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La Comédie Française se porte plutôt bien aux Editions Montparnasse

Du théâtre classique entre modernité et tradition


La Comédie Française se porte plutôt bien aux Editions Montparnasse, Shakespeare aussi

C’est à un véritable travail sur la mémoire du théâtre français et anglais que se livrent Les Editions Montparnasse depuis quelques années.
On ne se lasse pas de redécouvrir, dans ce nouvel arrivage tout chaud tout beau et parfait cadeau de fin d’année, trois pièces maîtresses du répertoire hexagonal, les deux plus récentes montées durant le mandat de Jacques Toja.

Présentation classique en diable donc pour Le Pain de Ménage de Jules Renard (1979), petit bijou de théâtre en un acte, véritable analyse au goût de dragée au poivre de l’âme et des sentiments.
Voici une joute amoureuse autant que verbale, à coup de fleurets mouchés pour Jacques Toja himself et la toujours lumineuse et regrettée Claude Winter (disparue voici peu). Une classe, un chic, une maîtrise du jeu entre cynisme, brutalité et douceur pour un délicat et petit bourgeois jeu de l’amour et du hasard contrarié où la morale sort indemne. Les caméras de Pierre Badel cernent au plus près la valse-hésitation réglée au cordeau par Yves Gasc.

Péplum cornélien de haut lignage, Sertorius, capté en 1981 par Michel Subiela, voit le triomphe mérité d’un acteur qui a bercé l’enfance de tout téléphage des années soixante car fidèle dès la première heure du Théâtre de la Jeunesse de Claude Santelli : Michel Etcheverry.
Son Auguste (Cinna) rivalisait avec celui de Jean Vilar. C’est tout dire…
Sur fond de liberté, d’accession au trône, de crise politique, de guerre civile, de rivalité amoureuse où tel est pris qui croyait prendre, les héros sont ici fatigués. Jean-Pierre Miquel, spécialiste maison de l’esthétique classique, brosse une atmosphère inquiétante, lourde, (la musique tendue de Fred Kiriloff ajoute à l’angoisse ambiante) tout se jouant autour d’une table, échiquier des passions et des manœuvres dans des décors de tente arabe ou de bunker ouvert aux quatre vents et la mer avec des costumes très Club Med…
Catherine Ferran, Viriate superbement sanglée dans une robe toute de cuir et de fer, charrie la rage de l’amour calculé et de l’ambition avec une diction haute et claire. L’actrice, fière et altière de port, sorte de blonde Walkyrie née sur les rives du Tibre, belle à damner toute une légion romaine, trouve en la magnifique Bérangère Dautun une possible rivale. On dirait Hermione et Arsinoé réunies !
Dominique Rozan (un autre Cocu Magnifique), Jacques Destoop, José-Maria Flotats (Pompée calculateur puis machiavélique) et Claire Vernet (Aristie sauvée des eaux boueuses de la politique) complètent une distribution de haut vol, pour un spectacle exemplaire dans son ascèse, une course au pouvoir qui rend fou et meurtrier.

Changement avec Port-Royal de Montherlant. La télé française avait du courage pour présenter en prime time en 1960 cette pièce aride, austère, ce texte osant la spiritualité comme seul Montherlant savait l’écrire, car crise de conscience, mysticisme poussé à son paroxysme pour une histoire de religieuses, un dialogue non pas de carmélites avant l’heure, mais de jansénistes, où des nonnes se battre entre l’appel de Dieu et la difficulté du renoncement au monde.
Pour certains, voilà un drame un tantinet rasoir à double lames (mousse non garantie, on en prend pour deux heures non-stop)… pour d’autres une tragédie belle, grandiose, car la noblesse et la vigueur de la langue en sortent comme déifiées, béatifiées. Nous sommes dans un couvent, ne l’oublions pas.
Le film de Jean Vernier tente d’aérer ce drame clos de l’injustice et il y réussit fort bien. L’élite de la troupe, qui connaît par cœur son texte depuis la création in loco six ans auparavant, joue entre lumière et ténèbres. Comme le veut le texte, tel un sacrifice à la paix du royaume et de l’Eglise sublimé.

Impossible de citer la distribution dans son entier. Mais Maurice Escande, Claude Winter, Annie Ducaux, Renée Faure, les Casile, Boudet, Gence, Delamare, de Chauveron portent sur leurs larges épaules, celles du talent solide et increvable, cette montée à la nuit, ce Golgotha du crépuscule, du doute, du renoncement.
Un mot pour finir sur le volume numéro deux des drames historiques du Grand Will paru cet automne et qui comprend les deux Henri IV, pièce fleuve en deux parties, Le Roi Jean, Richard II, le très méconnu Henry VIII et Henry V avec sa fameuse harangue à Azincourt.

Un pavé de six disques qui nous plonge dans les arcanes de la Cour d’Angleterre, son histoire, petite et grande. L’imagerie est toujours aussi somptueuse, les costumes plus vrais que nature, parfois un rien empesés, les décors parfois simplement évocateurs sentent leur studio à mille lieues.
Le tout est riche, décadent, superbement interprété, Derek Jacobi en Richard II raflant la mise en jouant à fond la dégénérescence des sens face à un John Gielguld Jean de Gand très Moïse sur le retour. L’entourage encore une fois est de luxe : Anthony Quayle, John Finch… Un must où nous relèveront l’affrontement entre Timothy West (Wolsey) et Claire Bloom (Katherine d’Aragon) qui touche au sublime.
Christian Colombeau

Christian Colombeau
Mis en ligne le Dimanche 7 Décembre 2014 à 15:34 | Lu 278 fois

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