personnalités de tous ordres (au nombre desquelles l'Empereur lui-même) dont un nombre de plus en plus important de chaises marque l'invisible présence. Lorsque la scène est totalement encombrée au point que les vieux s'y trouvent enlisés, l'Orateur qui doit délivrer un grand message apparait. C'est pour les vieux le signe de la délivrance : ils se suicident en se jetant par les fenêtres, et l'Orateur resté seul en face des chaises s'avère être un sourd-muet.
Le thème de la pièce, nous dit Ionesco, n'est pas le désastre moral des vieux, mais bien les chaises, c'est à dire l'absence de personnes, l'absence de l'Empereur, l'absence de Dieu, l'irréalité du monde, le vide métaphysique, le rien. Et ce monde envahi par l'absence, envahi par la mort, dans lequel évoluaient déjà les personnages de La Cantatrice Chauve, revêt ici une sorte de grandeur tragique étonnante. Créée un an après La Leçon, en Avril 1952, accueillie par la hargne de la majorité des critiques et l'indifférence du public, Les Chaises passe généralement pour le chef d'œuvre de Ionesco.
Philippe Adrien met aujourd'hui en scène cette farce tragique comme une cérémonie d'adieu de vieillards pitoyables qui n'auraient aucun message intéressant à délivrer, dans un décor étouffant de Gérard Didier, espace circulaire de murs grisâtres, dépourvu de portes, et encombré d'emblée d'une trentaine de chaises empilées.
Vêtus de haillons, affublés d'un maquillage blanc, avançant avec peine, Alexis Rangheard (le Vieux) et Monica Companys (la Vieille) jouent sur la compassion, le pathétique du handicap qui les atteint physiquement et moralement pour gommer l'effet de distanciation qui séduisait tant chez les admirables créateurs des rôles en 1961 (Jacques Mauclair et Tsilla Chelton). « Il est préférable », disait l'auteur dans une didascalie, « que le rôle de la Vieille soit joué par une comédienne jeune qui compose ». Il en résulte un spectacle assez sombre, d'une heure quinze, où l'image de la décrépitude angoisse le spectateur et élimine le rire dévastateur que Ionesco a su si bien exploiter dans son théâtre de l'Absurde.
Philippe Oualid
Le thème de la pièce, nous dit Ionesco, n'est pas le désastre moral des vieux, mais bien les chaises, c'est à dire l'absence de personnes, l'absence de l'Empereur, l'absence de Dieu, l'irréalité du monde, le vide métaphysique, le rien. Et ce monde envahi par l'absence, envahi par la mort, dans lequel évoluaient déjà les personnages de La Cantatrice Chauve, revêt ici une sorte de grandeur tragique étonnante. Créée un an après La Leçon, en Avril 1952, accueillie par la hargne de la majorité des critiques et l'indifférence du public, Les Chaises passe généralement pour le chef d'œuvre de Ionesco.
Philippe Adrien met aujourd'hui en scène cette farce tragique comme une cérémonie d'adieu de vieillards pitoyables qui n'auraient aucun message intéressant à délivrer, dans un décor étouffant de Gérard Didier, espace circulaire de murs grisâtres, dépourvu de portes, et encombré d'emblée d'une trentaine de chaises empilées.
Vêtus de haillons, affublés d'un maquillage blanc, avançant avec peine, Alexis Rangheard (le Vieux) et Monica Companys (la Vieille) jouent sur la compassion, le pathétique du handicap qui les atteint physiquement et moralement pour gommer l'effet de distanciation qui séduisait tant chez les admirables créateurs des rôles en 1961 (Jacques Mauclair et Tsilla Chelton). « Il est préférable », disait l'auteur dans une didascalie, « que le rôle de la Vieille soit joué par une comédienne jeune qui compose ». Il en résulte un spectacle assez sombre, d'une heure quinze, où l'image de la décrépitude angoisse le spectateur et élimine le rire dévastateur que Ionesco a su si bien exploiter dans son théâtre de l'Absurde.
Philippe Oualid