© Jean-Pierre Maurin
Les spectacles à Moscou, à Iekaterinbourg, à Tcheliabinsk, se sont donnés à guichet fermé (10 000 personnes en 8 représentations), ainsi qu’à Perm, ville natale de Serge Diaghilev, impresario des fameux “ballets russes“ à qui l’on doit en 1910 le retour en France de la Giselle d’origine, qui avait disparue de l’affiche de l’Opéra de Paris avec la guerre de 1870. Josseline Le Bourhis
La relecture décapante de Giselle par Mats Ek
Ce n’est sans doute pas un hasard si Mats Ek choisit en 1982 de s’attaquer à Giselle, ballet romantique par excellence. Audelà des codes en vigueur au XIXe siècle, avec scène de pastorale et transfiguration aux limites du fantastique, l’oeuvre propose une dimension sociale opposant des villageois aux princes, deux mondes éloignés qui se croisent pour le meilleur et le pire. Un coup de foudre, Giselle amoureuse d’Albrecht, une déchéance ensuite, la folie puis la mort. Autant dire que la Giselle de 1841 (livret de Théophile Gautier et partition de Adolphe Adam) avait tout pour séduire Mats Ek. “Le ballet n’a jamais vraiment osé tremper les pieds dans les eaux froides qui nous entourent. J’ai envie de refléter l’image de la réalité“ prévient néanmoins le chorégraphe pour justifier la distance prise avec l’original.
Ainsi, tout en gardant la structure en 2 actes et la musique de l’époque, le Suédois transpose l’action de la première partie dans un décor de nature luxuriante, où folâtre sa Giselle aux pieds nus ! L’occasion pour Mats Ek d’affirmer sa singularité chorégraphique : gestuelle énergique, mouvements parfois brusques, pas de deux aux allures de duel. Le romantisme n’est ici pas de mise. Le conte, même sombre, prend des allures de tragédie moderne. Le sens inné du théâtre de Mats Ek lui permet de développer le caractère de chaque personnage, Giselle tout d’abord, mais également Hilarion, son amoureux trompé ou Albrecht le “prince“ falsificateur. Et à la mort de l’héroïne, Mats Ek substitue au second acte la plongée dans la folie, prenant pour cadre un asile psychiatrique.
Le miracle de cette re-création, sans doute un des classiques du XXe siècle, tient à la justesse de ce portrait d’une femme en détresse que l’amour a brisée. Mats Ek signe aussi un ballet sur la fraternité. Ainsi à la fin de Giselle, Hilarion assoiffé de vengeance, retrouve Albrecht nu comme abandonné à son sort dans la fôret. Son geste, couvrir les épaules de son rival d’une couverture, est une des plus belles scènes de la danse de Mats Ek.
Le réel définitivement conjugué au talent du chorégraphe issu de la prestigieuse dynastie Cullberg emporte Giselle vers des sommets. Les visions que laissent ce ballet dans nos mémoires sont marquantes : Giselle le corps entravé par une corde ; dans une camisole blanche comme délivrée de ses sortilèges ; Myrtha, la surveillante à la tête d’une troupe de compagnes d’internement, variations autour des personnages des Willis, ces fantômes de jeunes filles mortes d’amour, Albrecht retournant sur les pas de sa première rencontre avec Giselle. Le réalisme chorégraphique de Mats Ek parvient à saisir toutes les nuances du drame de Giselle. “Le mouvement est un langage“ dit encore Mats Ek. “Ce n’est pas de l’esthétique ni de la décoration. Pas plus une illustration de la musique, mais une expression en soi“. Giselle en est l’incarnation absolue. Philippe Noisette
Ainsi, tout en gardant la structure en 2 actes et la musique de l’époque, le Suédois transpose l’action de la première partie dans un décor de nature luxuriante, où folâtre sa Giselle aux pieds nus ! L’occasion pour Mats Ek d’affirmer sa singularité chorégraphique : gestuelle énergique, mouvements parfois brusques, pas de deux aux allures de duel. Le romantisme n’est ici pas de mise. Le conte, même sombre, prend des allures de tragédie moderne. Le sens inné du théâtre de Mats Ek lui permet de développer le caractère de chaque personnage, Giselle tout d’abord, mais également Hilarion, son amoureux trompé ou Albrecht le “prince“ falsificateur. Et à la mort de l’héroïne, Mats Ek substitue au second acte la plongée dans la folie, prenant pour cadre un asile psychiatrique.
