Mais Tomas Llorens, l'un des deux commissaires de l'exposition pense « qu’il est très improbable qu'une exposition de ce type puisse être à nouveau montée en Europe au cours de la prochaine décennie, voire jamais, » tant il est exceptionnel de réunir tant d’œuvres de Hopper, si variées, provenant de partout dans le monde et de tant de collections privées.
Composée de 73 oeuvres,- peintures, dessins, gravures et aquarelles -, l'exposition voyagera jusqu'à Paris au Grand Palais, où elle est présentée du 10 octobre au 28 janvier 2013.
Composée de 73 oeuvres,- peintures, dessins, gravures et aquarelles -, l'exposition voyagera jusqu'à Paris au Grand Palais, où elle est présentée du 10 octobre au 28 janvier 2013.
Une exposition magistrale
Il y a souvent des expositions sur Hopper dans le monde. Celle de la Fondation Hermitage en Suisse s’est terminée en octobre 2010, celle du Whitney Museum of American Art à New York s’achève en avril 2011, mais celle du Grand Palais, après Madrid, s’annonce exhaustive, avec des illustrations, peintures, gravures et aquarelles montrant d’abord les années de formation, puis l’œuvre de la pleine maturité. C’est le temps de la pleine maitrise d’un style très personnel qui résonne encore fortement aujourd’hui.
Conçue chronologiquement, l’exposition se compose de deux grandes parties ; la première consacrée aux années de formation (de 1900 à 1924), rapproche les œuvres de Hopper de celles de ses contemporains, notamment de celles découvertes à Paris, qui ont pu l’inspirer. La seconde partie vouée à l’art de la maturité, des premières peintures emblématiques de son style personnel à ses œuvres ultimes.
La chronologie permet de mesurer la continuité de son inspiration, le travail d’approfondissement de ses sujets de prédilection : les architectures qu’il dote d’une identité « quasi psychologique », les personnages solitaires abîmés dans leurs pensées, le monde du spectacle, les images de la ville moderne.
Le réalisme apparent des peintures de Hopper, le processus mental et abstrait qui prévaut à leur élaboration, destinent ces œuvres aux revendications les plus contradictoires. Cette complexité de l’œuvre de Hopper la place au croisement des deux définitions historiques de la modernité américaine. Dans les années cinquante, l’étrangeté « surréelle », la dimension « métaphysique » de sa peinture vaut à Hopper d’être rapproché de De Chirico. Au même moment, dans les colonnes de la revue Reality, le peintre s’associe aux artistes du réalisme américain pour dénoncer l’art abstrait qui, selon eux, submerge collections et musées.
Quelques mois à peine après la mort de l’artiste, réconciliant réalisme et art d’avant-garde, la Biennale de Sao Paulo organise une exposition des oeuvres de Hopper associé alors à la génération des artistes Pop. (Photo 1)
Conçue chronologiquement, l’exposition se compose de deux grandes parties ; la première consacrée aux années de formation (de 1900 à 1924), rapproche les œuvres de Hopper de celles de ses contemporains, notamment de celles découvertes à Paris, qui ont pu l’inspirer. La seconde partie vouée à l’art de la maturité, des premières peintures emblématiques de son style personnel à ses œuvres ultimes.
La chronologie permet de mesurer la continuité de son inspiration, le travail d’approfondissement de ses sujets de prédilection : les architectures qu’il dote d’une identité « quasi psychologique », les personnages solitaires abîmés dans leurs pensées, le monde du spectacle, les images de la ville moderne.
Le réalisme apparent des peintures de Hopper, le processus mental et abstrait qui prévaut à leur élaboration, destinent ces œuvres aux revendications les plus contradictoires. Cette complexité de l’œuvre de Hopper la place au croisement des deux définitions historiques de la modernité américaine. Dans les années cinquante, l’étrangeté « surréelle », la dimension « métaphysique » de sa peinture vaut à Hopper d’être rapproché de De Chirico. Au même moment, dans les colonnes de la revue Reality, le peintre s’associe aux artistes du réalisme américain pour dénoncer l’art abstrait qui, selon eux, submerge collections et musées.
