Francis Picabia. Rapport avec les vertus, 1949. Oil on canvas @ Stefan Altenburger Photography Zürich
Plus de 40 œuvres permettent de prendre la mesure d’une période d’une grande radicalité, qui voit le peintre congédier la plastique érotique des nus féminins de la période précédente au profit de formes abstraites et d’une approche nouvelle de la texture des surfaces. L’exposition – la première de cette envergure à porter directement sur la période – sera ensuite montrée chez Hauser & Wirth New York, 22nd Street, du 1er mai au 25 juillet 2025.
Ce dernier rebondissement dans l’œuvre de Picabia, dont la carrière prolifique est marquée du sceau du changement et d’une « alternance déroutante de styles et de manières » , se traduit par un langage visuel inédit et une conception toute personnelle de l’abstraction. Mais il atteste aussi sa fidélité foncière à un principe et une méthode qu’il a poursuivis à travers toutes ses métamorphoses : le recours à un matériau visuel préexistant. Qu’il s’agisse du vaste et hétéroclite réservoir d’images où il puise allègrement, comme de sa propre peinture, qu’il n’hésite pas à recycler.
En 1945, Picabia regagne Paris dans un contexte difficile, marqué par des contraintes économiques et artistiques. Un nouveau départ s’impose. Aussi le peintre semble-t-il renouer avec l’« anti-peinture » dada de jadis. Les témoins les plus spectaculaires de cette résurrection sont la série des Points, que la critique devait, dans sa majorité, accueillir très fraîchement. Tels ce « Silence » de 1949, ou encore ces « Six Points » de la même année : une poignée de confettis, comme une parodie de constellation, sur un fond monochrome que troublent seulement des phénomènes de surface, comme une agitation de courants ou les stigmates de l’usure. Rien à dire, rien à offrir à l’appétit des yeux : pied-de-nez dada à la peinture dans son acception traditionnelle.
Ce dernier rebondissement dans l’œuvre de Picabia, dont la carrière prolifique est marquée du sceau du changement et d’une « alternance déroutante de styles et de manières » , se traduit par un langage visuel inédit et une conception toute personnelle de l’abstraction. Mais il atteste aussi sa fidélité foncière à un principe et une méthode qu’il a poursuivis à travers toutes ses métamorphoses : le recours à un matériau visuel préexistant. Qu’il s’agisse du vaste et hétéroclite réservoir d’images où il puise allègrement, comme de sa propre peinture, qu’il n’hésite pas à recycler.
En 1945, Picabia regagne Paris dans un contexte difficile, marqué par des contraintes économiques et artistiques. Un nouveau départ s’impose. Aussi le peintre semble-t-il renouer avec l’« anti-peinture » dada de jadis. Les témoins les plus spectaculaires de cette résurrection sont la série des Points, que la critique devait, dans sa majorité, accueillir très fraîchement. Tels ce « Silence » de 1949, ou encore ces « Six Points » de la même année : une poignée de confettis, comme une parodie de constellation, sur un fond monochrome que troublent seulement des phénomènes de surface, comme une agitation de courants ou les stigmates de l’usure. Rien à dire, rien à offrir à l’appétit des yeux : pied-de-nez dada à la peinture dans son acception traditionnelle.
Pour autant, Picabia n’est pas un solitaire. Le dimanche, il ouvre son atelier à Henri Goetz, à Christine Boumeester, Raoul Ubac, Jean-Michel Atlan, Georges Mathieu… Ses hôtes s’efforcent, notamment au Salon des Surindépendants, de frayer une troisième voie entre les acquis du surréalisme et les exigences de l’abstraction. Mais l’adhésion du peintre n’est pas évidente. Reste qu’en dépit d’un tempérament qui tolère mal la réduction aux étiquettes de groupe, Picabia est, dans l’après-guerre, volontiers placé dans l’orbite des « informels ». Et sa peinture accuse au moins un trait susceptible de fonder ce rapprochement : le traitement de la matière. Un parti pris qui transparaît, par exemple, dans « Rapport avec les vertus » (1949) et ses zones colorées diversement foncées qui refusent l’uniformité étale de l’aplat, ou dans ce « Colloque », de 1949 également, avec les plissures de la peinture et le relief de ses empâtements.