Le miracle de cette re-création, sans doute un des classiques du XXe siècle, tient à la justesse de ce portrait d’une femme en détresse que l’amour a brisée. Mats Ek signe aussi un ballet sur la fraternité. Ainsi à la fin de Giselle, Hilarion assoiffé de vengeance, retrouve Albrecht nu comme abandonné à son sort dans la fôret. Son geste, couvrir les épaules de son rival d’une couverture, est une des plus belles scènes de la danse de Mats Ek.
Le réel définitivement conjugué au talent du chorégraphe issu de la prestigieuse dynastie Cullberg emporte Giselle vers des sommets. Les visions que laissent ce ballet dans nos mémoires sont marquantes : Giselle le corps entravé par une corde ; dans une camisole blanche comme délivrée de ses sortilèges ; Myrtha, la surveillante à la tête d’une troupe de compagnes d’internement, variations autour des personnages des Willis, ces fantômes de jeunes filles mortes d’amour, Albrecht retournant sur les pas de sa première rencontre avec Giselle. Le réalisme chorégraphique de Mats Ek parvient à saisir toutes les nuances du drame de Giselle. “Le mouvement est un langage“ dit encore Mats Ek. “Ce n’est pas de l’esthétique ni de la décoration. Pas plus une illustration de la musique, mais une expression en soi“. Giselle en est l’incarnation absolue. Philippe Noisette
Mats Ek
Mats Ek s’oriente d’abord vers le théâtre, tout en suivant les cours de danse de Donya Feuer (américaine, pratiquant la technique Graham, installée à Stockholm).
De 1966 à 1973, il réalise des mises en scène pour le théâtre de marionnettes de Stockholm et le Théâtre royal. Il se laisse convaincre par sa mère de reprendre la danse. Il fait une saison (1974-75) au Ballet de Du_sseldorf, puis intègre le Ballet Cullberg l’année suivante. Il commence à chorégraphier : The Officer’s Servant / L’Ordonnance (1976) d’après le Woyzeck de Bu_chner, Saint-Georges et le Dragon sur l’impérialisme, et Soweto (1977) sur l’apartheid (ballet dans lequel il fait danser sa mère pour sa dernière apparition sur scène) disent déjà son engagement de “citoyen du monde“ et retiennent l’attention de la critique internationale. En 1980, Mats Ek assume les fonctions de co-directeur artistique de la compagnie avec Birgit Cullberg, et en 1985, lorsque sa mère se retire définitivement, il en reste le seul directeur.
Ses “relectures“ audacieuses et virulentes de La Maison de Bernarda (1978), Giselle (1982), Le Sacre du printemps (1984), Le Lac des cygnes (1987), Carmen (1992), La Belle au bois dormant (1996) confirment son talent à creuser les apparences pour faire jaillir la psychologie tourmentée des personnages et bousculer les conventions du ballet. Ses fables surréalistes comme Vieux enfants (1989) ou Etres lumineux (1991) transposent, dans l’étrange, les relations complexes qui peuvent s’établir entre les gens.
Depuis qu’il a quitté la direction du Ballet Cullberg (1993) et qu’il travaille en free-lance, Mats Ek s’attache à dénoncer les maux de notre société à travers les difficultés du couple et les petits drames au quotidien : A Sort of... (1997) pour le Nederlands Dans Theater, Appartement pour l’Opéra de Paris, Fluke (2002) au répertoire du Ballet de l’Opéra de Lyon, Aluminium pour la Compañia Nacional de Danza / Nacho Duato (2005), Place pour Ana Laguna et Mikhaïl Baryshnikov (2007), Radis noir (2008) pour le Ballet de l’Opéra royal de Suède. Plus que jamais, Mats Ek cherche à “danser pour dire quelque chose... J’ai envie de refléter l’image de la réalité“.