Quelques mois à peine après la mort de l’artiste, réconciliant réalisme et art d’avant-garde, la Biennale de Sao Paulo organise une exposition des oeuvres de Hopper associé alors à la génération des artistes Pop. (Photo 1)
Edward Hopper. People in the Sun, 1960 © 2011 Photo Smithsonian American Art Museum / Art resource / Scala Florence
Edward Hopper et la gravure
En dépit de leur nombre restreint (leur corpus se résume à vingt-six images), les gravures occupent une place essentielle dans l’œuvre de Hopper. L’artiste leur reconnaît ce rôle capital : « Ma peinture sembla se cristalliser quand je me mis à la gravure. »
Au Metropolitan Museum of Art de New York, où il se rend pour y étudier les collections de gravures, il est confronté aux œuvres de Goya, Turner, Whistler, auxquelles il préfère celles de Charles Méryon, dont il admire « le merveilleux rendu de la lumière » tout autant que « son caractère romantique ».
Par son format, sa technique, la gravure s’apparente à l’illustration commerciale. Les sujets qu’aborde Hopper dans ses premières planches ne se distinguent pas de ceux des images qu’il conçoit pour les magazines. Son statut commercial et son tirage limité font de la gravure un sas entre l’image démultipliée de l’édition et l’unicité de l’objet artistique. Celle-ci passe formellement par l’accentuation des contrastes de lumière et d’ombre, qu’il obtient par l’usage du papier le plus blanc disponible sur le marché, sur lequel il applique les noirs les plus profonds. (Photo 2)
Au Metropolitan Museum of Art de New York, où il se rend pour y étudier les collections de gravures, il est confronté aux œuvres de Goya, Turner, Whistler, auxquelles il préfère celles de Charles Méryon, dont il admire « le merveilleux rendu de la lumière » tout autant que « son caractère romantique ».
Par son format, sa technique, la gravure s’apparente à l’illustration commerciale. Les sujets qu’aborde Hopper dans ses premières planches ne se distinguent pas de ceux des images qu’il conçoit pour les magazines. Son statut commercial et son tirage limité font de la gravure un sas entre l’image démultipliée de l’édition et l’unicité de l’objet artistique. Celle-ci passe formellement par l’accentuation des contrastes de lumière et d’ombre, qu’il obtient par l’usage du papier le plus blanc disponible sur le marché, sur lequel il applique les noirs les plus profonds. (Photo 2)
Edward Hopper. Night Shadows, 1921. Gravure, 17,5 x 21 cm. Philadelphia Museum of Art : Purchased with the Thomas Skelton Harrison Fund, 1962 © Philadelphia museum of art
Edward Hopper et la photographie/ Atget-Brady
Les maisons et les villes hantées des photographies de Mathew Brady (1823-1896) ou d’Eugène Atget (1857-1927) n’ont cessé de fasciner Edward Hopper. À partir de 189, Atget avait entrepris de photographier les quartiers de Paris voués à la démolition qu’Hopper retrouve dans la capitale française, les quais de la Seine, le parc de Saint-Cloud. Hopper croque les « types parisiens » comme le photographe avait fixé les artisans des petits métiers condamnés par l’essor du commerce moderne. Avant Man Ray et les surréalistes, Hopper est séduit par l’atmosphère « métaphysique » des images d’Atget, par son imagerie de la ruine annoncée, celle d’une ville en proie à la métamorphose.
Hopper, un maître en dramaturgie picturale
Sans doute pourrait-on conclure avec Alfred H. Barr :
(…) En dépit de son prosaïsme apparent, Hopper est un maître en dramaturgie picturale. Mais ses acteurs sont rarement humains : les maisons et les voies publiques qu’empruntent les humains sont présentes, mais sont plus souvent habitées par des bouches d’incendie, des réverbères, des enseignes de coiffeur et des bureaux de poste que par des êtres vivants. Et lorsqu’il intègre des personnages dans ses bâtiments, leur présence a souvent l’air fortuite. Peut-être ses longues années d’illustration pour des magazines l’avaient-elles lassé des personnages trop délibérément spectaculaires. (…) (Photo 3)
(…) En dépit de son prosaïsme apparent, Hopper est un maître en dramaturgie picturale. Mais ses acteurs sont rarement humains : les maisons et les voies publiques qu’empruntent les humains sont présentes, mais sont plus souvent habitées par des bouches d’incendie, des réverbères, des enseignes de coiffeur et des bureaux de poste que par des êtres vivants. Et lorsqu’il intègre des personnages dans ses bâtiments, leur présence a souvent l’air fortuite. Peut-être ses longues années d’illustration pour des magazines l’avaient-elles lassé des personnages trop délibérément spectaculaires. (…) (Photo 3)
Edward Hopper, Gas 1940. Huile sur toile, 66,7 x 102,2 cm. New York, The Museum of Modern Art Mrs. Simon Guggenheim Fund, 1943 © 2012. Digital image, The Museum of Modern Art, New-York/Scala, Florence
Edward Hopper en 2012
L’exposition Hopper permet une découverte violente et émouvante de cette Amérique d’avant les USA, pas encore moulée par le cinéma, ni déformée par l’actualité souvent brûlante et politique qui l’anime, ni banalisée par l‘existence et son ordinaire.
