Ben peint ses premiers mots en 1958, il y a très exactement 60 ans aujourd’hui. Il peint Dieu, Art, laid, vive le silence… Depuis, il n’a plus lâché le pinceau sauf pour faire des gestes – le plus souvent devant un appareil photo – comme celui de jeter Dieu à la mer, de hurler deux minutes tous les jours à la même heure (à 18 h 33 précises), de signer les tableaux des autres ou encore de traverser le port de Nice à la nage, « en tant qu’art ». En 1959, il signe des personnes et se retrouve trois ans plus tard dans la vitrine de la galerie One à Londres, comme sculpture vivante. Puis il signe les poules, les coups de pied. D’une certaine manière, avec ses « appropriations », il invente l’art conceptuel. Dès lors, les trous, les cimetières, la mort, les objets suspendus sont de l’art. « Apprenez à voir le beau partout dans chaque détail », écrit-il en 1958. La partie du tout de Ben, une œuvre majeure, est une simple pancarte fichée sur un méchant piquet qu’il plante ici et là : tout est art, le monde est art, comme les terrains vagues ou les taches, celles par exemple que Léonard nous demande d’examiner sur un mur, et toutes les autres aussi.
Avec ses mots en cursive d’écolier appliqué d’avant l’époque des écrans, il peint l’invisible, il peint ce que la photo, « ce crayon de la nature » ne peut dire, pas plus que montrer. Et la grande histoire de Ben, c’est l’égo, le doute, le sexe et la mort : les uns pour conjurer les autres. Et puis c’est aussi le nouveau, l’avant-garde, les territoires linguistiques… Ben écrit et pourtant c’est un formidable plasticien, il est à l’origine de la figure libre, directement du regard à la main et de l’image au monde. Plasticien, poète et camelot, il place la vie de tous les jours à l’endroit du sublime. C’est pourquoi il nous est proche : nous partageons le même monde. Comme nous, « il peint où ça le gratte », dit-il. Ses mots sont nos images. Journal à cœur ouvert, son œuvre, façon Spotify, à la manière des flux ininterrompus qui nous traversent, est une forme de logorrhée savante où se marient un humour chronique et une métaphysique tonitruante. Les travaux et les jours : il y a 10 siècles, on l’aurait gravé sur les murs des cathédrales. Et tout ça, c’est pour conjurer le sort, la finitude, le tragique, contre tous les attentismes, la morosité et les atermoiements, l’imbécillité, aussi.
Laissez-moi respirer rassemble des peintures de 1989 à 2017. La formule est celle de tous ceux qui aspirent à un peu d’oxygène, quel que soit l’espace, l’époque, l’événement, la petite ou la grande Histoire qu’ils partagent ou non. Laissez-moi respirer, lâchez-moi les baskets SVP. Dans ces œuvres, l’image côtoie le mot, le vrai côtoie un portrait sans texte tout comme les 5 nez de l’artiste dialoguent avec un Pierrot gourmand. Collages fantaisistes, accords colorés, tautologie, dérision, méditation aussi ; Ben démontre, s’il en était besoin, qu’il « n’a pas peur de la peinture ». Chronique légère, tout à tour grave et pataphysicienne mais juste, d’un monde rouleau-compresseur et red-neck, aux vertus aplanissantes et broyeuses d’individualités, et dépourvu d’indulgence, mais qu’un Ben, clown philosophe et peintre, dégonfle sans effort pour notre plus grand plaisir. L’expo est un récit en couleurs d’un monde en noir & blanc. « Voir le beau dans les détails », c’est indispensable pour nous laisser respirer.
Thierry Raspail - février 2018
Avec ses mots en cursive d’écolier appliqué d’avant l’époque des écrans, il peint l’invisible, il peint ce que la photo, « ce crayon de la nature » ne peut dire, pas plus que montrer. Et la grande histoire de Ben, c’est l’égo, le doute, le sexe et la mort : les uns pour conjurer les autres. Et puis c’est aussi le nouveau, l’avant-garde, les territoires linguistiques… Ben écrit et pourtant c’est un formidable plasticien, il est à l’origine de la figure libre, directement du regard à la main et de l’image au monde. Plasticien, poète et camelot, il place la vie de tous les jours à l’endroit du sublime. C’est pourquoi il nous est proche : nous partageons le même monde. Comme nous, « il peint où ça le gratte », dit-il. Ses mots sont nos images. Journal à cœur ouvert, son œuvre, façon Spotify, à la manière des flux ininterrompus qui nous traversent, est une forme de logorrhée savante où se marient un humour chronique et une métaphysique tonitruante. Les travaux et les jours : il y a 10 siècles, on l’aurait gravé sur les murs des cathédrales. Et tout ça, c’est pour conjurer le sort, la finitude, le tragique, contre tous les attentismes, la morosité et les atermoiements, l’imbécillité, aussi.
Laissez-moi respirer rassemble des peintures de 1989 à 2017. La formule est celle de tous ceux qui aspirent à un peu d’oxygène, quel que soit l’espace, l’époque, l’événement, la petite ou la grande Histoire qu’ils partagent ou non. Laissez-moi respirer, lâchez-moi les baskets SVP. Dans ces œuvres, l’image côtoie le mot, le vrai côtoie un portrait sans texte tout comme les 5 nez de l’artiste dialoguent avec un Pierrot gourmand. Collages fantaisistes, accords colorés, tautologie, dérision, méditation aussi ; Ben démontre, s’il en était besoin, qu’il « n’a pas peur de la peinture ». Chronique légère, tout à tour grave et pataphysicienne mais juste, d’un monde rouleau-compresseur et red-neck, aux vertus aplanissantes et broyeuses d’individualités, et dépourvu d’indulgence, mais qu’un Ben, clown philosophe et peintre, dégonfle sans effort pour notre plus grand plaisir. L’expo est un récit en couleurs d’un monde en noir & blanc. « Voir le beau dans les détails », c’est indispensable pour nous laisser respirer.
Thierry Raspail - février 2018
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