Pierre Lescure, Aurélie Filippetti © Thibaut Chapotot / MCC
La mission a pu dresser un panorama très complet et mener une réflexion approfondie sur les enjeux des industries culturelles dans l’univers numérique. Cela conduit à adapter les outils classiques de politique culturelle, fondés sur des mécanismes de solidarité entre la création en amont et ses modes de diffusion en aval. La mission propose des pistes d’évolution de ces outils, dits « d’exception culturelle », et fait 80 propositions, en trois axes : l’offre légale en ligne et l’accès des publics à cette offre ; la rémunération des créateurs et le financement de la création ; la défense et l’adaptation du droit d’auteur dans l’ère numérique (y compris la lutte contre le piratage).
Les mesures sur l’amélioration de l’offre légale portent sur l’extension de cette offre, sa rationalisation, son prix et son ergonomie. Le rapport propose notamment de réfléchir à des aménagements de la chronologie des médias, aux modes de financement de la numérisation, de la production et de la distribution des oeuvres. Il suggère des dispositifs facilitant l’accès et l’utilisation des contenus pour les internautes. Il estime que la convergence numérique oblige à repenser la régulation des contenus culturels et propose de faire évoluer en conséquence les compétences du CSA.
S’agissant du financement de la création, la mission constate que l’entrée dans le numérique a entraîné un transfert de valeur très important des contenus vers les opérateurs de diffusion (fournisseurs d’accès à internet, matériels connectables, moteurs de recherche). Le rapport appelle à la vigilance sur le partage de revenus dans l'univers numérique, afin que les créateurs récupèrent le juste fruit de leur création. Il préconise d’intégrer les fabricants d’appareils connectés dans le financement de la création, permettant de rééquilibrer ce transfert de valeur vers les créateurs et donnant des perspectives nouvelles à des industries culturelles menacées (musique, photo...), qui jouent pourtant un rôle essentiel dans notre économie. Il s’agit de retrouver un outil à la fois puissant et adapté de politique culturelle dans l'univers numérique, tel qu’il en existe dans l’univers analogique.
La mission propose que la lutte contre le piratage soit réorientée en direction des sites contrefaisants, en s'appuyant, entre autres, sur les intermédiaires techniques (régies publicitaires, systèmes de paiement, etc.). Elle préconise de réaménager profondément la réponse graduée, en supprimant la sanction de la coupure d'accès à internet, en dépénalisant le régime de sanctions et en développant les aspects pédagogiques. Il est proposé de supprimer la HADOPI et d’adosser le nouveau dispositif à une autorité administrative existante.
Ces propositions doivent dorénavant être analysées et discutées. Le ministère de la culture et de la communication entendra les principaux acteurs concernés et souhaitant faire part de leurs réactions. Plusieurs rendez-vous sont déjà fixés : une première présentation aux professionnels dès le 13 mai, des Assises de l’audiovisuel le 5 juin prochain, une réunion de travail avec la filière musique le 6 juin. D’autres échéances seront rapidement programmées, sectorielles (photographie, jeu vidéo…) ou transversales (mise en place de groupes de réflexion sur la lutte contre le piratage commercial, etc.). L’objectif est de parvenir à un premier train de mesures dès le mois de juin prochain, en concertation avec l’ensemble des ministères concernés déjà associés au comité de pilotage de la mission.
Les mesures sur l’amélioration de l’offre légale portent sur l’extension de cette offre, sa rationalisation, son prix et son ergonomie. Le rapport propose notamment de réfléchir à des aménagements de la chronologie des médias, aux modes de financement de la numérisation, de la production et de la distribution des oeuvres. Il suggère des dispositifs facilitant l’accès et l’utilisation des contenus pour les internautes. Il estime que la convergence numérique oblige à repenser la régulation des contenus culturels et propose de faire évoluer en conséquence les compétences du CSA.
S’agissant du financement de la création, la mission constate que l’entrée dans le numérique a entraîné un transfert de valeur très important des contenus vers les opérateurs de diffusion (fournisseurs d’accès à internet, matériels connectables, moteurs de recherche). Le rapport appelle à la vigilance sur le partage de revenus dans l'univers numérique, afin que les créateurs récupèrent le juste fruit de leur création. Il préconise d’intégrer les fabricants d’appareils connectés dans le financement de la création, permettant de rééquilibrer ce transfert de valeur vers les créateurs et donnant des perspectives nouvelles à des industries culturelles menacées (musique, photo...), qui jouent pourtant un rôle essentiel dans notre économie. Il s’agit de retrouver un outil à la fois puissant et adapté de politique culturelle dans l'univers numérique, tel qu’il en existe dans l’univers analogique.
