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Exposition L’ère Liebermann à l’Opéra de Paris, Bibliothèque nationale de France - Bibliothèque-musée de l’Opéra, du Jusqu'au 13 mars 2011

À l’occasion du centenaire de la naissance de Rolf Liebermann, la Bibliothèque nationale de France et l’Opéra national de Paris consacrent une exposition dans les espaces de la Bibliothèque-musée de l’Opéra à l’un des plus grands directeurs de théâtre du XXe siècle.


Rolf Liebermann © Michel Szabo
Rolf Liebermann © Michel Szabo
« Musicien » comme il se définissait lui-même, compositeur et directeur d’institutions musicales, Rolf Liebermann (1910-1999) s’est taillé une réputation de « pape de l’opéra contemporain » après avoir exercé les fonctions d’intendant général de l’Opéra de Hambourg entre 1957 et 1972. Le succès qu’il remporte à la tête de ce théâtre encourage les pouvoirs publics français à lui confier les destinées de l’Opéra de Paris auquel il s’agit de rendre un faste que certains croient définitivement perdu.

Au travers d’une centaine de pièces – dessins, maquettes de décors, photographies, costumes, programmes, documents audiovisuels, archives provenant des collections de la Bibliothèque nationale de France, de l’Opéra national de Paris et du Centre national du costume de scène de Moulins, cette exposition rend compte du mandat de Liebermann à l’Opéra de Paris (1973-1980) qui demeure l’une des époques les plus brillantes du Palais Garnier. En effet, sous son impulsion, le théâtre renouvelle son répertoire lyrique et chorégraphique tout en accueillant les metteurs en scène, les scénographes, les chorégraphes et les interprètes les plus talentueux du moment. Une présentation de l’action administrative, artistique et politique de Rolf Liebermann à la tête de l’Opéra de Paris permet d’évoquer les aspects les plus emblématiques de sa direction : la commande de la partition de l’opéra Saint François d’Assise à Olivier Messiaen, les discussions avec les pouvoirs publics sur l’avenir de l’Opéra-Comique, les accords de coproduction signés avec la Scala de Milan, la politique de démocratisation culturelle et de captation audiovisuelle des spectacles, ou encore l’évolution de la structure juridique et administrative de l’Opéra de Paris.

Les productions lyriques de l’« ère Liebermann » – devenues mythiques pour un grand nombre d’entre elles – constituent le coeur de cette exposition : Les Noces de Figaro dans la mise en scène de Giorgio Strehler, Les Contes d’Hoffmann et Lulu dans celles de Patrice Chéreau, Pelléas et Mélisande et Faust dans celles de Jorge Lavelli, Le Ring interrompu après La Walkyrie en raison des difficultés économiques, Boris Godounov de Joseph Losey. Hommage est aussi rendu aux grands interprètes invités par Liebermann : les chefs d’orchestre Karl Böhm, Pierre Boulez, Josef Krips, Georges Prêtre ou Georg Solti, les chanteurs Gabriel Bacquier, Teresa Berganza, Régine Crespin, Placido Domingo, Christiane Eda-Pierre, Christa Ludwig, Lucia Popp, Margaret Price, Ruggero Raimondi, Frederica von Stade, Teresa Stratas, Kiri Te Kanawa…

Enfin, l’exposition s’attache à mettre en valeur l’oeuvre considérable de Liebermann dans le domaine de la danse. Lors de sa direction, les grands ballets classiques, oubliés par la troupe depuis le XIXe siècle comme Coppélia ou La Sylphide sont repris tandis que les ballets de Marius Petipa, tel La Belle au bois dormant, entrent au répertoire de l’Opéra. Liebermann s’efforce également de tisser des relations avec les chorégraphes de son temps : il invite George Balanchine à plusieurs reprises, tout comme Merce Cunningham, Maurice Béjart, Roland Petit – qui donne deux créations au Palais Garnier : Nana et Le Fantôme de l’Opéra – et surtout Carolyn Carlson qui, au sein du Groupe de recherche théâtrale de l’Opéra de Paris (GRTOP), ouvre l’Opéra à d’autres formes de danse. Lorsqu’il quitte ses fonctions, en 1980, Rolf Liebermann a « sauvé » l’Opéra de Paris et laisse un théâtre au prestige renforcé et au répertoire enrichi.

