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Le Bourgeois gentilhomme, de Molière, Théâtre de la Criée, du 5 au 11 Janvier 2013, par Philippe Oualid

Représenté pour la première fois à Chambord, devant Louis XIV et sa Cour, le 14 Octobre 1670, Le Bourgeois Gentilhomme, ouvrage de commande du Roi, passe pour la plus réussie des comédies-ballets de Molière.


Le Bourgeois Gentilhomme © DR
Le Bourgeois Gentilhomme © DR
Pour évoquer la métamorphose, idéologiquement impossible, d'un roturier en aristocrate, et venger en même temps le Roi d'un affront de Soliman Aga, ambassadeur de la Sublime Porte, Molière s'emploie à fondre une comédie dans un ballet de Cour, et parvient à unir la farce d'une cérémonie turque grotesque à une comédie relevée sur le thème favori du mariage contrarié de la fille d'un bourgeois sot, rustre et maniaque Bastonade, déguisement, exotisme, parodie du discours savant, gestuelle grotesque, tous les procédés de la farce sont ici mis en œuvre pour faire naître le comique en regard d'éléments aristocratiques qui relèvent de la musique de Lully, du chant et du ballet chorégraphié par Pierre Beauchamp, maître à danser du Roi. Par ses sèmes contradictoires, Le Bourgeois Gentilhomme participe en quelque sorte de la figure rhétorique de l'oxymore.

Denis Podalydès assure la mise en scène de la pièce avec le concours d'Eric Ruf pour la scénographie d'une boutique de marchand drapier, de Christian Lacroix pour des costumes chargés de significations, et enfin de Christophe Coin pour la direction musicale. Mise en scène talentueuse des trois premiers actes, imprécise et onirique après l'entracte. Les solistes de l'ensemble Baroque de Limoges, chanteurs distingués, font merveille. On ne saurait en dire autant de la chorégraphie de Kaori Ito qui produit trois danseuses ridicules, nus pieds, dans les gavotte, sarabande, bourrée, gaillarde, canarie ou menuet qui illustraient, dans les intermèdes et ailleurs, l'art de la danse du temps.

On peut aussi reprocher à l'acteur principal, interprète du rôle de Monsieur Jourdain (Pascal Rénéric) d'en faire un peu trop vis à vis du public, pris à témoin maintes fois, pour attirer sur soi la sympathie, alors même que la mise en scène le conduit cruellement à l'aliénation totale et à une perte d'identité ridicule sur la colonne du stylite au cours de la cérémonie turque! Heureusement Madame Jourdain qui lui tient tête sans discontinuer (Emeline Bayart) lui oppose son étroit et rude bon sens. . . Quant aux autres acteurs, ils prennent un malin plaisir à faire valoir le génie incontestable de Molière dans l'interprétation intelligente de leur personnage. Devaient-ils oublier à la fin leur statut nouveau de spectateurs de la danse, et ignorer le caractère spéculaire de la pièce au cours des six entrées du Ballet des Nations qui laisse virer la pièce du Noir au Rose? C'est là une affaire qui concerne davantage les exégètes sourcilleux de la dramaturgie moliéresque que le public d'aujourd'hui qui voit ce spectacle comme un divertissement bouffon digne d'être applaudi à tout rompre.
Philippe Oualid

Le Bourgeois gentilhomme, de Molière
Mise en scène de Denis Podalydès
Production du Théâtre des Bouffes du Nord
Théâtre de la Criée, du 5 au 11 Janvier 2013

Pierre Aimar
Mis en ligne le Mardi 8 Janvier 2013 à 20:17 | Lu 416 fois

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