afin de permettre au public de constater,comme le souhaite Frédéric Flamand, les voies différentes que peuvent emprunter des créateurs d'aujourd'hui à partir d'une base académique commune, et surtout en fonction des rencontres effectuées ou des influences subies au cours de leur carrière.
Débutant la soirée, Somewhere, ballet de Julien Lestel pour treize danseurs, créé en juin 2007 sur une musique sereine de Phil Glass, se fonde sur une gestuelle lifarienne et balanchinienne qui fait s'enchaîner avec fluidité différents mouvements et attitudes symétriques susceptibles de susciter l'émotion que procure, en général,l'esthétique néo-classique. Devant un cyclorama pourpre, quatre garçons, en maillots grenat de Patrick Murru, (Thibault Amanieu,Julien Lestel,Gilles Porte,et Thierry Vasselin), avancent vers huit filles leurs bras qui vont servir de barres pour quelques figures académiques. Dès lors, celles qui se fixent sur un partenaire vont les accompagner dans de séduisants pas de deux où se distinguent par leur virtuosité dans les variations et les portés, Julien Lestel et Cinthia Labaronne, Agnès Lascombe et Gilles Porte, tandis que d'autres comme Laurence Ponnet,Valérie Blaecke, Marion Zurbach, se réalisent dans des solos chargés de rotations élégantes au cours d'entrées et de sorties rapides. Après un beau manège des couples, et des tours en l'air accompagnés d'entrechats, l'ensemble se fige de profil, puis de dos, dans un silence énigmatique qui ouvre les portes d'une rêverie que la danse classique provoque toujours quelque part, comme l'indique le titre anglais du ballet.
Avec TéTOTé de Yasuyuki Endo, formé au ballet de Tokyo et à l'Australian Ballet, nous plongeons dans un univers radicalement différent. Le prétexte de cette pièce est la main ouvrière dans tous ses états d'emploi, mais le thème initial déborde sur les rapports de force ou les relations de pouvoir entre des individus violents et désaxés dans un univers industriel symbolisé par une scénographie de tiges métalliques verticales au milieu desquelles les danseurs exécutent leurs mouvements comme des félins derrière les barreaux d'une ménagerie, sept danseurs, précisons-le, issus en partie du groupe expérimental D.A.N.C.E , et intégrés,depuis peu au BNM.
Si tant est qu'on puisse évoquer la break dance,le butoh ou la danse des ténèbres,les corps s'expriment dans des exercices variés de torsion du buste et du bassin,des contorsions violentes et des gestes saccadés qui tendent à présenter ces travailleurs comme les victimes d'un système d'aliénation auquel ils cherchent désespérément à échapper, en se secouant,en s'étreignant, ou en évoluant ensemble à la manière d'une pieuvre. La culture japonaise du chorégraphe transparait particulièrement dans quelques tableaux étonnants comme celui de cet homme de sable(Anton Zvir), poupée de chiffon entièrement masquée dans son collant, en lutte avec deux garçons machiavéliques, de cette danseuse torse nu, longue jupe pourpre, attaquée par un essaim de guêpes, de cette geisha traversant le plateau en Minerve audacieuse armée d'un javelot (Yoshiko Kinoshita), ou encore de ces progressions d'ensemble de corps, au ralenti, poussant les tiges métalliques du décor, au son des tambours. Quant aux mains ouvrières, leitmotiv de la pièce,apparues au début derrière un voile transparent, elles voltigent de temps à autre,éclairées en bleu fluorescent dans l'obscurité totale, s'agitent comme des mains de potier à l'ouvrage, remuent à l'extrémité de bras battant la mesure en ciseaux, et se tournent vers nous, paumes ouvertes, au final,dans un alignement pathétique qui suscite l'adhésion enthousiaste du public.
Après l'entracte, le ballet interprétait Sextet,une chorégraphie en cinq mouvements de Thierry Malandain, créée il y a une douzaine d'années à Saint-Etienne et qui fait aujourd'hui son entrée au répertoire du BNM, avec la présence sur scène de sept musiciens marseillais de l'ensemble Télémaque, interprètes de la musique minimaliste, opiniâtre et répétitive de Steve Reich. En dépit de ce pénible fond sonore, la pièce évoque l'atmosphère à la fois drôle et farfelue du cours quotidien de barre et de milieu dans un studio de danse qui ressemble à un garage désaffecté (décor de Sean Wood). Après quelques échauffements au sol, les douze danseurs exécutent les positions et les attitudes fondamentales de la danse classique puis une série de pirouettes, arabesques et développés, entrecoupés de déhanchements rapides et de poses simiesques, dans le tintamarre des synthétiseurs et des xylophones. La promenade sur la barre du trio:Simon Courchel,Delphine Boutet et Nathanaël Marie,assis, jambes entrecroisées, ou debout en file indienne,suscite une joyeuse hilarité tout comme l'exercice de barres parallèles de Julien Lestel et Marion Cavaillé.Le solo funambule de Thibault Amanieu interrompu par cinq filles sautillant pied dans la main, jambe repliée, agrémente encore un final,sorte de parodie de West Side Story où les danseurs se trémoussent en faisant claquer leurs doigts.
En fait, pour peu que l'on reste à l'écoute des réactions cordiales de la salle, ce dernier ballet qui interrogeait avec humour la vie du danseur dans sa vérité et sa nudité, a beaucoup plu et séduit particulièrement les jeunes spectateurs qui s'impliquent aisément dans les voies complexes de la création chorégraphique contemporaine.
