Un spectacle d'utilité publique
Un « Prologue » l’Or du Rhin de Richard Wagner ? Que nenni ! Un opéra à part entière oui, pour certain même, entièrement à part… Bref, un thriller violent, un dur, un vrai, un tatoué avec son livret chargé en péripéties, mouvements, trahisons, faux serments, faux semblants, rapts, meurtre fratricide. En apothéose finale une partance en villégiature sur fond d’arc en ciel gay-friendly commandé par le Monsieur Météo de la famille !
Un rififi mythologique, actualisé ici sur fond de capitalisme préconisé par Guizot, amer, désabusé, et surtout le plus difficile à faire vivre et respirer sur scène.
Entre braquages, style « touchez pas à mon grisbi », séquestration d’une pin-up divine, avec demande de rançon à la clef, ces dieux intemporels en lutte avec des humains de basse extraction restent finalement des archétypes, même si Wagner semble fouillé en ses plus secrets recoins.
« Ce qui a été volé une fois peut l’être une deuxième » susurre Loge, déité machiavélique du feu, à propos du lingot (côté en hausse à la Bourse du Walhalla) arraché par ruse aux donzelles du Rhin par le nain Albérich, puis forgé en chevalière aux milles vertus, style Bague de Ré, par ses esclaves soutiers dans une poubelle minière de fin de monde, baptisée Nibelheim.
Tous ne vont pas se gêner pour nous offrir deux heures durant, en quatre scènes trépidantes, un polar haletant, une course poursuite au pouvoir suprême, truffée d’humour, de cynisme à la louche, un tantinet bavard certes, mais où le feu d’artifice final vaut le détour.
Nous le savions déjà. Avec Jean-Louis Grinda, (secondé par ses amis Sabounghi-Jara-Castaingt) l’imagination domine, avec un spectacle de classe et d’une incontestable puissance dramatique : sens de l’espace, du rythme théâtral, maestria des lumières, hardiesse dans l’utilisation de la machinerie, effets sympathiques lors des séances d’aquagym dans le Rhin, descente aux enfers ou montée au château.
Tout cela signale la grande maîtrise d’un art, la réflexion sur celui-ci, la science suprême du théâtre. Rien ne manque à ce Rheingold hallucinant de force et de vérité, avec, en prime, la dimension de la magie, la diabolique intelligence du travail bien fait et de l’amour du métier. Une lecture qui ne cherche certainement pas un décryptage sous l’éclairage de la sociologie voire de la psychanalyse, mais une approche palpitante, à la manière d’une bédé futuriste.
Musicalement, c’est aussi la super-réussite.
Hors des sentiers wagnériens traditionnels, avec sa battue si particulière, Gian Luigi Gelmetti emporte haut la baguette le merveilleux Orchestre Philharmonique de Monte-Carlo avec des nuances chambristes d’une remarquable finesse, une transparence polyphonique qui laissent entendre toutes les richesses d’une musique surhumaine, quintessence de chef-d’œuvre supérieur.
Exceptionnel aussi le plateau que nous ne pouvons citer ici dans son intégralité.
Face à l’imposant Wotan (faux-cul en redingote qui ne consent à se salir les mains que du bout des doigts) d’Egil Silins, positivement extraordinaire de voix, d’intensité, d’expressivité, on retiendra l’Albérich de bronze de Peter Sidhom, le Loge vipérin d’Andreas Conrad et un duo de géants simplement parfait.
Toutes les dames sont superlatives. Natascha Petrinsky campe une Fricka admirable de beauté, de fierté, de vérité et l’Erda d’Elzbieta Ardam rétablit, dans son apparition, par sa voix et sa démarche la réalité et l’envoûtement de la légende. Satisfecit global avec les acrobatiques Filles du Rhin.
Ravissante enfin la Freia de Nicola Beller-Carbone, légère, aérienne, lumineuse, sorte de Jean Harlow sortie d’une toile de Botticelli, otage égarée dans une tourmente mafieuse capitaliste. La seule peut-être à y voir clair dans les magouilles de son clan et qui semble chanter toute la soirée, à coups d’œillades assassines ou complices : « famille, je vous hais ».