L’administrateur

L’annonce de la nomination de Rolf Liebermann à la tête de l’Opéra de Paris a lieu dans un contexte économique et social troublé : licenciement du choeur et de la troupe de chant, multiplication des mouvements sociaux, menaces de fermeture du Palais Garnier et de la salle Favart… Afin de redonner du faste à la « Grande boutique », le ministère des Affaires culturelles a donc choisi de faire appel à un étranger : le premier à diriger l’Opéra depuis Lully ! Grâce à des échanges réguliers avec le directeur de la Musique, de l’art lyrique et de la danse, Marcel Landowski, le suisse allemand Rolf Liebermann prépare son arrivée à Paris. Comme ses prédécesseurs, le futur directeur de l’Opéra souhaite aussi diriger la salle Favart. Néanmoins, les pouvoirs publics en décident autrement et transforment l’Opéra Comique en une école supérieure de chant dénommée « Opéra-Studio ». Le 1er janvier 1973, Rolf Liebermann entre donc dans ses fonctions d’administrateur de l’Opéra de Paris et donne, trois mois plus tard, le premier spectacle de son mandat, Les Noces de Figaro, à l’Opéra royal du château de Versailles.

Le directeur artistique

Dès son arrivée à Paris, Rolf Liebermann s’entoure d’une équipe restreinte amenée à le conseiller et à le soutenir dans ses choix artistiques. Ainsi, dès sa nomination, le futur directeur du Palais Garnier s’est assuré le concours d’Hugues Gall, déjà secrétaire général de l’Opéra, en lui proposant de devenir son bras droit. Puis, l’ancien directeur musical de Covent Garden, le chef d’orchestre Georg Solti, est nommé conseiller musical tandis que Raymond Franchetti est maintenu dans ses fonctions de directeur de la danse. Afin d’assurer le renouveau de la scénographie tout en modernisant les installations du plateau, le nouveau patron engage aussi le décorateur Bernard Daydé comme directeur général des services artistiques et techniques de la scène. Rolf Liebermann peut désormais multiplier les contacts internationaux afin de programmer ses premières saisons à l’Opéra et convaincre les artistes les plus prestigieux du moment de se produire à Paris. Chefs d’orchestre, metteurs en scène, chorégraphes, décorateurs et interprètes se succèdent alors sur la scène du Palais Garnier. Ensemble, ils participent à ce que les contemporains qualifient bientôt de « festival permanent ».

Le politique

Dès la fin de l’année 1971, Rolf Liebermann estime qu’« un établissement qui se repose entièrement sur le répertoire s’étiole et dépérit ». Il souhaite ainsi mutualiser les moyens des maisons d’opéra européennes afin de réduire les coûts des nouveaux spectacles. Un accord est donc rapidement conclu avec l’Opéra de Hambourg dans la perspective d’une tournée à Paris au printemps 1973. Cette démarche aboutit ensuite à la signature d’un contrat avec la Scala de Milan, prévoyant des échanges et des coproductions. Parallèlement, Rolf Liebermann développe une politique de création lyrique en passant commande à trois grands compositeurs français, Henri Dutilleux, André Jolivet et Olivier Messiaen dont le Saint François d’Assise est le seul projet à finalement aboutir. Il imagine aussi une politique de démocratisation de l’Opéra. Toutefois, au lendemain de la première de L’Enlèvement au sérail, annulée pour cause de grève le 23 mars 1976, le patron perd le soutien inconditionnel de l’Élysée tandis que Matignon s’enquiert de la gestion financière du théâtre. En effet, le Premier ministre, Jacques Chirac, s’appuie sur les premières conclusions d’un audit mené par l’Inspection générale des finances pour exiger une meilleure maîtrise des dépenses ainsi qu’une plus large diffusion des oeuvres représentées. Cette demande aboutit notamment à la signature d’accords de diffusion des spectacles de l’Opéra sur les grandes chaînes de télévision publique ainsi qu’à la transformation du régime d’exploitation du théâtre. Un décret du 7 février 1978 crée alors le Théâtre national de l’Opéra de Paris qui réunit à nouveau le Palais Garnier et la salle Favart.