La mission propose que la lutte contre le piratage soit réorientée en direction des sites contrefaisants, en s'appuyant, entre autres, sur les intermédiaires techniques (régies publicitaires, systèmes de paiement, etc.). Elle préconise de réaménager profondément la réponse graduée, en supprimant la sanction de la coupure d'accès à internet, en dépénalisant le régime de sanctions et en développant les aspects pédagogiques. Il est proposé de supprimer la HADOPI et d’adosser le nouveau dispositif à une autorité administrative existante.
Ces propositions doivent dorénavant être analysées et discutées. Le ministère de la culture et de la communication entendra les principaux acteurs concernés et souhaitant faire part de leurs réactions. Plusieurs rendez-vous sont déjà fixés : une première présentation aux professionnels dès le 13 mai, des Assises de l’audiovisuel le 5 juin prochain, une réunion de travail avec la filière musique le 6 juin. D’autres échéances seront rapidement programmées, sectorielles (photographie, jeu vidéo…) ou transversales (mise en place de groupes de réflexion sur la lutte contre le piratage commercial, etc.). L’objectif est de parvenir à un premier train de mesures dès le mois de juin prochain, en concertation avec l’ensemble des ministères concernés déjà associés au comité de pilotage de la mission.
Synthèse du rapport
Le concept d’exception culturelle, promu par la France sur la scène internationale depuis les années 1980, repose sur l’idée que la culture ne saurait, en raison des enjeux qui s’attachent à la création et à la diffusion des œuvres, être intégralement soumise aux règles du droit commun et de l’économie de marché. Sans nier la dimension économique de la culture, l’exception culturelle vise à reconnaître et protéger sa dimension éthique, politique et sociale, qui en fait l’un des fondements de la dignité humaine.
Ce concept se traduit par un ensemble cohérent de dispositifs visant à favoriser la création, la production, la distribution et la diffusion des œuvres culturelles : mécanismes de régulation, outils de financement, dispositifs fiscaux… Certains sont propres à un secteur culturel (prix unique du livre, chronologie des médias, obligations d’investissement et de diffusion, compte de soutien à la production cinématographique et audiovisuelle, quotas de chanson française), d’autres ont une portée plus générale (rémunération pour copie privée, TVA à taux réduit). Au-delà de leurs spécificités, ces dispositifs reposent sur des principes communs : soutien à la diversité de la création, promotion de la création française et francophone, accès du public à une offre culturelle de qualité et variée, contribution au financement de la création des acteurs qui tirent profit de l’exploitation et de la diffusion des œuvres.
Le développement des technologies de l’information et de la communication interroge, et parfois menace, nombre de ces dispositifs. L’internationalisation des échanges inhérente à l’Internet permet l’émergence sur le marché français d’acteurs étrangers qui échappent aux mécanismes nationaux de régulation et de financement. L’évolution des technologies et des usages fragilise les sources de revenus des créateurs et des industries culturelles : l’offre légale en ligne, encore insuffisante ou trop peu rémunératrice, doit affronter la concurrence d’une offre illicite gratuite et quasi illimitée ; la montée en puissance de l’informatique dans le nuage, au détriment du stockage sur des supports physiques, fragilise la rémunération pour copie privée.
Pour autant, le développement des technologies et des services numériques constitue avant tout une formidable opportunité, tant pour les créateurs, qui peuvent créer, produire et diffuser leurs œuvres plus facilement que par le passé, que pour les publics, qui peuvent accéder à une offre toujours plus riche et diversifiée, et plus abordable que les produits culturels physiques. L’enjeu de l’acte II de l’exception culturelle est donc de réussir à tirer parti de ces opportunités tout en préservant les principes fondateurs. La conciliation de ces deux objectifs suppose une adaptation profonde des dispositifs conçus pour l’ancien monde, celui de la distribution physique et de la diffusion analogique.
