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Le Manteau, de Nicolaï Gogol, Théâtre Central Académique de L'Armée Russe, Théâtre Toursky, Marseille. La critique de Philippe Oualid

Le Manteau de Gogol, nouvelle de 1842, est à la source de tout le réalisme humanitaire de la littérature russe. Sous une apparence de compassion, Nicolaï Gogol déploie une grande perspicacité à regarder vivre son héros, un petit fonctionnaire ministériel de Saint-Pétersbourg, Akaki Akakievitch Bachmatchkine, qui se soumet, à force de privations, à un martyre quotidien pour rassembler l'argent nécessaire à l'achat d'un manteau neuf.


Quand son rêve se réalise, il part fêter l'événement avec ses camarades de bureau. Comme il rentre chez lui, en pleine nuit, en passant par un quartier lugubre, il est attaqué par des malfaiteurs qui lui dérobent son manteau. Il contracte, à cause du froid glacial, une mauvaise grippe et va bientôt mourir de chagrin. Son fantôme réapparait alors à son supérieur hiérarchique qui l'avait tourmenté, et prend une dimension gigantesque dans les ténèbres de la ville avant de disparaître complètement.
Le spectacle tiré de cette célèbre nouvelle par le Théâtre académique de l'Armée Russe, a été conçu de telle sorte que les personnages endossent à la fois les rôles d'acteurs et de narrateurs s'adressant au public. Les dialogues sont donc constamment entrecoupés de digressions de l'auteur sur les tourments d'Akaki Akakievitch, discours proférés le plus souvent par le choeur des fonctionnaires, dans des déplacements chorégraphiés et mimés, d'une étonnante énergie. Qu'ils dansent des pas militaires, qu'ils prennent des poses, évoluent comme des cygnes sur demi-pointe, bras en troisième attitude, plume d'oie voletante dans la main, ou travestis en masques de carnaval, ces beaux garçons ponctuent, par leurs apparitions, la triste aventure d'Akaki de touches de folie douce et de poésie fascinantes. Ils s'intègrent aussi parfaitement au décor polyvalent d'Iossif Soumbatachvili, avec ses éléments signifiants valant pour le bureau, la rue, ou l'atelier du tailleur, devant de grands voiles gris, un décor très fonctionnel qui situe en un tour de main les acteurs dans le contexte du récit.
Fédor Tchekhankov donne au personnage d'Akaki une dimension émouvante qui le fait passer de gratte-papier automate grotesque à cette figure de la misère humaine qui fixe sa passion et son idéal sur un manteau qui le protègera du froid. Il n'est pas seulement le héros d'un spectacle cocasse et douloureux, mais comme le dit Gogol, « notre frère à tous ». Acteur stanislavskien de grande classe, il contribue intensément à la magie de ce spectacle. Le public du Toursky l'a d'ailleurs gratifié tous les soirs d'une vibrante ovation.
Philippe Oualid

XVIème Festival Russe au Théâtre Toursky (Marseille)
25, 26, 27 Mars 2011.
Le Manteau, de Nicolaï Gogol,
Par le Théâtre Central Académique de L'Armée Russe
Réalisation de Boris Morozov.

Pierre Aimar
Mis en ligne le Lundi 28 Mars 2011 à 22:10 | Lu 974 fois

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