Philippe Oualid.
Débutant la soirée, Somewhere, ballet de Julien Lestel pour treize danseurs, créé en juin 2007 sur une musique sereine de Phil Glass, se fonde sur une gestuelle lifarienne et balanchinienne qui fait s'enchaîner avec fluidité différents mouvements et attitudes symétriques susceptibles de susciter l'émotion que procure, en général,l'esthétique néo-classique. Devant un cyclorama pourpre, quatre garçons, en maillots grenat de Patrick Murru, (Thibault Amanieu,Julien Lestel,Gilles Porte,et Thierry Vasselin), avancent vers huit filles leurs bras qui vont servir de barres pour quelques figures académiques. Dès lors, celles qui se fixent sur un partenaire vont les accompagner dans de séduisants pas de deux où se distinguent par leur virtuosité dans les variations et les portés, Julien Lestel et Cinthia Labaronne, Agnès Lascombe et Gilles Porte, tandis que d'autres comme Laurence Ponnet,Valérie Blaecke, Marion Zurbach, se réalisent dans des solos chargés de rotations élégantes au cours d'entrées et de sorties rapides. Après un beau manège des couples, et des tours en l'air accompagnés d'entrechats, l'ensemble se fige de profil, puis de dos, dans un silence énigmatique qui ouvre les portes d'une rêverie que la danse classique provoque toujours quelque part, comme l'indique le titre anglais du ballet.
Avec TéTOTé de Yasuyuki Endo, formé au ballet de Tokyo et à l'Australian Ballet, nous plongeons dans un univers radicalement différent. Le prétexte de cette pièce est la main ouvrière dans tous ses états d'emploi, mais le thème initial déborde sur les rapports de force ou les relations de pouvoir entre des individus violents et désaxés dans un univers industriel symbolisé par une scénographie de tiges métalliques verticales au milieu desquelles les danseurs exécutent leurs mouvements comme des félins derrière les barreaux d'une ménagerie, sept danseurs, précisons-le, issus en partie du groupe expérimental D.A.N.C.E , et intégrés,depuis peu au BNM.
Si tant est qu'on puisse évoquer la break dance,le butoh ou la danse des ténèbres,les corps s'expriment dans des exercices variés de torsion du buste et du bassin,des contorsions violentes et des gestes saccadés qui tendent à présenter ces travailleurs comme les victimes d'un système d'aliénation auquel ils cherchent désespérément à échapper, en se secouant,en s'étreignant, ou en évoluant ensemble à la manière d'une pieuvre. La culture japonaise du chorégraphe transparait particulièrement dans quelques tableaux étonnants comme celui de cet homme de sable(Anton Zvir), poupée de chiffon entièrement masquée dans son collant, en lutte avec deux garçons machiavéliques, de cette danseuse torse nu, longue jupe pourpre, attaquée par un essaim de guêpes, de cette geisha traversant le plateau en Minerve audacieuse armée d'un javelot (Yoshiko Kinoshita), ou encore de ces progressions d'ensemble de corps, au ralenti, poussant les tiges métalliques du décor, au son des tambours. Quant aux mains ouvrières, leitmotiv de la pièce,apparues au début derrière un voile transparent, elles voltigent de temps à autre,éclairées en bleu fluorescent dans l'obscurité totale, s'agitent comme des mains de potier à l'ouvrage, remuent à l'extrémité de bras battant la mesure en ciseaux, et se tournent vers nous, paumes ouvertes, au final,dans un alignement pathétique qui suscite l'adhésion enthousiaste du public.
Après l'entracte, le ballet interprétait Sextet,une chorégraphie en cinq mouvements de Thierry Malandain, créée il y a une douzaine d'années à Saint-Etienne et qui fait aujourd'hui son entrée au répertoire du BNM, avec la présence sur scène de sept musiciens marseillais de l'ensemble Télémaque, interprètes de la musique minimaliste, opiniâtre et répétitive de Steve Reich. En dépit de ce pénible fond sonore, la pièce évoque l'atmosphère à la fois drôle et farfelue du cours quotidien de barre et de milieu dans un studio de danse qui ressemble à un garage désaffecté (décor de Sean Wood). Après quelques échauffements au sol, les douze danseurs exécutent les positions et les attitudes fondamentales de la danse classique puis une série de pirouettes, arabesques et développés, entrecoupés de déhanchements rapides et de poses simiesques, dans le tintamarre des synthétiseurs et des xylophones. La promenade sur la barre du trio:Simon Courchel,Delphine Boutet et Nathanaël Marie,assis, jambes entrecroisées, ou debout en file indienne,suscite une joyeuse hilarité tout comme l'exercice de barres parallèles de Julien Lestel et Marion Cavaillé.Le solo funambule de Thibault Amanieu interrompu par cinq filles sautillant pied dans la main, jambe repliée, agrémente encore un final,sorte de parodie de West Side Story où les danseurs se trémoussent en faisant claquer leurs doigts.
En fait, pour peu que l'on reste à l'écoute des réactions cordiales de la salle, ce dernier ballet qui interrogeait avec humour la vie du danseur dans sa vérité et sa nudité, a beaucoup plu et séduit particulièrement les jeunes spectateurs qui s'impliquent aisément dans les voies complexes de la création chorégraphique contemporaine.
Philippe Oualid.