Il s’agit de définir les termes d’une politique culturelle volontariste et ambitieuse qui respecte à la fois les droits des publics et ceux des créateurs, dont les intérêts à long terme sont, au-delà des apparences parfois trompeuses et des conceptions caricaturales, intimement liés et profondément convergents. De même, l’opposition factice entre industries culturelles et industries numériques, dont les auditions conduites par la mission ont donné de nombreuses illustrations, doit impérativement être surmontée : ceux qui créent et produisent les « contenus » et ceux qui assurent leur diffusion et leur distribution ne devraient pas se considérer comme des adversaires mais comme des partenaires. D’une part, les possibilités offertes par les technologies numériques doivent être utilisées pour promouvoir l’accès des publics aux œuvres, à travers un développement de l’offre culturelle en ligne, en termes quantitatifs mais également qualitatifs (A). D’autre part, l’exploitation numérique des œuvres culturelles, appelée à occuper une place de plus en plus importante dans l’économie de la culture, doit permettre une juste rémunération des créateurs et un niveau adéquat de financement de la création, indispensable à son renouvellement (B). Au carrefour de ces deux objectifs, le droit de la propriété intellectuelle, traduction juridique du compromis passé entre les créateurs et leurs publics, doit être adapté, dans ses règles et dans sa mise en oeuvre, aux enjeux du numérique (Accès des publics aux œuvres et offre culturelle en ligne
Ce concept se traduit par un ensemble cohérent de dispositifs visant à favoriser la création, la production, la distribution et la diffusion des œuvres culturelles : mécanismes de régulation, outils de financement, dispositifs fiscaux… Certains sont propres à un secteur culturel (prix unique du livre, chronologie des médias, obligations d’investissement et de diffusion, compte de soutien à la production cinématographique et audiovisuelle, quotas de chanson française), d’autres ont une portée plus générale (rémunération pour copie privée, TVA à taux réduit). Au-delà de leurs spécificités, ces dispositifs reposent sur des principes communs : soutien à la diversité de la création, promotion de la création française et francophone, accès du public à une offre culturelle de qualité et variée, contribution au financement de la création des acteurs qui tirent profit de l’exploitation et de la diffusion des œuvres.
Le développement des technologies de l’information et de la communication interroge, et parfois menace, nombre de ces dispositifs. L’internationalisation des échanges inhérente à l’Internet permet l’émergence sur le marché français d’acteurs étrangers qui échappent aux mécanismes nationaux de régulation et de financement. L’évolution des technologies et des usages fragilise les sources de revenus des créateurs et des industries culturelles : l’offre légale en ligne, encore insuffisante ou trop peu rémunératrice, doit affronter la concurrence d’une offre illicite gratuite et quasi illimitée ; la montée en puissance de l’informatique dans le nuage, au détriment du stockage sur des supports physiques, fragilise la rémunération pour copie privée.
Pour autant, le développement des technologies et des services numériques constitue avant tout une formidable opportunité, tant pour les créateurs, qui peuvent créer, produire et diffuser leurs œuvres plus facilement que par le passé, que pour les publics, qui peuvent accéder à une offre toujours plus riche et diversifiée, et plus abordable que les produits culturels physiques. L’enjeu de l’acte II de l’exception culturelle est donc de réussir à tirer parti de ces opportunités tout en préservant les principes fondateurs. La conciliation de ces deux objectifs suppose une adaptation profonde des dispositifs conçus pour l’ancien monde, celui de la distribution physique et de la diffusion analogique.
Il s’agit de définir les termes d’une politique culturelle volontariste et ambitieuse qui respecte à la fois les droits des publics et ceux des créateurs, dont les intérêts à long terme sont, au-delà des apparences parfois trompeuses et des conceptions caricaturales, intimement liés et profondément convergents. De même, l’opposition factice entre industries culturelles et industries numériques, dont les auditions conduites par la mission ont donné de nombreuses illustrations, doit impérativement être surmontée : ceux qui créent et produisent les « contenus » et ceux qui assurent leur diffusion et leur distribution ne devraient pas se considérer comme des adversaires mais comme des partenaires. D’une part, les possibilités offertes par les technologies numériques doivent être utilisées pour promouvoir l’accès des publics aux œuvres, à travers un développement de l’offre culturelle en ligne, en termes quantitatifs mais également qualitatifs (A). D’autre part, l’exploitation numérique des œuvres culturelles, appelée à occuper une place de plus en plus importante dans l’économie de la culture, doit permettre une juste rémunération des créateurs et un niveau adéquat de financement de la création, indispensable à son renouvellement (B). Au carrefour de ces deux objectifs, le droit de la propriété intellectuelle, traduction juridique du compromis passé entre les créateurs et leurs publics, doit être adapté, dans ses règles et dans sa mise en oeuvre, aux enjeux du numérique (Accès des publics aux œuvres et offre culturelle en ligne