Elisabeth Oualid : Roméo et Juliette qui appartient au patrimoine culturel de la littérature occidentale, évoque dans un climat de violence, une passion entre deux jeunes gens de Vérone sur fond de rivalités entre deux familles dont ils sont issus, les Capulet et les Montaigu. Comment avez-vous déjoué toutes les intrigues de la pièce de Shakespeare pour donner à voir l'essentiel ? Quels sont les évènements de la pièce que vous avez retenus dans cette nouvelle chorégraphie ? Combien de personnages avez-vous conservés?
Julien Lestel : Bien sûr, il y a la pièce de Shakespeare, mais après, les versions dansées sont un peu différentes par rapport à la musique de Prokofiev et en ce qui concerne les scènes de rue, de bal, les rixes, les querelles. Ici je livre ma propre interprétation où le principal réside dans cette histoire de deux amants tragiques dépassés par leur destin. J'ai vraiment voulu aller à l'essentiel, en supprimant par exemple le personnage de Rosaline, prétexte de la rencontre au bal masqué, et celui de la nourrice.
E. O : Et vous retenez qui?
J. L : Evidement Roméo et Juliette, le père et la mère de Juliette, deux personnages importants dont j'ai changé les caractères ; j'ai rendu la mère plus affirmée et le père un peu plus fragile.
E. O : Pourtant il manifeste une violence inouïe quand Juliette refuse d'épouser le Comte Pâris ?
J. L : J'ai trouvé qu'avec un père trop autoritaire, trop violent, on occultait le caractère délicat de Juliette qui se métamorphose au fur et à mesure des évènements de la pièce, et qu'on ne mettait pas la passion en valeur. . . La mère, je lui ai donné un caractère plus fort, dans un rapport de rivalité avec sa fille.
E. O : Et Frère Laurent, le conservez-vous ?
J. L : Oui, il est là pour le mariage secret. On sait que les parents invitent alors le compte Paris pour conclure un mariage d'intérêts partagés et consoler Juliette de la mort de son cousin Tybalt. Evidement, celle-ci refuse, il s'ensuit une scène de violence avec sa mère. Désespérée, elle rend visite à Frère Laurent qui lui donne le narcotique lui permettant d'apparaître morte.
E. O : On peut dire qu'à partir de ce moment-là, on assiste à une nouvelle tragédie où le destin, avec ses contretemps, joue un rôle déterminant. . .
J. L : Il y a là une scène très douloureuse pour les parents qui comprennent que jamais ça aurait pu aller si loin. Ils sont dévastés par ce décès. Ils accompagnent Juliette à la crypte des Capulet et s'en vont. Là-dessus, Roméo, prévenu par Benvolio, arrive en courant, la croit morte, et pense que le seul moyen de la retrouver c'est de la rejoindre dans la mort.
E. O : D'immortaliser cet amour dans la mort ?
J. L : A ce moment, il avale à son tour un poison. Elle se réveille, se demande où elle est, ne comprend plus rien, heureuse en tout cas qu'il soit venu la retrouver. Puis tout lui revient à l'esprit, elle pense qu'il a été averti par la lettre explicative de Frère Laurent, que son plan a marché, et elle le prend dans ses bras.
E. O : Elle prend pourtant conscience qu'il est mort !
J. L : Oui, et qu'il n'a pas eu la lettre à temps, qu'il s'est empoisonné. Elle va encore essayer de récupérer un peu de poison, puis prendre le poignard et se tuer, en attrapant une dernière fois la main de son amant. Je termine le ballet là-dessus.
E. O : Comment utilisez-vous maintenant les ressources de la danse pour transmettre un message artistique dans un langage corporel ?
J. L : Je suis très attaché à l'esthétique de la danse mais je ne pense pas que ce soit un point de départ. Si on commence à vouloir rendre de l'esthétique pure, on se donne des limites trop tôt au lieu d'aller chercher au plus profond dans les mouvements, dans l'interprétation, et dans le ressenti. A partir de là, on arrive à quelque chose de sincère.
E. O : Qu'est-ce qui vous plaît le plus dans la danse, l'accélération ou la retenue?
J. L : Je trouve que la retenue est belle quand il y a auparavant quelque chose de très dynamique. En revanche, le mouvement fluide sera plus séduisant lorsqu'avant, il y aura eu un mouvement saccadé, inspiré par la musique de Prokofiev. L'un met l'autre en valeur.
E. O : Comment composez-vous ? Quels sont vos choix ?
J. L : J'ai écrit la chorégraphie au préalable, mais la plupart du temps j'ai chorégraphié avec mes danseurs, en mettant en mouvement mes idées, en leur proposant de valoriser leurs personnalités. De toute façon, quand on crée des mouvements, on veut faire passer des émotions, délivrer des messages, se libérer de ce que l'on a emmagasiné à l'intérieur de soi. Ce que j'aime dans la vie, ce n'est pas ce qui est homogène mais plutôt ce qui est différent.
