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Le Tartuffe de Molière, Théâtre de La Criée (Marseille), du 23 au 25 Mai 2013, par Philippe Oualid

Molière déploie dans son Tartuffe le canevas d'une intrigue fondée sur l'obstination égoïste d'un père de famille possessif, Orgon, qui au moment de marier sa fille, refuse de respecter ses voeux pour lui imposer autoritairement son propre choix, à savoir la personnalité fort trouble de Tartuffe, un faux dévot qui s'est installé sournoisement chez lui pour régenter insidieusement toute la famille.


Grâce à Elmire, l'épouse d'Orgon, qui fonde sa tactique sur une simulation de séduction au cours de deux grandes scènes, l'Imposteur, victime de ses violents désirs, peut être démasqué, et mis hors d'état de nuire par la justice royale.

Conçue d'abord en trois actes, la comédie de Tartuffe qui donnait à Molière l'occasion de maîtriser un nouveau type de dramaturgie, fut jouée à Versailles, aux fêtes des Plaisirs de l'Ile enchantée, le 12 Mai 1664. Elle plut à Louis XIV, mais Anne d'Autriche et l'Archevêque de Paris obtinrent très vite son interdiction. Molière dut riposter pendant trois ans à des pamphlets extrêmement violents du parti des dévôts, de la Compagnie du Saint-Sacrement, d'écclésiastiques qui réclamaient son exécution par le feu. L'interdiction fut confirmée en 1667 pour la nouvelle version de la pièce : Panulphe ou l'Imposteur. Et ce n'est qu'en 1669, après maintes vicissitudes, que Molière fut autorisé à faire jouer sa pièce sous son titre initial.

Dans la nouvelle mise en scène de Laurent Delvert, rythmée par la musique rock de Marylin Manson, on vit dans un climat de rave-party, on consomme des cannettes de bière, on fume dès le premier acte, Marianne (Louise Deschamps), la fille d'Orgon, prend sa douche dans la cuisine au deuxième acte, Damis, le fils (Carol Cadilhac), la moitié du crâne rasé, se comporte en skinhead, Tartuffe (Laurent Delvert) et son valet Laurent (Tullio Cipriano) reçoivent Cléante (Stéphane Daublain) dans leur sauna, Madame Pernelle (Martine Pascal) s'exprime comme une vieille snob gâteuse, Orgon (Charlie Nelson) et Elmire (Vanessa Devraine) ressemblent à des acteurs de boulevard. Une absence totale de correspondance s'instaure entre la langue du XVIIème siècle et le comportement social très contemporain des personnages qui essaient de déclamer tant bien que mal les alexandrins classiques, dans un esprit d'idéologie libertaire.

A partir d'une mise en scène moins chargée de tous ces clichés de style "bobo", le Tartuffe campé par Laurent Delvert serait épatant. Interprété non plus à la manière d'un rustaud burlesque et lubrique, mais comme un jeune prêtre torturé, inquiet, mystique martyrisé, reflet de la réflexion moliéresque sur le thème du masque et partant, sur l'essence même du métier de comédien, ce Tartuffe hypocrite, séduisant comme un ange démoniaque, qui crache à la fin de la pièce sur l'Exempt, installe sur le théâtre l'optique même du baroque et provoque une impression de vertige imposée par la structure en abyme du personnage.

Malheureusement, la pitoyable scénographie de Frédéric Rebuffat qui transforme la riche demeure d'Orgon en cabanon squatté, la création sonore bruyante et indécente qui l'accompagne, nous font spontanément mesurer toute la distance qui sépare ce spectacle des mises en scène célèbres de la Comédie Française, d'un Jouvet, d'un Planchon ou d'un Vitez qui ne laissaient pas cette œuvre géniale s'infléchir dans un sens catastrophique!
Philippe Oualid

Pierre Aimar
Mis en ligne le Samedi 25 Mai 2013 à 21:30 | Lu 265 fois

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