Les acteurs de bonne foi © Pascal Victor
.... au moment d'une répétition, et de montrer les interférences des rapports de personnages dans la réalité et en scène. Ces personnages ne sont pas d'ailleurs des acteurs professionnels, mais des domestiques amateurs, naïfs, peu capables de distinguer la vérité de la fiction, et, dans la seconde partie, des comédiens sans le savoir, dans un jeu impromptu qui laisse beaucoup de place à la spontanéité.
Comme dans les premières pièces de Marivaux, le metteur en scène Merlin choisit un scénario qui imposera à ses interprètes une sorte d'épreuve de l'inconstance. Ils commencent par faire « semblant de faire semblant », puis ce qu'ils feignent être faux dans les rapports amoureux, devient vérité, et Marivaux en arrive ainsi à une réflexion profonde sur les rapports de la fiction et de la vérité qui le rapproche de Pirandello. Une pièce aussi moderne pouvait difficilement réussir en ce tournant du XVIIIème siècle où s'imposait le drame bourgeois, mais Jean-Pierre Vincent a trouvé, à juste titre, que cette ultime pièce d'un dramaturge de génie « dérangeait le bel ordonnancement d'une société ancien régime qui commence à tanguer », et devait être remise en scène aujourd'hui , autrement qu'il ne l'avait fait en 1970, au TNS. Malheureusement, cette nouvelle mise en scène, où les personnages se livrent à des bagarres ou des luttes au corps à corps incongrues, à côté d'entretiens paisibles traversés d'humour, est fort éloigné de l'esprit du marivaudage. Par ailleurs, Jean-Pierre Vincent alourdit le style de la pièce dans une optique didactique, en ajoutant aux répliques de Mesdames Argante et Hamelin, des propos moraux de Jean-Jacques Rousseau, extraits de La Lettre à d'Alembert sur les spectacles, suivi de réponses de l'encyclopédiste, tout cela exposé à l'avant-scène.
Le décor de Jean-Paul Chambas relève de la grange ou de l'étable, avec bottes de foin, brouette, échelle, devant un cyclorama représentant le bras de L'indifférent de Watteau, un banc de bois et quelques chaises Louis XVI. Il convient sans doute au comportement des paysans, mais ne saurait servir de salle à la conception marivaudienne du Théâtre dans le théâtre, ou à l'accueil d'un notaire pour la signature d'un contrat de mariage. . .
Dans cet « écrin » qui porte préjudice aux dialogues de Marivaux, les acteurs trouvent en revanche souvent le ton qu'il faut pour séduire le spectateur : Colette et Blaise (Pauline Mereuze et Olivier Veillon) font valoir leur patois avec beaucoup de talent, Merlin (David Gouhier) y assume fort bien son rôle de médiateur, Mesdames Argante et Hamelin (Annie Mercier et Laurence Roy) interprètent leurs rôles de femmes du monde avec élégance et autorité.
Au final, quand tombent les masques et que la sincérité des sentiments retrouve ses droits, on quitte à regret ces acteurs de bonne foi qui nous ont fait partager intensément leur trop brève aventure.
Philippe Oualid
Les Acteurs de bonne foi, de Marivaux.
Mise en scène de Jean-Pierre Vincent.
Théâtre du Gymnase, Marseille. Du 15 au 19 Février 2011.
Comme dans les premières pièces de Marivaux, le metteur en scène Merlin choisit un scénario qui imposera à ses interprètes une sorte d'épreuve de l'inconstance. Ils commencent par faire « semblant de faire semblant », puis ce qu'ils feignent être faux dans les rapports amoureux, devient vérité, et Marivaux en arrive ainsi à une réflexion profonde sur les rapports de la fiction et de la vérité qui le rapproche de Pirandello. Une pièce aussi moderne pouvait difficilement réussir en ce tournant du XVIIIème siècle où s'imposait le drame bourgeois, mais Jean-Pierre Vincent a trouvé, à juste titre, que cette ultime pièce d'un dramaturge de génie « dérangeait le bel ordonnancement d'une société ancien régime qui commence à tanguer », et devait être remise en scène aujourd'hui , autrement qu'il ne l'avait fait en 1970, au TNS. Malheureusement, cette nouvelle mise en scène, où les personnages se livrent à des bagarres ou des luttes au corps à corps incongrues, à côté d'entretiens paisibles traversés d'humour, est fort éloigné de l'esprit du marivaudage. Par ailleurs, Jean-Pierre Vincent alourdit le style de la pièce dans une optique didactique, en ajoutant aux répliques de Mesdames Argante et Hamelin, des propos moraux de Jean-Jacques Rousseau, extraits de La Lettre à d'Alembert sur les spectacles, suivi de réponses de l'encyclopédiste, tout cela exposé à l'avant-scène.
Le décor de Jean-Paul Chambas relève de la grange ou de l'étable, avec bottes de foin, brouette, échelle, devant un cyclorama représentant le bras de L'indifférent de Watteau, un banc de bois et quelques chaises Louis XVI. Il convient sans doute au comportement des paysans, mais ne saurait servir de salle à la conception marivaudienne du Théâtre dans le théâtre, ou à l'accueil d'un notaire pour la signature d'un contrat de mariage. . .
Dans cet « écrin » qui porte préjudice aux dialogues de Marivaux, les acteurs trouvent en revanche souvent le ton qu'il faut pour séduire le spectateur : Colette et Blaise (Pauline Mereuze et Olivier Veillon) font valoir leur patois avec beaucoup de talent, Merlin (David Gouhier) y assume fort bien son rôle de médiateur, Mesdames Argante et Hamelin (Annie Mercier et Laurence Roy) interprètent leurs rôles de femmes du monde avec élégance et autorité.
Au final, quand tombent les masques et que la sincérité des sentiments retrouve ses droits, on quitte à regret ces acteurs de bonne foi qui nous ont fait partager intensément leur trop brève aventure.
Philippe Oualid
Les Acteurs de bonne foi, de Marivaux.
Mise en scène de Jean-Pierre Vincent.
Théâtre du Gymnase, Marseille. Du 15 au 19 Février 2011.