Julien Lestel : Bien sûr, il y a la pièce de Shakespeare, mais après, les versions dansées sont un peu différentes par rapport à la musique de Prokofiev et en ce qui concerne les scènes de rue, de bal, les rixes, les querelles. Ici je livre ma propre interprétation où le principal réside dans cette histoire de deux amants tragiques dépassés par leur destin. J'ai vraiment voulu aller à l'essentiel, en supprimant par exemple le personnage de Rosaline, prétexte de la rencontre au bal masqué, et celui de la nourrice.
E. O : Et vous retenez qui?
J. L : Evidement Roméo et Juliette, le père et la mère de Juliette, deux personnages importants dont j'ai changé les caractères ; j'ai rendu la mère plus affirmée et le père un peu plus fragile.
E. O : Pourtant il manifeste une violence inouïe quand Juliette refuse d'épouser le Comte Pâris ?
J. L : J'ai trouvé qu'avec un père trop autoritaire, trop violent, on occultait le caractère délicat de Juliette qui se métamorphose au fur et à mesure des évènements de la pièce, et qu'on ne mettait pas la passion en valeur. . . La mère, je lui ai donné un caractère plus fort, dans un rapport de rivalité avec sa fille.
E. O : Et Frère Laurent, le conservez-vous ?
J. L : Oui, il est là pour le mariage secret. On sait que les parents invitent alors le compte Paris pour conclure un mariage d'intérêts partagés et consoler Juliette de la mort de son cousin Tybalt. Evidement, celle-ci refuse, il s'ensuit une scène de violence avec sa mère. Désespérée, elle rend visite à Frère Laurent qui lui donne le narcotique lui permettant d'apparaître morte.
E. O : On peut dire qu'à partir de ce moment-là, on assiste à une nouvelle tragédie où le destin, avec ses contretemps, joue un rôle déterminant. . .
J. L : Il y a là une scène très douloureuse pour les parents qui comprennent que jamais ça aurait pu aller si loin. Ils sont dévastés par ce décès. Ils accompagnent Juliette à la crypte des Capulet et s'en vont. Là-dessus, Roméo, prévenu par Benvolio, arrive en courant, la croit morte, et pense que le seul moyen de la retrouver c'est de la rejoindre dans la mort.
E. O : D'immortaliser cet amour dans la mort ?
J. L : A ce moment, il avale à son tour un poison. Elle se réveille, se demande où elle est, ne comprend plus rien, heureuse en tout cas qu'il soit venu la retrouver. Puis tout lui revient à l'esprit, elle pense qu'il a été averti par la lettre explicative de Frère Laurent, que son plan a marché, et elle le prend dans ses bras.
E. O : Elle prend pourtant conscience qu'il est mort !
J. L : Oui, et qu'il n'a pas eu la lettre à temps, qu'il s'est empoisonné. Elle va encore essayer de récupérer un peu de poison, puis prendre le poignard et se tuer, en attrapant une dernière fois la main de son amant. Je termine le ballet là-dessus.
E. O : Comment utilisez-vous maintenant les ressources de la danse pour transmettre un message artistique dans un langage corporel ?
J. L : Je suis très attaché à l'esthétique de la danse mais je ne pense pas que ce soit un point de départ. Si on commence à vouloir rendre de l'esthétique pure, on se donne des limites trop tôt au lieu d'aller chercher au plus profond dans les mouvements, dans l'interprétation, et dans le ressenti. A partir de là, on arrive à quelque chose de sincère.
E. O : Qu'est-ce qui vous plaît le plus dans la danse, l'accélération ou la retenue?
J. L : Je trouve que la retenue est belle quand il y a auparavant quelque chose de très dynamique. En revanche, le mouvement fluide sera plus séduisant lorsqu'avant, il y aura eu un mouvement saccadé, inspiré par la musique de Prokofiev. L'un met l'autre en valeur.
E. O : Comment composez-vous ? Quels sont vos choix ?
J. L : J'ai écrit la chorégraphie au préalable, mais la plupart du temps j'ai chorégraphié avec mes danseurs, en mettant en mouvement mes idées, en leur proposant de valoriser leurs personnalités. De toute façon, quand on crée des mouvements, on veut faire passer des émotions, délivrer des messages, se libérer de ce que l'on a emmagasiné à l'intérieur de soi. Ce que j'aime dans la vie, ce n'est pas ce qui est homogène mais plutôt ce qui est différent.