Mais Picabia suit toujours sa propre voie. Et l’après-guerre ne déroge pas à la règle : sa technique éprouvée – cette démarche consistant à ponctionner, emprunter et assimiler – est toujours mise à contribution. L’exposition permet, en particulier, de soulever la question de la nature et du rôle du « primitivisme » tel qu’il se manifeste alors dans les peintures de Picabia. Ce tropisme vers des origines mythifiées, ce magnétisme exercé par les arts « premiers », peut revêtir la forme attendue d’une ouverture aux leçons et aux modèles du continent africain ou de l’Océanie. Or, le masque est, précisément, un motif cher à Picabia : qu’on songe, à titre d’illustration, à cette forme crânienne qui se gonfle en ampoule et qu’une rainure en Y distribue en trois secteurs ( « Niagara », vers 1947). La présence du masque permet en passant de rappeler que cette dernière phase de l’œuvre de Picabia, souvent qualifiée d’« abstraite », ne l’est pas « stricto sensu ». Outre les formes de masques, il y aussi « Villejuif [I] », une huile sur bois de 1951, tenue, à tort, pour la dernière réalisation de l’artiste, et dont la puissance de suggestivité, la force d’évocation émotionnelle est indéniable.
L’espèce d’iconothèque « primitive » où se sert Picabia n’est pas restreinte aux ailleurs des lointains géographiques. L’art roman catalan constitue, avec la préhistoire, un des pôles d’élection de l’artiste. Et dans la catégorie des emprunts, il faut compter également les « auto-emprunts » : les repeints, tel ce « Elle danse » (1948). On remarquera que Picabia s’empare aussi des mots, s’approvisionnant, pour ses titres, auprès de Nietzsche. « Cherchez d’abord votre Orphée ! » (1948) ou « Le Négateur » du hasard sont ainsi tirés du « Gai Savoir ». Rien d’étonnant : Picabia, jusqu’à la fin de sa vie, n’a obéi qu’à sa propre morale et ses propres règles en matière esthétique. Le catalogue bilingue de l’exposition (Hauser & Wirth Publishers) rassemble des essais d’Arnauld Pierre et de Candace Clements, une préface de Beverley Calté, présidente du Comité Picabia, et replace Picabia dans le contexte artistique parisien de l’après-guerre.
Mais Picabia suit toujours sa propre voie. Et l’après-guerre ne déroge pas à la règle : sa technique éprouvée – cette démarche consistant à ponctionner, emprunter et assimiler – est toujours mise à contribution. L’exposition permet, en particulier, de soulever la question de la nature et du rôle du « primitivisme » tel qu’il se manifeste alors dans les peintures de Picabia. Ce tropisme vers des origines mythifiées, ce magnétisme exercé par les arts « premiers », peut revêtir la forme attendue d’une ouverture aux leçons et aux modèles du continent africain ou de l’Océanie. Or, le masque est, précisément, un motif cher à Picabia : qu’on songe, à titre d’illustration, à cette forme crânienne qui se gonfle en ampoule et qu’une rainure en Y distribue en trois secteurs ( « Niagara », vers 1947). La présence du masque permet en passant de rappeler que cette dernière phase de l’œuvre de Picabia, souvent qualifiée d’« abstraite », ne l’est pas « stricto sensu ». Outre les formes de masques, il y aussi « Villejuif [I] », une huile sur bois de 1951, tenue, à tort, pour la dernière réalisation de l’artiste, et dont la puissance de suggestivité, la force d’évocation émotionnelle est indéniable.
L’espèce d’iconothèque « primitive » où se sert Picabia n’est pas restreinte aux ailleurs des lointains géographiques. L’art roman catalan constitue, avec la préhistoire, un des pôles d’élection de l’artiste. Et dans la catégorie des emprunts, il faut compter également les « auto-emprunts » : les repeints, tel ce « Elle danse » (1948). On remarquera que Picabia s’empare aussi des mots, s’approvisionnant, pour ses titres, auprès de Nietzsche. « Cherchez d’abord votre Orphée ! » (1948) ou « Le Négateur » du hasard sont ainsi tirés du « Gai Savoir ». Rien d’étonnant : Picabia, jusqu’à la fin de sa vie, n’a obéi qu’à sa propre morale et ses propres règles en matière esthétique. Le catalogue bilingue de l’exposition (Hauser & Wirth Publishers) rassemble des essais d’Arnauld Pierre et de Candace Clements, une préface de Beverley Calté, présidente du Comité Picabia, et replace Picabia dans le contexte artistique parisien de l’après-guerre.
Informations +
Hauser & Wirth
26 bis rue François 1er
Paris 75008
33 1 57 95 19 60
paris-hauserwirth.com
Entrée libre sans réservation
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