Liebermann et l’Opéra

À Hambourg, Rolf Liebermann s’est attaché en priorité à favoriser la création contemporaine. À Paris, il cherche d’abord à recréer de toutes pièces un répertoire digne d’une grande maison d’opéra. Il commence par y faire revenir Mozart, grand absent du Palais Garnier, avec les légendaires Noces de Figaro de Giorgio Strehler et Georg Solti. À cette occasion, Liebermann fait venir à Paris une nouvelle génération de chanteurs qu’on n’y connaissait guère : Gundula Janowitz, Lucia Popp, Mirella Freni, Frederica Von Stade, José Van Dam… Don Giovanni et Così fan tutte suivent. Liebermann puise dans l’histoire de l’opéra quelques grands chefs-d’oeuvre qu’il ramène avec faste à Garnier : Le Trouvère (avec Placido Domingo et Shirley Verrett), Les Vêpres siciliennes (Placido Domingo, Martina Arroyo et Ruggero Raimondi), Otello (avec Placido Domingo et Margaret Price), La Bohème, où s’illustrent Placido Domingo et Luciano Pavarotti, Le Chevalier à la rose (avec Christa Ludwig, Frederica Von Stade et Lucia Popp) ou encore Elektra avec Birgit Nilsson, Leonie Rysanek et Astrid Varnay. Après L’Or du Rhin et La Walkyrie, des restrictions budgétaires le forcent à abandonner un nouveau Ring à mi-chemin. Après Moïse et Aaron, il fait aussi découvrir Lulu de Berg aux Parisiens avec un spectacle légendaire réunissant Pierre Boulez et Patrice Chéreau. Dans le répertoire français, il fait entrer Pelléas et Mélisande au Palais Garnier et signe des réalisations exemplaires des Contes d’Hoffmann, première mise en scène lyrique de Patrice Chéreau (avec Nicolai Gedda et Christiane Eda-Pierre), ainsi que du Faust de Gounod, confié à Jorge Lavelli (avec Nicolai Gedda, Mirella Freni et Robert Massard).

Le renouveau du ballet classique

L’arrivée de Liebermann à Paris coïncide avec la fin d’une période d’instabilité pour le Ballet. Grâce à l’immense travail accompli par les danseurs, placés sous la direction de Raymond Franchetti, le Ballet acquiert une renommée internationale. D’ailleurs, dès le printemps 1973, George Balanchine est invité à créer la chorégraphie d’Orphée et Eurydice, la première production de l’ère Liebermann donnée au Palais Garnier. Un autre chorégraphe ayant participé à l’aventure des Ballets russes, Léonide Massine, est invité à remonter L’Après-midi d’un faune de Vaslav Nijinski tandis que Jerome Robbins revisite la partition de Debussy dans Afternoon of a Faun. Le renouvellement du répertoire se poursuit avec le travail de reconstitution effectué par Pierre Lacotte pour Coppélia : les décors et costumes sont réalisés d’après les maquettes de la création et le troisième acte, abandonné depuis 1872, est restitué dans le style de l’époque. Le répertoire classique issu de la tradition du ballet impérial russe est également assimilé par le Ballet de l’Opéra grâce à Alicia Alonso qui, en 1974, remonte La Belle au bois dormant. Un autre ballet de Marius Petipa, La Bayadère, est donné la même année au Palais Garnier ; Rudolf Noureev participe alors, à la fois comme danseur invité et comme chorégraphe, à la création de l’acte des Ombres. Ces différents apports contribuent au renouvellement du répertoire du Ballet de l’Opéra.

La modernité

Alors qu’il dirige encore l’Opéra de Hambourg, Rolf Liebermann repère le talent d’une jeune chorégraphe, Carolyn Carlson, qui est invitée à Paris dès 1973 lors d’une soirée d’Hommages à Edgar Varèse. Un an plus tard, Carolyn Carlson est nommée « Étoile-chorégraphe » et Rolf Liebermann lui confie ensuite la responsabilité d’un Groupe de recherche théâtrale de l’Opéra de Paris (GRTOP). Des danseurs, recrutés pour la plupart en dehors du corps de ballet investissent alors la rotonde des abonnés du Palais Garnier pour développer un langage chorégraphique nouveau et suivre des cours d’improvisation. Pendant près de six ans, les pièces proposées par le GRTOP sont intercalées dans la programmation et contribuent à légitimer la danse contemporaine en France. De toute façon, Rolf Liebermann a affirmé ses ambitions dès 1973. Ainsi, la création mondiale d’Un jour ou deux de Merce Cunningham est accompagnée d’une série de cours publics permettant au chorégraphe d’expliquer sa démarche aux danseurs et aux spectateurs. Rolf Liebermann encourage aussi Maurice Béjart et Roland Petit à entretenir leur relation avec « la Maison » en favorisant l’entrée de leurs créations récentes au répertoire de l’Opéra. Deux commandes d’oeuvres sont également passées à Roland Petit : Nana, sur une musique de Marius Constant, et Le Fantôme de l’Opéra, dernier ballet créé sous l’ère Liebermann sur une musique de Marcel Landowski.

Bibliothèque nationale de France - Bibliothèque-musée de l’Opéra
Palais Garnier - à l’angle des rues Scribe et Auber - Paris 9e
Métro : Opéra

Horaires
Tous les jours, 10h > 17h
Sauf fermetures exceptionnelles (voir operadeparis.fr)
Entrée : 9 euros - TR : 5 euros
(avec la visite du théâtre)
Entrée gratuite pour les moins de10 ans

pierre aimar
Mis en ligne le Jeudi 2 Décembre 2010 à 21:25 | Lu 1093 fois

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