivant, poétique avec ces marionnettes, truffé de surprises amusantes avec cette mise en abîme du théâtre dans le théâtre, de nostalgie souvent. Les lumières d’Olaf Lundt créant un monde lacustre glauque, nauséeux, un merveilleux aquarium concentrationnaire collant parfaitement aux brasses coulées du livret. Encore une fois, à Monte-Carlo, le spectateur en prend plein les yeux, le spectacle fait l’opéra.
Dans le rôle-titre Barbara Haveman, fragile et touchante donne une dimension presque surnaturelle et morbide à son personnage et se sort avec honneur, gloire et beauté d’une partition meurtrière.
Sonore et vaillant lui aussi, très Poseidon dans ses saisissantes apparitions aqueuses, solide et autoritaire comme il sied à son titre, Alexei Tikhomirov incarne un Génie des Eaux vraiment impressionnant.
Le Prince séduisant de Maxim Aksenov casse réellement la baraque et sa flopée de si, ut et contre ut se reçoit comme un uppercut en pleine poitrine.
Relevons également la solide prestation des autres participants : la volcanique Princesse, les trois Nymphes, la Sorcière formidable de la grande Ewa Podles (qui de loin ressemble de plus en plus à la regrettée Rita Gorr), le marmiton et son tatoué de garde-forestier-machino électricien, tous d’une pertinence, d’une connivence rares… L’esprit de troupe et l’amour du travail bien fait retrouvent tout leur sens ici à Monte-Carlo.
Avec un plaisir non dissimulé, Lawrence Forster plonge sans bouées dans ce jacuzzi musical et s’attaque à la monstrueuse partition avec un sourire digne du requin des Dents de la Mer. Il dirige son monde, un Philharmonique de Monte-Carlo retrouvé, en état de grâce, avec vitalité, un réel sens des couleurs, de la nuance.
Sous sa baguette hyperlyrique, communicative, les lourdes pages du maître tchèque s’irisent de belle manière et ce diable d’homme vous fait ingurgiter ces trois heures de musique comme la meilleure des bouillabaisses praguoises.
Christian Colombeau