Avec Hopper, le pays est immense et encore à demi vide, les villes carrées et en jeux de béton, les maisons nues et les rues inhabitées. Sauf par quelques personnages, l’homme assis dans une station essence déserte, une femme nue dans sa chambre, une autre dans un bar en bord de rue aux éclairages verdâtres et lugubres. Ailleurs un groupe d’hommes et femmes prennent le soleil, dans un endroit vide, près de la route, tendus vers la lumière, avec chapeaux et lunettes.
Des visions fortes et frappantes qui entrent dans le regard et pénètrent l’esprit à la façon de modèles prédécoupés. Se font inoubliables. Le peintre exerce ainsi son œil de photographe, aigu, découpant dans les cadres de la réalité ce qui l’intéresse et lui parle et qu’il nous lance au visage.
On pourrait dire de lui peintre de l’absence, du vide et de la solitude, peintre du réel avant qu’il ne naisse.
En aucun cas l’artiste ne saurait laisser indifférent tant sont fortes les vérités portées par sa couleur, les idées nées de ses images, le discours porté par les hommes et les femmes sans expression qui hantent l’étrange Amérique où ils demeurent.
Jacqueline Aimar
Paris, le Grand palais, du 10 octobre au 28 janvier 2013
Avec Hopper, le pays est immense et encore à demi vide, les villes carrées et en jeux de béton, les maisons nues et les rues inhabitées. Sauf par quelques personnages, l’homme assis dans une station essence déserte, une femme nue dans sa chambre, une autre dans un bar en bord de rue aux éclairages verdâtres et lugubres. Ailleurs un groupe d’hommes et femmes prennent le soleil, dans un endroit vide, près de la route, tendus vers la lumière, avec chapeaux et lunettes.
Des visions fortes et frappantes qui entrent dans le regard et pénètrent l’esprit à la façon de modèles prédécoupés. Se font inoubliables. Le peintre exerce ainsi son œil de photographe, aigu, découpant dans les cadres de la réalité ce qui l’intéresse et lui parle et qu’il nous lance au visage.
On pourrait dire de lui peintre de l’absence, du vide et de la solitude, peintre du réel avant qu’il ne naisse.
En aucun cas l’artiste ne saurait laisser indifférent tant sont fortes les vérités portées par sa couleur, les idées nées de ses images, le discours porté par les hommes et les femmes sans expression qui hantent l’étrange Amérique où ils demeurent.
Jacqueline Aimar
Paris, le Grand palais, du 10 octobre au 28 janvier 2013
Légende des illustrations :
1 - Edward Hopper. People in the Sun, 1960 © 2011 Photo Smithsonian American Art Museum / Art resource / Scala Florence
2 - Edward Hopper. Night Shadows, 1921. Gravure, 17,5 x 21 cm. Philadelphia Museum of Art : Purchased with the Thomas Skelton Harrison Fund, 1962 © Philadelphia museum of art
3 - Edward Hopper, Gas 1940. Huile sur toile, 66,7 x 102,2 cm. New York, The Museum of Modern Art Mrs. Simon Guggenheim Fund, 1943 © 2012. Digital image, The Museum of Modern Art, New-York/Scala, Florence
1 - Edward Hopper. People in the Sun, 1960 © 2011 Photo Smithsonian American Art Museum / Art resource / Scala Florence
2 - Edward Hopper. Night Shadows, 1921. Gravure, 17,5 x 21 cm. Philadelphia Museum of Art : Purchased with the Thomas Skelton Harrison Fund, 1962 © Philadelphia museum of art
3 - Edward Hopper, Gas 1940. Huile sur toile, 66,7 x 102,2 cm. New York, The Museum of Modern Art Mrs. Simon Guggenheim Fund, 1943 © 2012. Digital image, The Museum of Modern Art, New-York/Scala, Florence