Vous l’avez compris. Un spectacle d’utilité publique, un monstrueux album d’images, un superbe bréviaire pyrotechnique de roublardise et vilenie.
Christian Colombeau
Un rififi mythologique, actualisé ici sur fond de capitalisme préconisé par Guizot, amer, désabusé, et surtout le plus difficile à faire vivre et respirer sur scène.
Entre braquages, style « touchez pas à mon grisbi », séquestration d’une pin-up divine, avec demande de rançon à la clef, ces dieux intemporels en lutte avec des humains de basse extraction restent finalement des archétypes, même si Wagner semble fouillé en ses plus secrets recoins.
« Ce qui a été volé une fois peut l’être une deuxième » susurre Loge, déité machiavélique du feu, à propos du lingot (côté en hausse à la Bourse du Walhalla) arraché par ruse aux donzelles du Rhin par le nain Albérich, puis forgé en chevalière aux milles vertus, style Bague de Ré, par ses esclaves soutiers dans une poubelle minière de fin de monde, baptisée Nibelheim.
Tous ne vont pas se gêner pour nous offrir deux heures durant, en quatre scènes trépidantes, un polar haletant, une course poursuite au pouvoir suprême, truffée d’humour, de cynisme à la louche, un tantinet bavard certes, mais où le feu d’artifice final vaut le détour.
Nous le savions déjà. Avec Jean-Louis Grinda, (secondé par ses amis Sabounghi-Jara-Castaingt) l’imagination domine, avec un spectacle de classe et d’une incontestable puissance dramatique : sens de l’espace, du rythme théâtral, maestria des lumières, hardiesse dans l’utilisation de la machinerie, effets sympathiques lors des séances d’aquagym dans le Rhin, descente aux enfers ou montée au château.
Tout cela signale la grande maîtrise d’un art, la réflexion sur celui-ci, la science suprême du théâtre. Rien ne manque à ce Rheingold hallucinant de force et de vérité, avec, en prime, la dimension de la magie, la diabolique intelligence du travail bien fait et de l’amour du métier. Une lecture qui ne cherche certainement pas un décryptage sous l’éclairage de la sociologie voire de la psychanalyse, mais une approche palpitante, à la manière d’une bédé futuriste.
Musicalement, c’est aussi la super-réussite.
Hors des sentiers wagnériens traditionnels, avec sa battue si particulière, Gian Luigi Gelmetti emporte haut la baguette le merveilleux Orchestre Philharmonique de Monte-Carlo avec des nuances chambristes d’une remarquable finesse, une transparence polyphonique qui laissent entendre toutes les richesses d’une musique surhumaine, quintessence de chef-d’œuvre supérieur.
Exceptionnel aussi le plateau que nous ne pouvons citer ici dans son intégralité.
Face à l’imposant Wotan (faux-cul en redingote qui ne consent à se salir les mains que du bout des doigts) d’Egil Silins, positivement extraordinaire de voix, d’intensité, d’expressivité, on retiendra l’Albérich de bronze de Peter Sidhom, le Loge vipérin d’Andreas Conrad et un duo de géants simplement parfait.
Toutes les dames sont superlatives. Natascha Petrinsky campe une Fricka admirable de beauté, de fierté, de vérité et l’Erda d’Elzbieta Ardam rétablit, dans son apparition, par sa voix et sa démarche la réalité et l’envoûtement de la légende. Satisfecit global avec les acrobatiques Filles du Rhin.
Ravissante enfin la Freia de Nicola Beller-Carbone, légère, aérienne, lumineuse, sorte de Jean Harlow sortie d’une toile de Botticelli, otage égarée dans une tourmente mafieuse capitaliste. La seule peut-être à y voir clair dans les magouilles de son clan et qui semble chanter toute la soirée, à coups d’œillades assassines ou complices : « famille, je vous hais ».
Vous l’avez compris. Un spectacle d’utilité publique, un monstrueux album d’images, un superbe bréviaire pyrotechnique de roublardise et vilenie.
Christian Colombeau