Il a également effectué un retour au théâtre, en produisant Dans Med Nätsan/ Danse avec ton prochain (1995), Johanna sur Jeanne d’Arc (1998) et mettant en scène Molière, Racine, Shakespeare, Strindberg, ainsi que l’opéra de Gluck Orphée et Eurydice. En vingt ans, il a imposé sa vision caustique des comportements humains, dans un style personnel qui exacerbe le mouvement, chargeant le corps des désarrois de l’âme. Dans ses réinterprétations psychanalytiques des “classiques“ comme dans l’observation aiguë des frustrations de chacun, il ose l’essentiel. Giselle est la cinquième oeuvre que Mats Ek confie au Ballet de l’Opéra national de Lyon. Josseline Le Bourhis
De 1966 à 1973, il réalise des mises en scène pour le théâtre de marionnettes de Stockholm et le Théâtre royal. Il se laisse convaincre par sa mère de reprendre la danse. Il fait une saison (1974-75) au Ballet de Du_sseldorf, puis intègre le Ballet Cullberg l’année suivante. Il commence à chorégraphier : The Officer’s Servant / L’Ordonnance (1976) d’après le Woyzeck de Bu_chner, Saint-Georges et le Dragon sur l’impérialisme, et Soweto (1977) sur l’apartheid (ballet dans lequel il fait danser sa mère pour sa dernière apparition sur scène) disent déjà son engagement de “citoyen du monde“ et retiennent l’attention de la critique internationale. En 1980, Mats Ek assume les fonctions de co-directeur artistique de la compagnie avec Birgit Cullberg, et en 1985, lorsque sa mère se retire définitivement, il en reste le seul directeur.
Ses “relectures“ audacieuses et virulentes de La Maison de Bernarda (1978), Giselle (1982), Le Sacre du printemps (1984), Le Lac des cygnes (1987), Carmen (1992), La Belle au bois dormant (1996) confirment son talent à creuser les apparences pour faire jaillir la psychologie tourmentée des personnages et bousculer les conventions du ballet. Ses fables surréalistes comme Vieux enfants (1989) ou Etres lumineux (1991) transposent, dans l’étrange, les relations complexes qui peuvent s’établir entre les gens.
Depuis qu’il a quitté la direction du Ballet Cullberg (1993) et qu’il travaille en free-lance, Mats Ek s’attache à dénoncer les maux de notre société à travers les difficultés du couple et les petits drames au quotidien : A Sort of... (1997) pour le Nederlands Dans Theater, Appartement pour l’Opéra de Paris, Fluke (2002) au répertoire du Ballet de l’Opéra de Lyon, Aluminium pour la Compañia Nacional de Danza / Nacho Duato (2005), Place pour Ana Laguna et Mikhaïl Baryshnikov (2007), Radis noir (2008) pour le Ballet de l’Opéra royal de Suède. Plus que jamais, Mats Ek cherche à “danser pour dire quelque chose... J’ai envie de refléter l’image de la réalité“.
Il a également effectué un retour au théâtre, en produisant Dans Med Nätsan/ Danse avec ton prochain (1995), Johanna sur Jeanne d’Arc (1998) et mettant en scène Molière, Racine, Shakespeare, Strindberg, ainsi que l’opéra de Gluck Orphée et Eurydice. En vingt ans, il a imposé sa vision caustique des comportements humains, dans un style personnel qui exacerbe le mouvement, chargeant le corps des désarrois de l’âme. Dans ses réinterprétations psychanalytiques des “classiques“ comme dans l’observation aiguë des frustrations de chacun, il ose l’essentiel. Giselle est la cinquième oeuvre que Mats Ek confie au Ballet de l’Opéra national de Lyon. Josseline Le Bourhis
Pratique
Chorégraphie Mats Ek
Musique Adolphe Adam
Décors et costumes
Marie-Louise Eckman
Lumières Jörgen Jansson
Entrée au répertoire du Ballet de l’Opéra de Lyon le 22 mars 2009
Renseignements : 0 826 305 325 et www.opera-lyon.com
Musique Adolphe Adam
Décors et costumes
Marie-Louise Eckman
Lumières Jörgen Jansson
Entrée au répertoire du Ballet de l’Opéra de Lyon le 22 mars 2009
Renseignements : 0 826 305 325 et www.opera-lyon.com